En cette période de fêtes et paradoxalement de disette vidéastique déviante, l'éditeur Orléanais «Uncut Movies» continue son précieux travail de défrichage pelliculaire en exhumant une production «Dick Randal» portée disparue ou presque. Ne vous fiez pas aux visuels Gothico-aguicheurs (et empruntés à «Faces Of Gore») qui habille (façon de parler) sa jaquette, The Urge To Kill est une véritable pépite trash échappée des sacro-saintes 80'. Profitez-en bien , c'est notre première chronique de l'année 2014.
Chronique :
Le simple nom de «Robert Dick Randall» suffit à remplir de joie, d'ivresse et de crainte le cœur du cinéphile bien éduqué. Nous retiendrons de son passage dans l’atmosphère terrestre, une cinquantaine de péloches n'entretenant entre elles qu'assez peu de rapport si ce n'est une appartenance au cinéma purement, exclusivement et radicalement exploitatif. Dans cette filmographie composite et confessons-le un peu extrême, filles à poil, pères noël tueurs, espion asiatique court sur pattes, faux Bruce Lee, Frankenstein made in Italy, sadique ibérique à la tronçonneuse se croisent et s'entrechoquent pour le meilleur comme pour le pire. Trois années après Slaughter High, connu en France sous le titre «Le jour des fous» (également disponible en édition limitée chez Uncut Movies mais on en reparlera bientôt) , Randall se lance à l'assaut d' une version horrifique et économique d' «Electric Dreams» : Attack of the Killer Computer.
La légende veut que le film perdit son délicieux titrage original en cours de production alors que Randall se porte acquéreur des droits d'une obscure chanson pop dans le vent (de l'époque) : The Urge to Kill. L'attaque de l'ordinateur tueur changera donc de titre pour une improbable question de générique et de mélopées vaguement rock synthétiques. L'autre homme de cet opérette 80's, c'est Derek Ford, sexploitateur dans l’âme dont l'une des perles «The Girl From Starship Venus», également connue sous le titre tout aussi aguicheur de «The sexplorers» fit un curieux retour gagnant sur nos écrans radar en devenant l'une des bobines préférées de Quentin Tarantino. On oublie souvent que Ford fit également un passage éclair face et derrière la caméra d'une autre production Randall dont le tournage fut réputé mouvementé: Don't Open Till Christmas. The Urge To Kill sera lui envoyé, pesé dans la bonne humeur et en quelques jours dans le propre appartement de son producteur.
On y suit les aventures sexuelles de Bono Zoro, un producteur de disques comptant profiter de sa position pour palper de jeunes chanteuses en devenir. Mais en plus du sens des affaires, notre homme a le vice de l'informatique. Un ordinateur qu'il nomme S.E.X.Y. (Un acronyme qui n’en est pas un, mais avouez que vous n’en êtes plus à ça près) gère entièrement sa garçonnière, de la douche au magnétoscope, en passant par les lampes à bronzer, répondant au doigt et à l’œil aux attentes de son propriétaire, enregistrant même ses performances charnelles. Manque de chance, l'incessant ballet de gourdes et prostituées finit par saturer la mémoire de la brave machine. S.E.X.Y. devient possessive au point de vouloir effacer toutes potentielles rivales de chair et de sang ... Et se permet même d’apparaître sous la forme d’une bimbo futuriste peinte de dorure verdâtre à même la peau.
Éminemment bizarroïde, le propos de «The Urge to Kill» rappelle tour à tour Electric Dream , Vidéodrome et le cinéma de Kincaid . Un décor quasi unique, lacéré de quelques éclairages fluos, un défilé de poupées vulgos, quelques effets gore bien sentis. La folie du récit permet toutefois à cette attaque informatique de transcender sa nature de produit torché à la hâte pour le marché de la vidéo. La matérialisation cauchemardesque du notre "love computer" sous la forme d’une créature quasi martienne, sortie d’une série B de S.F. ou d’une délire psychédélique de franco, ses bimbos un peu moches, le subtil d’un mariage involontaire, celui de la raideur et de l' incohérence narrative propulse le film de Ford dans la huitième dimension, aux frontières du spectacle hypnotique. Le résultat est d’autant plus étonnant que «The Urge To kill», longtemps considéré comme perdu et depuis peu visible sous la manteau (voire sous le slip) grâce à une copie de VHS aussi usée que timecodée, nous parvient ici ( et en exclusivité mondiale) dans une copie d’excellente tenue.
Rendons-nous donc à l'évidence, The Urge To Kill pourrait constituer la parfaite offrande retardataire pour tout cinévore suffisamment ravagé de la pépite. Attention toutefois de ne pas l'offrir à votre grand mère ou votre petite cousine. L'éditeur nous a fait savoir qu'il ne prendrait pas les frais médicaux conséquents à un accident de visionnage (Camisole chimique, internement d'urgence, séances d’électrochocs). Plus sérieusement fidèle à sa politique éditoriale, Uncut Movies n'a fait presser "The Urge To Kill" qu'à 1000 exemplaires. Autant dire qu'il ne faudra pas trop traîner (Quand on vous dit que ça urge !).
Le disque :
The Urge To Kill nous est ici présenté dans une copie miraculeusement propre et au format d'origine 1.66, accompagnée d'un unique mixage monophonique en version originale anglaise. Des sous titres français sont toutefois disponibles. Dans la boite à bonus : Une galerie de photo, le trailer original du film et des bandes annonces de l'éditeur. 19€90 et le plaisir de soutenir un petit éditeur volontaire en sus.