Après une ressortie en salle en septembre dernier, Abattoir 5 a enfin droit à une édition DVD en France chez Opening le 1er juin prochain. Une occasion quasi inespérée de jeter un œil sur ce classique méconnu du cinéma fantastique et de le faire dans de bonnes conditions Pour cause de faille spatiotemporelle, une galette argentée échappée du temps s'est posée sur nos platines à la fin mai ...Verdict.
Synopsis :
Billy Pélerin a le pouvoir de voyager dans le temps et de mener plusieurs existences à la fois. Il se trouve, dans une bulle de verre, sur la planète Tralfamadore. Mais il est, en même temps, en février 1945, au fond d'un abattoir de Dresde sous le plus terrible bombardement aérien de la Seconde Guerre mondiale. Le futur de Billy Pélerin fait partie de son passé et il lui reste encore à vivre les événements dont il gardait déjà le souvenir.
Critique :
Juste après Butch Cassidy et le kid (1969) et juste avant l'Arnaque (1973) , deux grands classiques du 7e art, George Roy Hill se lance dans l'adaptation cinématographique d'un étrange roman de Kurt Vonnegut : Abattoir 5. Un exercice périlleux qui lui permettra de revenir du prestigieux festival de Cannes 72 avec le prix du jury à défaut de rencontrer un véritable succès public. En septembre dernier, le film a eu l'honneur d'une ressortie aussi discrète qu’inattendue dans les salles françaises. Une plutôt bonne nouvelle pour les cinéphiles puisque, jusque là, le seul moyen de jeter un œil sur Abattoir 5 dans sa version française était de mettre la main sur une K7 vidéo éditée par CIC. Les non anglophobes pouvaient eux se tourner vers des disques d'import Anglais ( avec sous titres ) ou américains. C'est finalement grâce aux efforts d'Opening qu'Abattoir s'offre à nos yeux le 1er juin prochain dans une édition DVD française digne de ce nom.
Parler d'Abattoir 5 n'est pas chose aisée puisque, d'un part, nous sommes face à une œuvre singulière, atypique dont le visionnage tend vers l’expérience cinéphilique. D'autre part, brillant par son absence sur les écrans, la bobine de Roy Hill s'est taillée chez les cinéphiles une réputation de classique méconnu. Un film cathédrale dans lequel on entre sur la pointe des pieds. Une forteresse cinématographique inattaquable à propos de laquelle il est de bon ton de ne pas tarir d'éloges.
En portant le roman de Vonnegut à l'écran, Roy Hill s'offre avec Abattoir 5 une déconstruction totale de sa narration. Le héros se définissant lui même comme "unstuck in time » (décollé du temps) se trouve projeté d'un bout à l'autre de son existence. Il voyage dans sa propre vie bondissant d'une moment à l'autre de façon anarchique. Le récit d' Abattoir 5 se singularise donc pas ses ruptures d'époques permanentes auxquelles répondent des ruptures continuelles de ton. Tantôt grave, tantôt légère, la bobine de Roy Hill se veut à l'image de l'existence humaine...Dans le même temps, Pillgrim, voyageur temporel malgré lui fait preuve d'une étrange résignation. Impassible à sa propre errance temporelle, il se borne à profiter des éclats de bonheur qui croisent son sillon . Le message délivré est lui à des années lumières de l'existentialisme ou des plus récents appels à l'indignation d'un Stephane Essel : « Il n'y a pas de pourquoi, il n'y pas de comment, juste l'instant » , le libre arbitre lui n'existe pas. Une seule et unique voie est possible : l'acceptation.
La dimension fantastique d'Abattoir 5 n'est pas sans poser de question. Notre héros souffre-t-il de troubles psychologiques, d'hallucinations, tente-t-il simplement d'échapper en songe à l'horreur de la guerre ou voyage-t-il véritablement dans le temps ? Dis autrement Abattoir 5 est-il vraiment un film fantastique ? La question se pose en boucle 99 minutes durant sans laisser au spectateur la possibilité de trancher définitivement. Si le voyage interstellaire qui mène Pillgrim sur la planète Trafalmador (présente dans plusieurs romans de Vonnegut) semble tirer le récit vers la science fiction, notre héros y partage une cage vitrée avec une femme issue de son propre passé (La playmate du magazine de son fils, l'actrice du film érotique au drive in). Comme de nombreux indices le laissent penser le long du métrage, ce zoo spatial pourrait être le fruit de l'esprit dérangé de Pillgrim, le résultat des multiples traumas de la guerre, une échappatoire fantastique, mais aussi philosophique à la folie des hommes et de l'existence.
Au final, Abattoir 5 s'avère aussi troublant qu'hypnotique. Une réussite qui à l'image de son héros traverse les années sans perdre sa substantifique moelle, son sens profond. Reste à savoir si les spectateurs attirés par les nouveaux visuels du film (très science fiction) y trouveront leur compte car nous sommes bien là face à une bobine exigeante. Les cinéphiles en manque d’expérience nouvelle (mais appartenant paradoxalement au passé ) peuvent eux y aller les yeux ouverts.
Test technique :
L'édition concoctée par Opening présente « Abattoir 5 » dans un transfert au format 1.85 dont la qualité s'avère très satisfaisante. Le disque propose 2 pistes audio ( français et anglais) en stéréo simple. Au lancement de la VF , un carton informe cependant que l'épilogue ne bénéficie pas de doublage et sera donc présenté en VOST. Rayon bonus, nous avons droit à une « longue » bande annonce, ainsi qu'à un bonus d'un gros quart d'heure titré « le pèlerin d'oz » dans lequel il s'agit en fait d'une présentation du film par Jean Baptiste Thoret. Un bonus réussi bien que très académique.