Joe l'implacable : Critique et test DVD


Quel printemps pour les cinéphiles ! Alors que le soleil vient à peine de faire son retour, un vent venu d'Italie s'est levé sur nos plaines vidéastiques. Chez Sidonis, on exhume deux Django pétaradants (Le retour de Django et L'excellent Viva Django de Fernadino Baldi). Chez Artus Films, on enrichit une collection western européen débutée l'année dernière avec Chacun pour soi (Ognuno per sé). Pour l'occasion, l'éditeur  nous plante  le tout premier western d'Antonio Margheriti  dans le coeur : «Joe l'implacabile», également connu le titre de Dynamite Joe et à ne pas confondre avec Dinamite Jim, réalisé un an plus tôt  par l'espagnol Alfonso Balcázar.  Ayant reçu la galette fumante par la diligence de 11h, accompagnée d'un viril message (Hey Django, prépare ta chronique … au lieu de traîner à la terrasse du Saloon), Ecranbis.com riposte d'un implacable review...


J'ai en mémoire le brumeux souvenir d'une interview de Ruggero Deodato, dans laquelle ce dernier déclarait que le drame d'Antonio Margheriti  était d'avoir réalisé beaucoup de bons films mais aucuns films importants. On pourra toujours rétorquer que le drame de Deodato est peut être de ne pas les avoir vu ou trouver son affirmation hautement discutable. Mais une chose apparaît toutefois clairement, si Margheriti a réalisé un ou des chefs d'œuvres, Joe l'implacable n'en fait à priori pas partie. Ce qui n'est dans ces colonnes numériques nullement disqualifiant. (Diable ! Il ne manquerait plus que ça !)

D'autant plus que sur les rails du western rital, il y eu, certes, quelques belles locomotives mais surtout...Surtout... Beaucoup de simples wagons. Dit autrement, sorti de quelques classiques et autres saintes bobines, le gros de la production, porté par une motivation purement exploitative, ne forme qu'une chaîne imaginaire tendue entre le «Pour une poignée de Dollars» de Leone et le «Keoma» de Castellari (à condition de considérer la bobine suffisamment crépusculaire bien sûr...Un peu de prudence s'impose car le westernophile est du genre enflammé). Une chaîne reposant sur quelques piliers de passage (Le Django de Corbucci, Trinita … ou pas … ) et dans laquelle, notre Joe  du jour assume de façon aussi impeccable qu'implacable un simple rôle de maillon...


Laissons de côté les états d'âmes de l'ami Ruggero et ceux de votre serviteur et parlons un peu d'Antonio, qui en 1967 tout juste revenu de la planète Aytin  (La morte viene dal pianeta Aytin/ The Snow Devils) dépose sa caméra en pleine guerre de sécession, confirmant avant l'heure son incroyable faculté d'adaptation. Si les genres cinématographiques étaient des fleurs, Margheriti serait une abeille aussi besogneuse qu'indécise, si ils étaient des femmes, le cinéaste serait un coureur de jupon ne comptant pas ses heures. On le retrouvera donc aussi bien dans le space opéra que l'horreur gothique (La Vierge de Nuremberg, La Sorcière Sanglante et bien sûr Danse Macabre avec Barbara Steele), l'espionnage (A 077 défie les tueurs, Opération Goldman), l'aventure (Les Aventuriers du Cobra d'Or), le film de guerre (Héros d'apocalypse) … Ou en train de faire la manche à des carrefour  thématiques plus improbables (Il mondo Di Yor …). On décrit l'homme comme jovial mais secret, mettant un point d'honneur à arriver le premier sur le plateau pour en partir le dernier...On parle du réalisateur comme d'un artisan méticuleux, touche à tout... et amateur d'effets spéciaux qu'il se plaît à confectionner lui même. (Les Aventuriers de Cobra d'or est à voir rien que pour ses superbes et savoureusement détectables séquences de miniatures).


