Déjà sorti en DVD chez Wild Side au milieu des années 2000, Hamburger Film Sandwich, le film culte de John Landis a droit à un nouveau tour de piste vidéastique. Une édition "au poil" concoctée par Carlotta sur laquelle Ecranbis.com ne pouvait que poser un regard amoureux. En voiture Brigitte...
Hamburger film Sandwich, le retitrage français de The Kentucky Fried Movie, effort délicieusement azimuté et "seventies" de John Landis semble à première vue inexplicable. A première vue seulement. Œuvre multi-couches et compilatoire, enfilant les fausse bandes annonces, les publicités sauvages, les show Tv dégoulinants, sans oublier une juteuse tranche de Kung fu ... La folle péloche que Samuel L. Bronkowitz, son improbable producteur légendaire mais fictif se plaît à présenter comme le plus grand film de l'histoire du cinéma pourrait en effet... bien être le pendant pelliculaire de la gastronomie du nouveau monde.
Aux commandes de cette composition intello-anarchique et baroque, un trio de salle gosses appelés à devenir les portes drapeaux de l'irrévérence. Autrement dit à sonner “le gras” de l'humour made in USA. David Zucker, Jim Abrahams et Jerry Zucker... Les ZAZ pour les intimes forgent à la veille des années 80 et avec l'aide d'un Landis encore débutant, une des matrices de la comédie moderne. Suivront les Airplanes ( Y'a t-il un pilote dans l'avion et Y'a-t-il enfin un pilote dans l'avion) parodies éhontées de l'interminable et catastrophique série des Airport, Top Secret (Qui révélera Val Kilmer au passage), Hot Shot et autre Scary movies ...
Étrangement, le visionnage d'Hamburger Film Sandwich ne convoque pas uniquement en mémoire la filmographie chaotique et à venir de ses géniteurs mais également celle de leurs héritiers, aussi français soient-ils. Car dans l'hexagone, l'humour estampillée 80's (Les Nuls et plus tard, avec plus de raffinement le duo lunaire Kad et Oliver) jouera lui aussi la carte de la citation burlesque, du détournement culturel et de la parodie aux forceps... jusqu'à l' écœurement... Jusqu'à ce que l'absurde dévoile sa propre logique. «Si tous les manchots du monde pouvaient se donner la main, ce serait le pied» nous dit-on. Pour céder à ce genre de lessiveuse conceptuelle, il faudra être le plus parfait des imbéciles ou au contraire doté d'une intelligence hors norme. C'est dire si dans ces 80 minutes venues d'une autre époque et d'une autre culture l'on avance en territoire connu, tout en touchant du doigt (de pied) l'universel. En avant donc pour le grand festival …
Un gorille dévaste un studio de télévision, une société spécialisée dans les énergies nouvelles entend extraire un bio carburant du visage acnéique de la jeunesse américaine (Vive l'or blanc et huileux), un nain fouette des jeunes filles entravées, on apprend qu'il fait très chaud et humide sur les bancs du lycée catholique (Catholic High School Girls in Trouble). On pastiche «Opération dragon» avec un véritable faux Bruce Lee qui voulait revoir sa Normandie (du moins dans la version française, car dans la V.O. on parodie le magicien d'Oz) tandis que Front Unifié pour les Décédés invite les bonnes familles à conserver leur disparus à porté de main, (ou comment ne plus laisser les cadavres dans les placards) la belle et explosive Cléopatre Schwarz fait elle équipe avec un rabbin pour ce qui semble être le premier film de Blaxploitation juif de l'histoire. Et l'on termine même par un trip schizophrénique de première catégorie... la télé n'y parle pas mais l'équipe d'un journal TV épie un jeune couple d'amoureux aux mains baladeuses. Hamburger film sandwich ou le synopsis impossible... Et encore on ne vous a pas tout dit.
L'autre visage de The Kentucky Fried Movie, c'est bien entendu celui de John Landis. Notre homme découvert à 22 ans grâce à un long métrage fauché comme les blés (Shlock n'aura couté que 60 000 dollars US) fera d'Hamburger Film Sandwich une rampe de lancement. Destination planète culte. L'année d'après le prodige plante le drapeau de la sexy comedy graisseuse sur la fesse (jusque là ) cachée du Teen Movie. Son Animal House (devenu American College en France) évoque avec quelques années d'avance les gourmandises à venir : Porky's et autres American pie. Un sous genre est né. Il enchaîne avec «les Blues Brothers», «Le loup garou de Londres», «Un fauteuil pour deux» devenus instantanément des classiques, avant d'amorcer un virage faussement commercial à la fin des années 80. Coming to America embarque Eddy Murphy dans une critique subtilement cynique d'une communauté noire américaine prise en flagrant délit d'embourgeoisement … Le tout à travers le regard du futur souverain d'un état africain aussi délirant qu'imaginaire.
Il serait mentir que d'écrire dans ces colonnes numériques qu'Hamburger Film Sandwich n'a pas pris une ride, que ce patchwork filmique aurait conservé sa charge subversive intacte car de toute évidence l'effort de Landis, Abrahams et des frères Zucker appartient résolument à son époque. Pourtant, ces 80 minutes sont bien plus qu'une pièce de musée dont le cinéphile éduqué se plaît à chanter les mérites ou à clamer l'antériorité. Bien plus qu'un film fondateur, The Kentucky Fried Movie est une œuvre à part , une expérience intellectuelle et sensorielle sur lequel il apparaît essentiel de revenir plusieurs fois. Chaque visionnage offrant son lot de découvertes...
Le disque :
Le film est présenté dans un master restauré (pas spécialement miraculeux mais sympathique) au format d'origine 1.85, accompagné de pistes audio française (le doublage français vaut au passage son pesant de cacahuètes) et anglaise monophoniques.
Dans le menu "gros bonus pour petite fringale" :
- Une introduction poilante de John Landis (2 minutes)
- Un Commentaire audio de John Landis, Jim Abrahams, David Zucker, Jerry Zucker et Robert K. Weiss (VOST)
- Le Making of d’époque (19 minutes)
- «Club Sandwich» : documentaire rétrospectif sur l’histoire du film avec John Landis, Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker (29 minutes)
-Bande-annonce