Film de fin d'étude, fruit d'une époque, télescopage de deux étoiles naissantes du cinéma de genre américain, les qualificatifs se bousculent sous la plume, sans jamais tracer complètement les contours de Dark star. Côté France, la première sortie pelliculaire de John Carpenter manquait toujours à l'appel, contraignant ce que l'hexagone compte de cinéphiles à l'import de galette spatiale. Une situation inacceptable à laquelle Carlotta films décide en ce début d'année 2014 de mettre un terme. Ecranbis.com tout heureux d'envoyer son calamiteux zone 2 allemand en orbite, s'est attelé à cette nouvelle édition de haut vol et de haute définition.
Écrire sur Carpenter, c'est goûter l'enfer. L'homme, le musicien, l'auteur, le cinéaste, sa rutilante filmographie, décortiqués jusqu'à l'ivresse des cahiers du cinéma jusqu'à Mad Movies. Et d’interprétation en interprétation, une question, une seule. Que reste-t-il donc à dire, à écrire qui n'ait pas déjà été dit, écrit sur l'apport massif, indiscutable et par ailleurs indiscuté de l'artisan au cinéma de genre, au cinéma tout court, comme sur son œuvre faussement monolithique ? Sur ce torrent analytique et parfois ces flots de fantasmes, Dark Star, œuvre finalement méconnue des mid seventies apporte un éclairage nouveau. Un premier long métrage en partie élaboré sur les bancs de l'université de Californie du Sud par deux chevelus d'exception. A ma gauche, Carpenter, John de son prénom, à ma droite Dan O'Bannon, futur scénariste de l'Alien de Ridley scott et réalisateur du parodique «Retour des morts vivants».
Le tournage de ce qui est alors prévu pour être un moyen métrage d'une quarantaine de minutes débute en 1970, il prendra fin en quatre ans plus tard. Entre temps, Big John et O'Bannon sont parvenus à arracher les bobines de Dark Star des griffes de l'USC et à convaincre Jack H. Harris, producteur de Danger Planétaire (Le Blob pour les intimes) de financer l’extension du film pour une exploitation en salle. Une course au runtime qui impose, outre un gonflage en 35 mm, de nouvelles prises de vue et une recomposition substantielle du scénario. Dans Dark Star, tel qu'il a été initialement pensé, une poignée travailleurs de l'espace arpentent le vide stellaire dans le simple objectif de préparer l'univers à la colonisation humaine. Un mission qui impose mystérieusement la destruction de tout astre présentant un signe d'instabilité. Le rafiot qui leur sert de véhicule a une voix d’hôtesse qui s'envoie en l'air mais tombe en ruine, défaillance après défaillance, la Bombe N° 20 refuse son propre largage menaçant le Dark Star d'une explosion imminente. Dans le film qui sera exploité en salle, le propos se voit agrémenté d'extensions plus ou moins loufoques, justifiées par la seule nécessité de franchir la barre des 80 minutes.
Le procédé aurait sans doute transformé toute œuvrette normalement constituée en saucisson pelliculaire ou candidat au drive-in. Mais l'ADN de Dark Star, son discours mi Kubrik, mi Landis, sa célébration de l'absurde, se voit pratiquement magnifié par ces ajouts opportunistes et ce travail de couture narrative. Ovni cinématographique annonce la jaquette du bluray. à juste titre, se dit-on en assistant médusés aux échanges métaphysiques d'un cosmonaute et d'une charge nucléaire, ou encore à la mise en scène d'un pré Alien burlesque dans laquelle Dan O'bannon poursuit dans les coursives du vaisseau, une créature extraterrestre en forme de ballon de plage. On ne se mentira pas, il faut un peu se forcer pour voir dans ces 83 minutes (ou 71 si vous vous tournez vers le director's cut), les fondements du cinéma de Carpenter. Le lien que Dark Star entretient avec le reste de sa filmographie apparaît distendu ou du moins restreint au sens strictement formel .
L’intérêt est donc définitivement ailleurs. Sans doute dans la façon dont le film de Carpenter et O'Bannon annonce pèle mêle : Star wars, Alien , Point break, Gravity tout en citant 2001 l'odyssée de l'espace et Dr Folamour. Définitivement brouillés après la chaotique genèse de Dark Star, nos deux compères feront désormais route séparée. Une plaie toujours à vif si l'on en croit la veuve de O'Bannon dans documentaire massif «Let There Be Light» ( 117 minutes au compteur) auquel Carpenter aurait refusé de participer. Indispensable document qui justifie à lui seul l'achat de ce disque français.
Le disque :
Le bluray goupillé par Carlotta permet de découvrir Dark Star dans deux montages différents : version cinéma ( 83 minutes) et version director's cut (71 minutes) , le tout dans le format d'exploitation 1.85. La qualité du master n'est sans surprise, pas éblouissante mais l’expérience de visionnage dépasse haut la main les galettes DVD existante. Côté plaisir auditif, deux mixage anglais ( DTS HD MA 5.1 et Mono) et une piste française (DTS-HD MA Mono). On notera la présence de sous titres français. Le gros plus de l'édition est à chercher dans la soute aux bonus. Outre une bande annonce, le disque embarque « Let there be Light : L'odyssée de Dark Star », documentaire réalisé pour l'édition DVD américaine.