1967, Antonio Margheriti fait donc ses premiers pas dans l'ouest pelliculaire, il récidivera l'année suivante avec «Joko invoca Dio... e muori» devenu «Avec Django, la mort est là» (Vengeance pour nos cousins d'Amérique)  et surtout  «E Dio disse a Caino» (Et le vent apporta la violence - 1969) dont la double particularité fut de donner un véritable rôle de vedette à Klaus Kinski et de verser dans le fantastique. On le retrouvera également aux commandes d'une improbable coproduction Shaw Brothers: La Brute, le Colt et le Karaté qui marqua les débuts du Western Kung Fu (Dixit la jaquette du DVD édité par Seven 7), tout en creusant la tombe du genre Spaghetti. (Dixit moi même, mais je suis très mauvais vendeur).

Je m'égare à nouveau et revenons à Joe ou plutôt son rôle titre qui sera attribué à une vedette américaine. Vedette américaine ….Façon de parler puisque Rik Van Nutten était en fait d'origine Néerlandaise et ses deux faits de gloire (connus, ne présumons pas) furent primo d'apparaître deux années plus tôt dans un James Bond (Opération Tonnerre), secundo d'avoir passé la bague au doigt d'Anita Ekberg. Notre homme n'est pas forcement mauvais acteur, mais il faut bien nous rendre à l'évidence, ni son physique, ni sa prestation ne lui permettront de graver son nom sur la stèle du Western européen. Et ça tombe plutôt bien puisque Margheriti, visiblement très préoccupé par la dimension spectaculaire  et drolatique de son effort, se désintéresse presque de l'intégrité de son héros. De là à dire qu'il préfère la dynamite à Joe... Il y a un pas que je ne franchira pas...Enfin pas tout de suite.


Dans le prologue, Joe apparaît comme la caricature de l'homme sans nom (il est d'ailleurs presque sans visage dans les premières plans, filmé de dos ou de profil à contre jour). Avant même que le générique ne viennent sonner le début de la messe, Rik Van Nutten tombe le poncho, le chapeau, dévoilant Joe Ford.  Un agent secret en costume blanc impeccable, au style résolument détendu qui finira dans les draps de la première chanteuse venue après bien sûr un inévitable passage par la roulette. La dimension James Bondesque de l'aventure saute d'ailleurs au yeux une heure et demi durant. (Le rapport aux femmes...etc... ) Le côté parodique également, Joe l'implacable tirant allégrement sur la corde  de comédie et ne se privant pas d'éléments croustillants (comme l'improbable subterfuge de la diligence ou la défense du fort par une armée de filles de joie).  C'est donc un western pochette surprise, quasi enfantin et léger comme l'air mais également et peut être paradoxalement un film assez appliqué. La photographie de Manuel Merino (qui a travaillé sur quelques Jess Franco : Vampiros Lesbos, Justine de Sade, Eugenie, Les nuits de Dracula ) est superbe,  la composition des plans, le cadrage sont méticuleux. Vous aurez droit également , Margheriti  oblige, à quelques scènes de maquettes fort savoureuses …


Le résultat est assez indéfinissable et durant cette explosive ballade aux côtés de Dynamite Joe, on se demande souvent ce qu'on est en train de voir. Un western ?  une comédie ?  Une parodie de films d'agent secret ?  Un film d'aventure et d'action ? A moins que cela ne soit tout ça à la fois, ce qui ne manquera pas de déstabiliser les amateurs coboyeries italo-rutilantes. Une chose est sûre si ces éléments s'emboîtent avec plus ou moins de réussite, le film reste d'une part cinéphiliquement  curieux et donc  intéressant, d'autre part  Joe l'Implacable est indiscutablement divertissant. Espérons que la sortie du Texas de Valerri à la même date, western radicalement différent, adulte et politique n'éclipse pas totalement cette pépite longtemps restée invisible.


Le disque :

Artus film livre Joe l'implacable dans une jolie copie au format 2.35 d'origine accompagné de pistes italiennes et françaises. Le film ayant été victime de coupes en France et l'éditeur ayant fait le choix de le présenter dans une copie intégrale, certains passages de la VF sont en VO sous titrée en Français. Dans la diligence à bonus, une présentation du film dorée à l'or fin par les mains expertes de Curd Ridel, des bandes annonces, un diaporama d'affiches et de photos. 12€90 et pas un cigare de plus....  à commander sur le site d'Artus : http://www.artusfilms.com