Au départ était Lovecraft ou plus exactement : The Colour out of Space. Une couleur venue des cieux pour imprimer les pages du magazine Amazing Stories aux portes de l'automne 1927 et caresser la grande toile au milieu des années 60 avec un « Die Die Monster ! » exploité en double programme avec, ça ne s'invente pas, La planète des vampires de Mario Bava. 1987, l'acteur David Keith s'essaye une première fois à la réalisation et offre une nouvelle forme pelliculaire à l' indescriptible entité colorée tombée des étoiles. Ce sera « The Curse » étrangement retitrée «La malédiction céleste» sur lequel plane l'ombre d'un certain Lucio Fulci. Le générique le crédite à la production, alors que Ovidio G. Assonitis assure de son côté que le maître n'a eu qu'à diriger la seconde équipe, d'autres parlent de supervision des effets gore...
Peu importe, car plus de quatre vingt ans après sa première publication, le cinéma fantastique continue de puiser dans La Couleur tombée du ciel de quoi peindre et repeindre les murs de l'imaginaire. Réalisés à deux ans d'intervalles, deux films se risquent au funambulesque exercice de l'adaptation... Deux films européens, deux films à faibles budgets : L'italien «Colour from the dark» d'Ivan Zuccon en 2008, et l'allemand «Die farbe» de Huan Vu en 2010. ( Nous vous invitons à lire au passage l'interview que nous a offert ce dernier lors de la sortie DVD du film).
Pur produit de la génération X, Ivan Zuccon est né en 1972 et ne tarde pas à croiser le démon du cinéma. Le Western de Sergio Leone sera son premier amour mais lorsque la face sombre du 7e art frappe à sa porte, l'adolescent s'enferme dans sa chambre avec pour seul compagnon un magnétoscope. De location en location, le jeune Ivan traverse l'histoire d'un autre cinéma, sautant de Bava à Fulci, de Carpenter à Sam Raimi. La vieille caméra super 8 paternelle scellera à jamais cette union cinéphilique. Zuccon tourne et monte ses premiers petits films. « A partir de là » dit-il, « je n'ai jamais arrêté de penser ou de faire du cinéma ».
Après avoir s'être fait la
main sur des courts métrages dans les années 90, notre jeune
réalisateur, armé d'un faramineux budget de 2500 Dollars US, se
lance corps et âme dans la réalisation de ce qui deviendra The
Darkness Beyond. Il ne s'agit alors que 30 minutes aux accents lovecraftiens tournées dans une ferme abandonnée en plein été 98.
Deux ans plus tard, Prescription Films (un distributeur américain)
offre 7500$ et 10 jours de tournage supplémentaires au cinéaste
italien pour faire du court un véritable long métrage. Le début
d'une grande aventure... Suivront deux suites : Unknow Beyond et The
Lost Beyond … Mais aussi The Shunned house, Bad Drains, Nympha...
Colour from the
dark est une véritable adaptation... mais une adaptation orientée.
L'action ne se déroule pas en 1880 mais en pleine de seconde guerre
mondiale au cœur de la douce Italie. Du récit original de «The
Colour out of Space», Ivan Zuccon a en fait conservé la trame
principale en se focalisant sur la dimension horrifique, tout en
excluant tout élément de science fiction. Ainsi le météorite,
source originelle de l'indescriptible entité, disparaît
complètement. Ici le mal viendra non pas du ciel mais au contraire
des entrailles de la terre, d'un puys dans lequel la chose
sommeillait. Colour from the dark libère t-il ainsi un sous
discours religieux? Du royaume des cieux, ne vient que le bien, des
profondeurs de l'enfer, ne remonte que le mal? Entre les deux, les
hommes? On serait bien tenté de le croire, surtout qu'en caressant
les code anthécristiques , crucifix enterré ou tombant des murs,
imagerie de l'exorcisme, transformation, tentation par la chair, le
film de Zuccon joue toutes les cartes de la possession démoniaque.
Il serait cependant très réducteur de voir en ces 92 minutes qu'une
simple resucée de l'exorciste. Oui ou plutôt non, Colour From The
Dark est bien sûr un tout autre film.
Une
bobine d'atmosphère, criblée d'envolées poético-cauchemardesques,
soigneusement enveloppée dans le score d'un Marco Werba inspiré
(déjà auteur des BO du Giallo de Dario Argento ou du Fearmakers de
Timo Rose). Une étude minutieuse et cinématographique de la
déchéance. Et si le tournage en numérique HD 24p laisse encore en
bouche un arrière goût vidéastique, on reconnaîtra à Zuccon
d'afficher une certaine maîtrise de sa photographie et du travelling.
Il ne manque plus grand chose, serions nous tentés d'ajouter, pour que
nous tombions définitivement sous le charme de l'italien. Et du
charme, Dieu sait que Colour of the dark et son casting féminin en
distille. La scream queen canadienne Debbie
Rochon en tête, suivi de près par Marysia Kay (Karl the Butcher vs
Axe, The Forest of the Damned 1 & 2) et l'anglaise Eleanor
James (Karl the Butcher vs Axe ainsi que le vampirique et très
fréquentable London Underworld). Impossible de ne pas saluer les
maquillages spéciaux d'une autre talentueuse jeune dame: Fiona
Walsh qui a depuis travaillé sur Lesbian
Vampire Killers
ou encore plus récemment sur The Hobbit.
Évidemment, cette ténébreuse péloche n'a rien du spectacle grand public. Dit autrement par son onirisme forcené et son ton crépusculaire, Colour From The Dark ne plaira sans doute pas à tout le monde. Mais tous les cinéphiles attentifs au cinéma fantastique européen se doivent de jeter un œil, même furtif à cet effort transalpin... pour y déceler...au fond...dans les ténèbres, la couleur d'un attendu renouveau.
Le disque :
Uncut Movies nous propose de découvrir "Colour From The Dark" dans une édition à l'image techniquement soignée. Le film est visionable en version originale ou version originale sous titrée. Dans le coffre à bonus, les traditionnelles bandes annonces éditeur, des interviews, des trailers et une galerie photo. Superbe menu animé en prime.
Évidemment, cette ténébreuse péloche n'a rien du spectacle grand public. Dit autrement par son onirisme forcené et son ton crépusculaire, Colour From The Dark ne plaira sans doute pas à tout le monde. Mais tous les cinéphiles attentifs au cinéma fantastique européen se doivent de jeter un œil, même furtif à cet effort transalpin... pour y déceler...au fond...dans les ténèbres, la couleur d'un attendu renouveau.
Le disque :
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