Fruit d'un croisement cinématographique et (heureusement) imaginaire entre Roger Corman et Georges Lucas, Band, Charles de son prénom, alimente depuis quatre décennies et avec une inoxydable candeur les cinévores déviants de tout poil. Regardez, comme ils ont l'oeil vif et l'air joueur ces beaux quadras nourris à la tambouille Empire/Full Moon, la langue joyeusement pendue au moindre vidéocast de Charly, à chaque nouveau chef d'œuvre annoncé. Après tout les Raëliens ont bien Raël, les centristes François Bayrou, pourquoi quelles raisons obscures ne pourrions nous pas, nous, peuple du bis, avoir le portrait de quelques iconiques figures sur la commode à côté de la photo du chien. On lui passera donc son sens aigu du filoutage, ses brouilles et embrouilles, ses pics aigus de fièvre marketeuse et ses cassettes VHS aux boîtiers d'époque qui n'en sont pas.
D'autant plus que l'homme qui voulu être empereur n'a pas connu que des hauts. A la fin des sacro saintes années 80, après avoir eu les yeux plus gros que le ventre, les studios plus grand que De Laurentii, emporté par ses rêves de superproduction robotique, Charlie perd le nord, la face et le porte monnaie. Adieux cruelle Italie ! A ce titre, l'année 1989 vaut pour transition, ses derniers rejetons pelliculaires atteignent les écrans, I was a teenage sex mutant annoncé sous le label Infinity , le « Low cost » d'Empire, finira sous la mystérieuse étiquette Phantom Production, tout comme l' Intruder de Scott Spiegel, le tout distribué par Paramount. L'égocentrique Band ne semble même plus avoir la force d' apparaître au générique...
Mais c'était bien mal connaître la vedette qui part ventre à terre décrocher la (pleine) lune, faisant même d'un film deux coups... Puppet Master, double premier jet, servira au moins autant de trampoline à la franchise qu' à sa nouvelle usine à cauchemar. C'est dire si ce Puppet Master a de l'importance aux yeux du Bandophile et du Fullmoonivore. Comme toujours chez le monsieur, le «concept» triomphe. Un film c'est une idée, une idée c'est un film. Sous la bannière Empire, le coup de crayon coûtant moins cher que le mètre de pellicule, les affiches promettaient souvent d'avantage que le budget ne pouvait offrir. Aussi les nymphes poursuivies par une soucoupe volante dont s'échappent des tentacules extra terrestres se trouvaient substitués à l'écran par quelques sous playmates, à moitié plates, pataugeant sans grâce dans une piscine de simili-sperme alien... Chez Full Moon, ce sera du «kif kif», les bestioles «Star» de Subspecies, qui donnèrent tant du fil retordre lors du tournage (Les créatures issues du sang de Radu étaient initialement jouées par des acteurs roumains dans des décors surdimensionnés, mais face au résultat catastrophique, David Allen dû bidouiller des séquences d'animation image par image avec des chutes) seront finalement de plus en plus discrètes... Au point de pousser la série dans un vampirisme assez convenu.
Le concept de «Puppet Master», qu'il soit attribué à Band ou à Schmoeller (Francis Barbier revient sur la question dans les bonus) est surtout dans l'air du temps. Aux poupées de Stuart Gordon (Dolls en 1987) répond la première apparition cinématographique de Chucky, poupon démoniaque bercé l'année d'après par Tom Holland. Nous pourrions remonter plus loin sans doute dans l'exploitation du jouet maléfique, dans l'exploration d'une thématique étroitement liée aux peurs de l'enfance et parfois à une vision fétichiste de l'être humain. (le jouet à priori inoffensif cache le danger absolu et rappelle à quel point l'homme peut devenir un monstre). D'ailleurs même dans l'après Puppet master, le malin ne manquera pas d'habiter quelques bouts de plastique mal moulés (la Chuckette de Dolly, Amytiville Dolls House... ).
Mais à mes yeux, dès l'effort de Schmoeller, Toulon tire d'autres cordes. Il y a en effet dans l'imaginaire, deux façon très opposées d'incarner le mal, de matérialiser le monstre. Le gigantisme façon Jaws et son Carcharodon Carcharias de 7 mètres... et la nuées de Némo carnivores du Piranhas de Joe Dante. La petite créature, descendante directe des Gobelins, elfes et gnomes, joue la carte du concentré de vice et du nombre. Puppet Master est finalement au moins autant un enfant de Ghoulies que de Dolls, le digne héritier de Gremlins et de Chucky. D'ailleurs tout comme Puppet Master fut le premier succès de la Full Moon, Ghoulies fut le premier véritable succès d'Empire. Les deux films partagent également un particularité : farfadets gluants démoniaques et Marionnettes perverses n'ont dans leur opus fondateur qu'un rôle d'accessoire et gagneront dans leur suite l'enviable statut de «stars».
