Texas: Critique et test DVD


Soyez en prévenus, le 7 mai prochain, Artus Films s'attaque votre compte en banque. Joe l'implacable, Un train pour Durango et Texas... Trois cavalcades pelliculées sous le soleil brûlant du western européen, trois indispensables galettes arrachées aux limbes du cinéma d'exploitation. Ecranbis.com ne reste bien entendu pas les bras croisés et dégaine la carabine à chroniques. Après s'être frotté à l'explosif propos de Dynamite Joe, on s'attache à l'effort de Tonino Valerii...Texas... Ton univers impitoyable ? En route, Gringo...

Coupable de 19 réalisations, dont 14 pour le grand écran, Tonino Valerii n'a pas vraiment le profil de l'artisan forcené. Notre homme est d'ailleurs essentiellement connu pour deux faits de guerre. Le premier: d'avoir été l'assistant de Sergio Leone sur les deux rampes de lancement du western spaghetti : Pour une poignée de dollars… Et pour quelques dollars de plus... Le second, de s'être fendu d'un des indémodables classique du genre : Mon nom est personne. Film carrefour, quasi métaphorique dans lequel Mario Girotti alias Therence Hill devenu l'étendard vivant d'un western italien déconneur rencontre Henry Fonda (sensé incarner le western classique et américain). Leone est au scénario, on le dit également à la caméra, on finira par découvrir qu'il ne réalisa que les plus mauvaises scènes. Mais passons …



Valerii commence en fait sa carrière sur Le crypte du Vampire de Camillo Mastrocinque (édité chez Artus, le monde est petit) en qualité de co scénariste et d'assistant réalisateur. Il se fendra également (toujours en co écriture) du screenplay d'un Margheriti notable: La sorcière Sanglante avec la ténébreuse Barbara Steele. Mais c'est sous le soleil implacable du far west italien que notre homme fait ses débuts de réalisateur avec: Per il gusto di uccidere en 1966, que l'on dit fortement influencé par ses collaborations Leonesques. Suivront Le Dernier Jour de la colère (I giorni dell'ira) en 68 et l'année suivante Il prezzo del potere (dont la traduction littérale "Le prix du pouvoir" fut en France écartée au profit d'un titre frôlant la géolocalisation grossière : Texas !.... Imaginez un peu que "French Connection" eut été retitré "Bouches du Rhône")



Le scénario est signé Massimo Patrizi, du moins l'original car il fut en fait entièrement réécrit par Ernesto Gastaldi (Mon nom est personne, L'étrange vice de Madame Wardh , Le grand alligator, 2019 après la chute de New York …). Le premier ayant signé un contrat stipulant que la paternité devait lui en revenir quelques soit les modifications apportées, le second fut privé de générique.... à son grand regret (Voir l' interview de Gastaldi dans le Mad Movies Hors Série Spécial Italie). Toute l'originalité du script de Texas est d'être une sorte de transposition westernique de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy... Il n'en faudra pas plus pour que la chose soit taxée (assez justement au passage) de politique... même je lui préférerais l'étiquette de complotiste. (Ce qui ne fait pas grande différence mais il faut bien que je m'affirme merde !)

De par son récit Texas est donc un western résolument sérieux et très complexe, trempant ses tiags dans la corruption politique, le cynisme, le racisme. (Il ne manque guère que l'évasion fiscale… mais la Suisse est heureusement un peu loin de Dallas). De par sa forme, Texas est une bobine rugueuse, virile et minutieuse, prenant son souffle et son tempo sur le score étourdissant de Luis Bacalov. Mais il y a quelque chose qui échappe finalement à tout ce qu'on pourrait décrire, aux mots, quelque chose qui balaie le film d'un bout à l'autre. L'idée d'un terrain boueux qui n'est pour une fois pas à chercher dans les décors, mais directement dans les profondeurs et défaillance de l'âme humaine. Tous pourris ? Oui un peu quand même, c'est dire l'incroyable modernité du propos....



Vous l'aurez compris, Texas est un film qui prend de la hauteur sur le western tout en s'éloignant de ce que de ce que le genre va devenir... On l'appelle Trinita, le classique quasi involontaire de Barboni sort l'année suivante... Voilà peut être ce qui explique l'insuccès populaire de l'effort de Valerii, à moins ce que cela ne soit (pour la France) le fruit d'un montage barbare ramenant le run time original (106 minutes) à une petite heure et demie. Sans oublier un doublage d'anthologie transformant le président des États Unis en gouverneur, Washington en Austin et pour des raisons tout aussi obscures le Dr Hunter en Dr Greyson.

Face à la caméra, Guiliano Gemma. Propulsé en haut de l'affiche par Duccio Tessari et «les Titans», l'acteur va vraiment asseoir sa carrière sur la scelle du western italien et planter son succès dans les bottes de Ringo (toujours pour Tessari). A ce propos, il est assez intéressant d'entendre ce que dit Curt Ridel de l'immense popularité, pour ne par dire de la starification de Gemma. Il va sans dire que pour les jeunes gringos comme moi, dont la maman a mis bas au milieu ou à la fin des années 70, il est assez difficile de jauger la popularité d'un tel acteur. Et on apprend donc beaucoup de choses dans les bonus... Merci Kurt et revenons à nos moutons, et donc à la prestation de Gemma, globalement très bonne.



Même si …. Même si, je ne peux pas m'empêcher de trouver que le brave Guiliano qui a une trentaine d'année au moment du tournage, fait limite un peu jeune pour un western aussi adulte, aussi âpre et peu exploitatif. Face à lui, Valerii dégaine le tout terrain ibérique et beaucoup moins angélique Fernando Rey (241 apparitions de 1935 à 1994, sous les caméras de Friedkin , Ridley Scott, Corbucci, Tessari, Lucio Fulci, Buñuel , Andrea Bianchi ...) et les américain Van Johnson (le président ) et Warren Vanders (le difficile à suivre Mac Donald).

Jusqu'ici uniquement uniquement visible en VHS (Chez Proserpine ou VIP présentant toute deux des versions tronquées) ou diffusé furtivement dans cinéma de quartier en 2006, Texas est l'un des achats nécessaires de ce printemps 2013. Et pour quelques dollars de plus, prenez-vous Joe l'implacable et Un train pour Durango... L'hiver finira bien par revenir, et les soirées d'hiver, c'est long...


Le Disque :

Il prezzo del potere nous est ici proposé dans une belle copie scopée. Au démarrage du disque, un carton invite les cinéphiles à visionner le film dans sa version originale italienne. Ce qui est effectivement une bonne idée, d'une part car le doublage n'est pas très inspiré, d'autre part que les passages VF/Vo sont en raison du saucissonnage du film pour son exploitation hexagonale, nombreux et un poil pénibles. Dans les bonus, une présentation du film par Curd Ridel, des bandes annonces et un diaporama. Le prix du pouvoir est fixé à 12€90...