Le venin de la peur: critique et test combo


 Il y a des jours, où l'on est content d'avoir tort. Quelques mois en arrière, Stéphane Bouyer (Le chat qui fume) m'avait demandé mon avis sur l’éventuelle édition du «Venin de la peur» en Bluray dans un coffret collector. Ne croyez pas que ma petite personne interfère d'une façon ou d'une autre dans la ligne éditoriale du chat qui fume, nous discutions simplement de la possibilité de financer en partie par crowdfunding une édition premium. Et je dois vous avouer que je lui ai déconseillé de le faire. Tout simplement car, je considérai que le risque financier était trop important pour un film très niché. Fort Heureusement pour les bisseux de l'hexagone, le félin gazier n'en a a fait qu'à sa tête et s'est fendu en cette rentrée, d'une édition exceptionnelle et évènement.

"Carole, fille et femme d'avocat, cul serré et foufoune toujours propre, s'ennuie à mourir. Insatisfaite par ses déambulations, clope au bec, dans un appartement cossue mais sans vie, la jeune femme ne tarde pas à être assaillie par les pensées cochonnes, les rêves érotiques et saphiques"



Carole, fille et femme d'avocat, cul serré et foufoune toujours propre, s'ennuie à mourir. Insatisfaite par ses déambulations, clope au bec, dans un appartement cossue mais sans vie, la jeune femme ne tarde pas à être assaillie par les pensées cochonnes, les rêves érotiques et saphiques (tant qu'à faire :). Le moindre chandelier passant dans son champs de vision l'inspire et la nuit, elle se voit filer en songe comme en douce chez la belle Julia , sa voisine de palier... ...pour se faire caresser la fourrure...dans tous les sens du poil et du terme. Pour ne rien arranger, Julia , cette «girl next door» incandescente est du genre à aimer le travail d'équipe. Oui à l'autre bout du couloir, le soir venu, il s'en passe de belles et de bonnes. Dit autrement, pas dit que toute les touffes soient blue, mais visiblement tout le monde s'enfile. Avec l'application d'une jeune fille, Carole note chaque détail de ses rêves et s'en va la conscience lourde et la culotte souillée se confesser sur l'autel psychanalytique, face à un prête qui n'en est pas un. Au fil des nuits, les rêves de Carole prennent une tournure morbide, elle se voit ouvrir l'enveloppe charnelle de son amante au coupe papier... Sous le regard de deux inconnus perchés. Au réveil stupeur et tremblement, Julia a bel est bien été assassinée...


"...des séquences oniriques délicieusement kinky offrant à nos mirettes une Anita Strindberg magnétique, scènes à l'esthétisme et au potentiel érotisant intense, auxquelles, Fulci répondra par une exploration plus morbide de la chair"



S'acoquinant au Giallo, sans en épouser parfaitement les contours et les codes (tout comme «L'éventreur de New York» avec lequel notre péloche du jour connait quelques similitudes que j'évoquerai plus loin ), «Le venin de la peur» pourrait constituer dans la trajectoire déviante qui conduira Lucio Fulci à la réalisation du triptyque horrifique (Frayeurs, L'au delà, la maison près du cimetière) qui le rendra célèbre, une œuvre de ou dans le virage. De fait, le film est surtout connu pour ses séquences oniriques délicieusement kinky offrant à nos mirettes une Anita Strindberg magnétique, scènes à l'esthétisme et au potentiel érotisant intense, auxquelles, Fulci répondra par une exploration plus morbide de la chair, quelques premiers coups de pinceau rouge sang, pourrais-je écrire. Le venin de la peur prête d'abord son flan à l'interprétation fantastique. (Carole est elle disposée à la prémonition ? Ou aurait-elle le don de tuer dans ses rêves ?) Pour retomber fissa, les cannes à terre... dans le labyrinthe d'une enquête policière ouvrant des portes de compréhension pour mieux les claquer à la face du spectateur... Une structuration narrative en «whodunit» classique, qui se voit rapidement volé la vedette par une peinture fort peu avantageuse de ses protagonistes...

"Ce venin là n'a pas fini de couler dans les veines des bisseux et amateurs de vieilles choses. "


Oui décidément, personne ne semble trouver grâce aux yeux du cinéaste... Bourgeoise désœuvrée et dépressive, hippie délinquant shootés, mari volage, gamine tour à tour angélique et délurée... Chaque personnage semble lancé sur sa trajectoire par une logique qui lui est propre , mais infiniment relative et ce jusqu'au flic chargé de mettre de les pièces du puzzle dans l'ordre. Un inspecteur, antipathique, dont l'intelligence froide ne se pare d'aucun sensibilité, ni même culpabilité (la recherche de la vérité et ses méthodes se payeront ici au prix du sang)... Un être «bête» au sens animal donc, mettant tout son brillant intellect à l'unique et exclusif service de sa tache. Un con qui a les moyens en quelques sorte. De l'autre côté de l’édifice, Fulci accroche (comme il le fera plus tard dans son très sous estimé «éventreur de New York ») le fait psychanalytique à son tableau de chasse. Cette «science» qui n'en est pas une, dont la qualité première est de tout s'expliquer sans s'expliquer elle-même. Et c'est bien entendu à travers l’interprétation des rêves et ses fumeuses construction mentale, l'hypersementisation (Constante de la critique freudienne) qui est montrée du doigt. Ainsi la machination de Carole a beau avoir eu lieu sur l'autel psychanalytique, l'analyste reconstruit systématiquement son discours, injectant avec un ésotérisme joyeux, le peu de logique nécessaire à la stupeur de l'homme face à lui même. En ce il conserve aux yeux du monde, son triple statu de Druide moderne, de prêtre dans dieu et de charlatant notoire.


Ce venin là n'a donc pas fini de couler dans les veines des bisseux et amateurs de vieilles choses. Visionné quelque 45 ans après sa réalisation et dans les conditions exceptionnelles offertes par cette édition haut définition, ce «Fulci» apparaît ou ré apparaît comme majeur et un pas de plus fait dans la lente reconsidération de sa filmographie.




Un œil sur le coffret:

Pas d'entourloupes du côté de l'éditeur qui livre ici un combo DVD+ BLURAY+ CD Bande originale embarquant un livret collector mais également une joyeuse tripatouillé de suppléments : Entretiens divers et varié avec Anita Strinberg, Jean Soral, Lionel Grenier, Jean-François Rauger, Olivier Père, Christophe Gans, Alain Shlockoff, une scène supplémentaire, un comparatif des différentes versions du film, un comparatif des génériques du films, des films annonces, une galerie de photo et bonus inatendu : un VHS rip du film ( Ils sont fous ! Ils sont fous ! ). Autant dire que l'on tient là l'une des éditions les plus immanquables de l'année.