Impossible de parler de la saga «Puppet Master» sans parler de son fameux maître des poupées, André Toulon. Ce marionnettistes d'origine française a ramené d'un voyage en Egypte un secret lui permettant d'insuffler la vie (ou plus précisément des âmes) à ses créations sanguinaires. Assez étrangement si Toulon est le personnage titre, la clé de l'intrigue générale , il n'en est pas moins occulté par la présence de ces enfants de bois. Ce Dr Frankenstein apparaît de façon interchangeable sous les traits de William Hickey au début du chapitre 1, façon l'homme invisible sous les bandages de Steve Welles (connu pour avoir été la main dans la Famille Addams) dans le 2 avant que l'anglais Guy Rolfe (Dolls) de s'approprie le rôle dans le prequel. Au fond, Toulon est à l'image de ses marionnettes, un être ambivalent. A la fois victime et bourreau. Un personnage mystérieux dont les zones d'ombres seront révélées au compte goutte au fil des épisodes et non sans poser de nouvelles questions. (Dans l'introduction de Puppet Master, Toulon se donne la mort en 1939. Dans le deux, sa pierre tombale indique que notre ami est décédé en 1941. Tandis que le trois nous permet de retrouver la même année un Toulon bien vivant en Allemagne. Puppet master ou la chronologie de l'impossible.)
Le film fondateur (celui de Schmoeller) est même si avare en explication que son visionnage donne l'impression de prendre un train en route. Dans le labyrinthe de piaules de Bodega Bay Inn, tout est énigme et le service d'étage du genre mortel. Meurtres dans un hôtel face à la mer, la dimension «Agatha Chritique» voire «Cluedique» du métrage saute aux yeux. Tandis le discours fantastique divague entre les numéros sadiques de ses puppets tueuses et des séquences mi divinatoires mi oniriques, Band produit un «Creature feature», Schmoeller réalise un conte curieux sur un faux rythme. C'est paradoxalement cette confrontation de point de vue qui font de «Puppet Master» une oeuvre à l'indiscutable cachet...
Lire la critique complète de Puppet master I ( Edition Anglaise Import)
Le succès vidéo du film va fatalement entraîner la mise en chantier d'une suite. C'est David Allen, le véritable «Toulon» de Puppet Master, puisque ce collaborateur régulier de Charles Band a créé les marionnettes et leur a donné vie à l'écran, qui est appelé à passer derrière Schmoeller et la caméra. Cette sequelle reprend sans surprise la recette du premier. Une nouvelle flopée de victimes est envoyée séjourner à l'hôtel de l'horreur aux frais de Full Moon. (Connaissant la maison, le petit déjeuner ne devait pas être inclus). Le récit se veut aussi révérencieux (scène de simetierre, Look Momie /homme Invisible de Toulon) que classique. L'une des parapsychologues se trouve être ( Oh comme c'est original) la sosie parfaite d'Elsa, la femme de Toulon. Allen laisse la part belle à son équipe de psychopathes sans fil... Rejoint par un nouveau petit cabotin chaud brulant : Torch ! Une film d'exploitation oui, mais un film d'exploitation réussi !
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Moins d'un an après la sortie vidéo américaine de Pupper Master 2, David De Coteau offre à Toulon sa revanche dans un prequel étonnant. Et pour cause, Toulon et sa petite tribu sanguinaire n'y sont plus les artisans du mal. On pourrait considérer que c'est en affrontant au mal suprême ( ici matérialisé par le régime nazi) qu'ils deviennent des héros positifs mais il serait sans doute plus prudent de considérer l'inverse, c'est à dire que c'est précisément en se frottant à l'horreur du 3e Reich ( Le meurtre d'Elsa, la dénonciation...) que les marionnettes et leur géniteur vont basculer dans la cruauté. La vengeance, une route tracée vers la noirceur ? Notons l'apparition pétaradante d'un cow boy à six bras: Six shooter. Si Puppet master 3 n'est pas le meilleur de cette trilogie ( Je ne vous cacherai pas une certaine préférence pour le 1), il n'en reste pas moins un des plus belles additions à la saga et surtout l'un des meilleurs De Coteau à ce jour.
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Les disques:
Pour les frenchy qui n'avaient pu goûter aux joies de la VF que par l'intermédiaire d'une VHS antique et copieusement recadrée, le film de Schmoeller apparaît sous un jour nouveau. C'est à dire dans un master au format affichant un grain délicieusement cinéma. Artus propose de visionner les 3 films en langue française ou version originale (sous titres débrayables). Le théâtre des bonus offre lui des bande annonces et des entretiens d'une demi heure à 40mn dans lesquels un des rédacteurs du site Devildead.com, Francis Barbier, décortique la saga.