Chaque sortie d'un numéro de «toutes les couleurs du bis» se voit accompagné d'un curieux rituel. Longs mois d'attente, sortie soudaine, stock épuisé en 3 jours et espoir parfois vain de mettre la main sur un éventuel retirage. D'ailleurs chaque nouvel opus est désormais accompagnée, histoire de répondre à la demande, de ré-édition des précédents numéros. Ecranbis.com a plongé pour vous dans l'arrivage de Novembre... Nazisploitation et films pour ne pas oublier.
Ah qu'il est gonflé ce Stephane Erbisti se dit-on en prenant en main le troisième numéro de son fanzine. A l'heure où la pensée se raidit dangereusement et la plus banale des conversations parvient à vérifier la loi de Godwin, «Toutes les couleurs du bis» s'aventure sur les tortureux (sans faute de frappe) chemins de la Nazisploitation. L'un des recoins les plus sombres et humides du cinéma d'exploitation européen (mais pas seulement) renvoyé pour cause de mauvais goût assumé dans les profondeurs de l'underground vidéastique au pays des collectionneurs et bisseux de compétition. Le visionnage de ces péloches portées disparues tient-il du délit d'initié ? Que ce que la planète France compte de bien pensants et belles personnes se rassurent, il n'est pas plus question dans ce «Toutes les couleurs du bis n°3» que dans les bobines qu'il liste, de faire l'apologie du National-socialisme.
Les œuvrettes estampillées Eros svastika aussi trash soient-elles n'ont strictement aucune charge idéologique et n'importent des tumultes de l'histoire que décors en carton-pâte, panoplie de soldats et convoi de bourreaux idéals. Ah le nazi ! Face obscure de l'humanité, méchant harnaché de cuir qui survivra, comme nous le fait justement remarquer Stephane, à l'érosion du genre ou sous genre. Le Dark Vador de Lucas n'est-il pas au fond un SS perdu dans des étoiles ? Point intéressant, notre homme a choisi d'inclure dans son marathon filmique quelques métrages échappant ) à la classification et au folklore du genre. Aussi, il ne faudra pas s'étonner de voir Ilsa : la louve des SS partager la double page avec Le vieux fusil de Robert Enrico. Un vrai classique du cinéma français doublé d'un véritable hymne à la loi du talion. On croise également en route, la Liste de Schindler, La vie est belle ou l'excellent Amen de Costa Gavras. Un curieux panachage à première vue qui s'explique sans doute par la nécessité d'un contrepoids aux fulgurants excès des artisans de l'Eros svastika.
Quoiqu'il en soit, le voyage cinéphilique proposé entre Love Kamp 7 (Le film fondateur ) et Holocaust 2 ne manque pas de belles prisonnières humiliées et de sadiques en uniforme. On retrouve dans ce troisième jet tout ce qui faisait la fraîcheur des précédents numéro, la forme n'a pour ainsi dire pas bougé d'un poil. Après un dossier introductif permettant d'appréhender de façon chronologique le genre et quelques photos/affiches triées sur le volet, chaque film a droit à sa page. Bref voilà un numéro qui mérite assurément de rejoindre votre table chevet (rêve de cuir assuré). Et qui permettra, on l'espère, de lever le voile sur la dimension carnavalesque, quasi parodique d'un genre qui n'a fait au final que chercher (et parfois trouver) les limites du montrable tout en se révélant paradoxalement parfaitement inoffensif. 68 pages de toutes les couleurs et 7€ tout rond lors du passage en caisse. Vous avez dit indispensable ?