Pour cette toisième plongée dans la
collection «Les Chefs-d'oeuvres du gothique» d'Artus films,
Ecranbis.com se penche sur le cas Renato Polselli et plus précisément
sur «Il mostro dell'opera» devenu, histoire d'émoustiller le
public français : L'orgie des vampires. Au programme,
bataillon de jeunes filles en fleur, défilé de nuisettes et ratounes à l'air. A table !
Parfois taxé d'Ed Wood Italien, ce qui vous en conviendrez dit à peu près tout et son contraire, Renato Polselli réalise au début des années 60 deux espiègles «vampireries» sur des scénarios presque analogues. Alors que «l'Amante Del Vampiro» enferme un troupe de danseuses dans un château, «L'orgie des vampires» invite elle nos petits rats sur les planches d'un théâtre qui pourrait bien (à en croire le titre original) être un opéra. Pour des raisons obscures, ce dernier métrage ne connut qu'une exploitation anecdotique, en Italie en 1964 pour commencer puis en France durant l'été 1969. Autant le dire, nous voilà face à une authentique pièce de collection que les cinéphiles du monde entier risquent nous envier, le film de Polselli étant pratiquement invisible depuis sa sortie (si l'on met de côté la circulation d'une cassette vidéo bootleg enregistrée sur la RAI).
La rareté de la bobine considérée, il faut avouer que son récit n'a lui rien de très exceptionnel. Bien qu'avertis par le gardien de la terrible malédiction qui plane sur les lieux, un chorégraphe et sa troupe posent leur valise sur la scène d'un théâtre lugubre. Une résidence qui va rapidement virer à l'épreuve cauchemardesque puisque la danseuse principale, Lily (Julia dans la version italienne) que notre vampire finira par appeler Laura (de la part du scénariste de Mon nom est personne, rien ne nous étonne plus) est assailli par de sinistres pensées. Les coulisses tortueuses et les couloirs labyrinthiques de la propriété lui semblent familier. Rien de plus normal, puisque nous apprendrons que la jeune femme est la réincarnation de Laura l'amante défunte d'une créature de la nuit. Le ricanant Stéphane qui depuis qu'il fut enterré vivant par le mari de la belle, hante les lieux en compagnie d'un harem de vampirettes en sous vêtement. (Ah tu parles d'une damnation !).
Oui, l'originalité de «l'orgie des vampires» est à chercher ailleurs. Et de la même façon que son scénario ratisse large (Un peu de Bram Stocker, un peu du Fantôme de l'opéra, un peu du portrait de Dorian Gray), le film de Polselli ressemble à un formidable fourre tout, un bricolage filmique partant dans tous les sens, échappant souvent à toute logique narrative. Après son étonnante scène onirique introductive mettant en scène notre héroïne en nuisette poursuivie par un vampire armé d'un fourche, nous aurons droit à une longue, très longue mise en place ponctuée d' improbables scènes musicales dansées et de flirts incessants. Notons qu'une bonne partie de ces scènes semblent avoir été amputée du montage français et se retrouve donc ici (Artus ayant fait le choix de présenter une copie la plus complète possible) non doublées. Il faudra ainsi compter une bonne demi heure pour que Stephane, le vampire qui avait une dent contre Laura, traverse à nouveau le cadre.
Une fois lancée notre orgie qui n'en n'est pas vraiment une, quoique l'ami Renatto ne se prive ici d'aucun excès, libère sa substantifique moelle. Bien que le spectacle caressant nos rétines n'ait ni queue ni tête, il délivre quelques réjouissantes séquences qui marqueront, à ne point en douter, la mémoire du cinéphile au fer rouge. Nous aurons ainsi droit à une délicieuse tournante vampirique dans laquelle une fraîche victime passe d'un dentier à l'autre, offerte à un régiment de suceuses culottées et enchaînées. Au royaume des morts comme dans celui des vivants, seul le maître jouit sans entrave... Tel est sans doute le message. Que dire de la surréaliste scène de chorégraphie hystérique ? Un Panique au dancing avant l'heure. La danse comme ultime échappatoire à la saignée. Autre perle visuelle, une vampirette accrochée au mur, servant d'établi en tenant une fourche entre ses canines. Il fallait oser. Mais Polselli ira encore plus loin, laissant présager un peu de sa future filmographie. Il fait en quelque sorte de l'orgie du vampire un poème saphique et libertin. L'époque ne permet par encore que les filles s'effeuillent ou que les lèvres s'effleurent, mais sous les nuisettes, il fait déjà chaud.
Bien sûr , l'orgie des vampires n'est en rien une pierre blanche sur le chemin fantastique transalpin, mais il n'en reste pas moins une curiosité souvent drôle, parfois stupéfiante. Un petit trésor pelliculé à savourer entre initiés pour le plaisir de yeux et de l'esprit. En un mot: Indispensable. 12€90 et pas une goutte de sang (ou d'autre chose) de plus...
Test technique :
La copie au format 1.66 proposée par
Artus Film est, il faut bien le dire, quelque peu défraîchie. Rien
de rédhibitoire cependant pour les cinévores de l'extrême (surtout que les inserts du montage italien ne laissent aucun doute,
on s'en sort bien les amis). Rayon audio, nous avons droit à deux
mixages (Français, Italien) et des sous titres dans la langue de Molière comme dans celle de Shakespeare (qui, espérons-le, ouvriront
à cette galette les portes de l'export). La section bonus se
compose d'un diaporama, des bandes annonces des autres titres de la
collection gothique et cerise sur le gâteau un présentation du film
de 25 minutes par Alain Petit, passionnant comme à son habitude.
(Polselli et les vampires). A commander dans ce coin du web: http://www.artusfilms.com/