Péloche fantastique formellement atypique, le Heartless de Philip Ridley a brillé de milles feux à chacune de ses apparitions festivalières. (Fantasporto , Stiges, Gerardmer... ) De quoi attiser la curiosité mais aussi l'impatience des cinévores avertis. Neuf prix au compteur et pas l'ombre d'une sortie vidéo pour la France ? Et tandis que pleuvent sur nos pauvres platines des éditions de téléfilms miteux, radins en CGI bon marché (c'est dire !), une question se pose: les éditeurs de notre petit hexagone sont-il tombés sur la tête ? Réjouissons-nous car Free Dolphin a répondu à nos fiévreuses attentes en offrant à "Heartless" des éditions DVD et Blu-ray le 5 juillet prochain. De quoi se préparer un été infernal car si Heartless fait tâche, c'est bel et bien en forme de coup de coeur...
Synospis:
Jamie est défiguré par une tache de naissance en forme de coeur qui couvre une partie de son visage. Habitant de l’East End londonien, tristement célèbre pour la violence de ses gangs, il parcourt régulièrement les rues, appareil photo en main. Complexé, solitaire, il n’a que peu de contact avec les êtres qui entourent. Lorsque sa mère est brutalement assassinée, la presse évoque un gang de jeunes ultra violents portant des masques de démons. Mais Jamie comprend vite que ces monstres sont bien réels et que l’Enfer est en train de prendre possession de la ville. Déterminé à se venger, il plonge tout entier dans ce cauchemar éveillé…
Critique :
Artiste pluridisciplinaire britannique pas particulièrement reconnu de ce côté ci de la manche, Philip Ridley semblait avoir raccroché les gants ou du moins rangé ses incursions cinématographiques au rayon "souvenirs du temps qui passe" . Plus de dix ans après son dernier (et second) long métrage, le voici de retour avec "Hearthless", bobine fantastique quasi onirique naviguant entre l'horreur et le psycho-movie agité du bocal. Au programme, une visite à l'anglaise du mythe Faustien. Une thématique rouillée, me direz-vous, mais qui permet pourtant à Ridley, de développer une étrange mécanique narrative dans laquelle la moindre scène sert de rouage. C'est aussi un film profondément dépressif à la dimension autobiographique ouvertement assumée...qui glisse vers l' interrogation sociétal. A la question "pourquoi tant de haine" dans les rues de ce Londres sombre et violent , Ridley apporte une réponse qui à la mérite d'être claire... Le malin et les démons sont parmi nous. Tremblez pauvres âmes perdues!
Notre héros défiguré par une tâche de naissance en forme de cœur pactise donc avec Papa "B" ( Papa pour le père qu'il a perdu , B pour Belzebuth ?). En échange d'un nouveau visage, indispensable porte d'entrée ou minimum syndical dans un monde superficiel ou l'apparence règne sur l'échelle de valeurs, autrement dit le nôtre, Jamie devra apporter sa contribution au chaos. A moins que ce voyage au bout de l'enfer urbain ne soit qu'une promenade intérieure dans l'esprit dérangé de ce dernier. Schizophrénie carabinée ou véritable plongée dans le fantastique, "Heartless" joue sans surprise mais avec efficacité sur les deux tableaux, ne livrant ses mordibes conclusions que dans ses toutes dernières minutes.
Inutile de gratter des heures, sous la dimension horrifique, psychologique et sociale de Heartless, sous sa peau nocturne et urbaine, se cache un véritable conte moderne. Ne cherchez pas tout y est. Papa B crèche à "Cendrillon House", il vit avec une jeune fille nommé Belle ( La Belle et la Bête?) et même Charles Perrot s'invite à la fête (le nom d'un professeur interviewé à la télévision ) . Lorsque l'on sait que Philip Ridley s'est en partie consacré ces dernières années à l'écriture de contes pour les enfants, on se dit que la boucle et bouclée. Du haut de sa photographie acérée, de son ambiance hallucinée, accompagné d' une bande originale aérienne et servi dans un scope maîtrisé , "Heartless" se permet même les arabesques et double salto arrières propres aux exercices de style réussis. Un programme libre qui met la barre très haut.
Certes, "Heartless" ne trouve jamais l'intensité des bobines auxquelles sa liberté formelle fait référence, "Donnie Darko" en tête, mais il s'inscrit sans peine dans le haut de la liste des films fantastiques les plus originaux et bien envoyés de l'année. Voilà, en tout cas 109 minutes définitivement fréquentables.
Test technique:
A peine ins��rée dans la platine, la galette argentée de Hearthless s'ouvre sur un menu flamboyant proposant un classique chapitrage et le choix des pistes audios. Version Française d'un côté , version originale sous titrée de l'autre. Deux mixages 5.1 des plus honnêtes. Rayon "pour les yeux", sachez que Free Dolphin a eu la bonne idée de se détourner d'un recadrage sauvage et que Heartless se visionne donc dans son format 2.35 d'origine. Une image qui au passage s'avère en phase avec ce que l'on peut attendre d'un DVD. Rien à redire du côté technique donc. Cette édition présente en plus la particularité d'être riche en bonus avec au programme :
- Un commentaire audio VOST du réalisateur
- Dynamite Sky, un making of de 25 minutes
- Une rencontre assez originale avec Philip Ridley -VOST ( 15mn env)
- Une bande annonce
- Une gallerie photo
- Et pour finir deux captation live d'extrait de la B.O. par Jim Sturges