La chronique :
Non, nous ne nous sommes jamais privé de ce côté du web de trouver le cinéma fantastico-ibérique de ces dix dernières années quelque peu surévalué. Simple et dérisoire bataille de points de vue, un film survivant, dieu merci, à ses critiques mais constat récurrent, après quelques œuvres indiscutablement réussies, nos voisins espagnols semblent s'être murés dans des considérations esthétiques et tonales, loupant souvent et méthodiquement la cible. Ou comment sacrifier l'émotion sur l'autel de la forme ? Première réalisation du franco-espagnol Juan Carlos Medina, coproduite par le sympathique François Cognard , Insensible posait à nos yeux un tout autre problème.
Alors que l'envie de partager notre passion pour le genre et nos découvertes dans ces modestes colonnes numérique nous impose de poser sur elles un regard neuf pour ne pas dire vierge, nous avons lu à peu près tout et n'importe quoi sur le film. Les uns saisissant la perche tendue par le titre: « Insensible nous a justement laissé de marbre», les autres n'hésitant pas à présenter la chose comme un brutal résumé de la récente vague horrifique espagnole. Déclaration sans doute sincère (C'est bien là le problème) donnant à ces 105 minutes un objectif sans doute très éloigné des intentions de ses géniteurs.
Mais passons... Ne transformons pas cette chronique en droit réponse déguisé et fixons nous comme objectif de plonger innocemment (si la chose appartient encore aux champs du possible) dans le récit soigneusement porté par Juan Carlos Medina. David Martel, neurochirurgien de son état est victime d'un terrible accident de la route qui emporte sa femme. Échappant miraculeusement à la mort, il découvre sur son lit d'hôpital qu'il est est atteint d'une tumeur. Seule une greffe peut encore le sauver. Mais pour cela il devra retrouver ses parents biologiques et exhumer un terrible secret: Dans les années 30, à la veille de la guerre civile espagnole, un groupe d'enfant atteints d'algoataraxie et par conséquents insensibles à la douleur ont été enlevé à leur famille et enfermé dans un hôpital au cœur des Pyrénées. Quel lien peut-il lien peut-il entretenir avec eux ?
Au premier coup d'œil, Insensibles est un jeu de piste ambitieux, mais sans doute moins labyrinthique que sa mise en œuvre. Le spectateur ballotté 1h45 durant entre les années 30 et le nouveau millénaire, le destin de gosses en quarantaine dans l'Espagne de Franco et la course contre la montre d'un toubib bizarrement détaché de ses propres souffrances, y perd souvent le fil. Peu importe, imperturbable, Juan Carlos Medina déroule, mettant en branle son implacable mécanique scénaristique, huilant et lançant chaque rouage à la main. En bout de chaîne, la vérité pour David Martel et un monstre scarifié pour nos yeux. Chacun sa part du gâteau et l'on confessera bien volontiers qu'en bons routiers du fantastique, persuadés d'avoir toujours un coup d'avance sur le scénario de Luiso Berdejo (REC, REC 3 Genesis), nous ne l'avions pas vu arriver cette créature symbolisant à la fois le secret prisonnier du passé et la souffrance qu'elle, coup du sort, n'est pas capable de ressentir.
Insensibles est également un film frappé de méticulosité. Celle de son géniteur bien sûr. Tout y beau, excessivement visuel, magnifiquement cadré, y compris la laideur qui ruisselle sur les murs des cellules, dans le cœur des hommes comme dans les recoins les plus sombres de l'histoire. Dans son obsession du souvenir, comme clé du présent et de l'avenir, Medina se risque donc au sous discours philosophique, terrain miné par excellence. (Tout est par nature discutable) La notion même de devoir de mémoire se heurtant en bout de course à un incontournable constat. Il est plus facile de construire sur des tombes que sur des champs de bataille. Et si l'homme se doit d'être porteur d'un passé qui ne lui appartient pas, alors où placer le début de l'histoire ? Évidemment, au fil de son métaphorique parcours Martel creuse moins la question que sa propre tombe...
Que le point de vue séduise ou pas, il reste un premier long convaincant, planté aux frontières du fantastique... et une péloche d'une indiscutable (il faut bien l'admettre) réussite formelle. 3,5/5
Le disque :
Le disque SD édité par Wild side propose de découvrir "Insensibles" dans son scope d'origine avec une qualité aux limites du support, le tout accompagné d'un mixage français 5.1 convaincant. On notera la présence d'une piste espagnole et de sous titres français. Rayon suppléments, un making of, un entretien avec Juan Carlos Medina, ainsi que des bandes annonces. Une édition efficace !