Étrangement resté inédit en DVD en France, Angoisse (Anguish) de Biga Luna est à ranger dans le tiroir des bobines cultes et oubliées aux côtés d'Abattoir 5 ou du Mystère Andromède. Bonne nouvelle des étoiles, Filmedia se fendra le 7 mars 2012 d'éditions collector Bluray et DVD de la chose. Bien que le communiqué de presse nous invite à ne pas livrer les secrets de cette expérience cinématographique et horrifique, Ecranbis.com lève le voile...Un review que vous lirez donc à vos risques (celui de vous gâcher sérieusement la surprise) et périls. Vous voilà avertis....
Synopsis :
John (Michael Lerner) est un brillant chirurgien oculiste sur le point de devenir aveugle. Il vit sous l'emprise d'une mère (Zelda Rubinstein) aussi terrifiante qu'abusive qui utilise l'hypnose afin de le pousser à commettre les homicides les plus atroces. Son objectif, partager les souffrances de son fils en s'emparant des yeux de ses victimes. Poussé à la folie par sa mère, John s'enferme dans un cinéma, bien décidé à s'approprier les globes oculaires des spectateurs présent dans la salle...
Critique :
C'est en assistant à une conférence d'un philosophe décortiquant sur le «Fenêtre sur cour» d' Hitchcock, que Bigas Luna a l'idée d' «Angoisse». Débute alors une longue et fastidieuse phase d'écriture autour de la mise en abyme. Un concept qu'il espère pouvoir porter à l'écran aux États-Unis et en trois dimensions, s'il vous plait! Malheureusement, aucun producteur hollywoodien n'accepte à l'époque de financer un film réalisé en 3D par un cinéaste espagnol. Les portes se referment les unes après les autres, contraignant Luna à rejoindre l'Espagne où il parvient finalement à faire financer son film par un producteur Catalan. Angoisse sera donc tourné en simple 2D en Espagne où la production reconstitue comme elle le peut les rues de Los Angeles. Ce qui n'enlève rien ou presque à la curieuse expérience cinéphile que constitue son visionnage.
Angoisse se trouve en fait découpé en deux actes. Dans le premier, nous suivons une étrange relation mère-fils basculant dans l'horreur. Dans le second nous découvrons que ce premier acte est en fait un film titré «The Mommy» et réalisé par Anul Sabig (Bigas Luna à l'envers). Film qui se trouve projeté dans une petite salle de cinéma américaine. Au moment où John s'enferme lui aussi dans un cinéma, le concept d'Angoisse prend des airs de mise en abyme à l'infini. Les spectateurs (nous!) qui ont vu le film en salle se retrouvent à voir d'autres spectateurs dans une salle de cinéma, eux même en train de voir d'autres spectateurs dans une autre salle de cinéma. (Vous suivez toujours?) Cette démultiplication quelque peu étourdissante de plans perd bien entendu un peu de son intensité en vidéo. Mais le message reste intact.
En fait, au delà du pur exercice conceptuel et de son récit en forme de poupée russe, le métrage de Luna est traversé par deux thématiques. L'hypnose pour commencer, qui constitue d'une part le lien entre John et sa mère, mais également le lien entre le film «The Mommy» et les plusieurs plans de spectateurs. Bigas Luna étale avec un poil d'opportunisme quelques séquences d'hypnose censées prendre le contrôle de John, des spectateurs de «The Mommy» mais aussi des spectateurs que nous sommes. L'idée plutôt bien trouvée frôle par moment le tour de foire (lors de sa sortie, certaines salles poussèrent le vice jusqu'à prévenir les spectateurs des vertus hypnotiques de cette péloche en faisant intervenir un orateur en début de projection). Mais Luna avec beaucoup d'intelligence n'insiste pas... Au profit d'une interrogation plus profonde. Alors que John assassine sauvagement les spectateurs dans «The Mommy», un spectateur fou submergé par ce qu'il voit à l'écran s'en prend aux spectateurs autour de lui. Un mimétisme contagieux? Luna confesse avoir eu lui même très peur qu'un déséquilibré tente de parfaire sa mise en abyme. Encore une fois, vu en vidéo dans son salon avec son chat sur les genoux, l'effet tombe un peu à plat.
Angoisse n'en reste pas moins un sublime et brillant exercice cinématographique et conceptuel, habillé d'une réalisation habile et inspirée. Bref un classique qui mérite d'être redécouvert avant qu'Hollywood dans sa dynamique de lifting permanent (reboot, remake & co) ne vienne nous en imposer une nouvelle version au goût du jour. D'ailleurs du côté de chez Mad Movies on ne s'y est pas trompé, Angoisse sera proposé (dans sa version DVD) en "bundle" avec le magazine du mois de Mars. Ecranbis.com délivre lui un 17/20. Incontournable !
Le bluray :
FILMEDIA offre à Angoisse une édition Bluray bénéficiant d'un nouveau master HD, une copie loin d'être parfaite mais néanmoins très acceptable au format scope 2.35 d'origine accompagnée de pistes françaises et anglaises en DTS HD AUDIO Stéréo. Des sous titres sont également de la partie. Le rayon bonus est plutôt bien achalandé puisque l'on retrouve une flopée de bandes annonces et de Spots TV (USA et Canada) d'époque, une interview passionnante de Bigas Luna (En anglais sous-titré français) et une excellente présentation du film par notre ami Fausto Fasulo, ses tatouages et ses magnifiques mouvements de mains (la prochaine fois Fausto, prends des éponges, tu nous nettoieras l'écran de l'intérieur).