«Ah ah ah ah ah». Pardonnez la transcription littérale et littéraire d'un rire
nerveux et gêné. Celui du chroniqueur découvrant dans sa
boite à lettre, au petit matin de la fin mars, un nouvel objet
d'étude quelque peu particulier pour ne pas écrire carrément
sulfureux. J'aimerais donc lancer, en guise d'introduction, mon mouchoir à la jeune
et prude stagiaire du service presse d'un fort célèbre dealer de
galettes, qui découvrant il y a quelques mois dans nos colonnes
numériques le sommet de la pointe d'un téton de Lina Romay, nous a
signifié avec une politesse très féminine que le niveau d’espièglerie de notre
ligne éditoriale ne lui permettait plus de nous envoyez de matériel
de test: Mademoiselle, si jamais en lisant les quelques modestes
lignes qui suivent, vous aviez la pilosité de l'entre fesse qui venait à friser, soyez assurée
que nous en serions tout à fait navrés.
Allons-y donc ! La simple évocation
du mot «nazisploitation», terme abusivement généraliste au
passage, engage l'intervenant à de curieux préliminaires et à la
contorsion. «Ce n'est pas du tout ce que croyez, chère Simone
et surtout pas du tout de ce quoi ça à l'air, même si je le reconnais, ça y
ressemble beaucoup». Pas de "ça" entre nous gentes dames et gentilshommes, contentons-nous
d’admettre avec sérénité que dans sa sinueuse et acrobatique quête
pelliculaire, il est bien rare que le bisseux, être aventureux et libre par
nature, ne se frotte pas aux sous-genres les plus singuliers et
racoleurs du cinéma d'exploitation. Mondos, Shockumentaires,
Cannibaleries, faux Snuff et Eros-svatika, appellation finalement plus
appropriée que nazisploitation puisque désignant avec subtilité une poignée de bobines réalisées entre la toute fin des
années 60 (Love Camp 7) et la fin des années 70... Et dont, permettez mois de surenchérir, la genèse se concentre presque essentiellement sur l'année 1977.
Nous voilà donc face à un sous courant cinématographique
historiquement aussi délimité que les thématiques et l'imaginaire
qu'il embrasse, que dis-je qu'il étreint.
"Horreurs nazies" est intrinsèquement une croisée des chemins. Une hybridation adultérine entre le WIP (dames sous les barreaux), le cinéma
érotique au penchant Sadien et le film à sévices. Le tout en costume
ou sans selon qu'on considère le point de vue du bourreau ou celui
de la victime. Disons le haut et fort, l'imagerie du troisième Reich n' y fait donc
essentiellement qu'office de décors. Un postulat
historico-contextuel dans le quel nazi apparaît comme la plus
parfaite incarnation du monstre humain, celui qui porte le mal des
profondeurs de son esprit tourmenté jusque sur son uniforme. (voilà
d'ailleurs ce qui caractérise le monstre, il est à l’extérieur, ce
qu'il est à l’intérieur). D'une façon générale, la critique de
l'Eros-svatika ne peut que difficilement invoquer la tentative de
promotion idéologique ou pire l'exposé d'une thèse révisionniste.
Pour l'énoncer autrement, le feuilleton "Papa Schultz" faisant
passer les officiers nazis pour une bande d'incapables finalement
sympathiques se montre indiscutablement plus transgressive et
discutables du simple point de vue de la réalité historique ou des devoirs et nécessité de mémoire.
Le caractère
choquant dans l'eros-svatika n'est peut être pas à chercher à sur sa face visible. C'est à dire dans la multiplication forcenée et délirante de brassards, de croix gammées mais bien
dans le fond du fond, le concept , l'exposition conjointe du spectacle de l'abject (le cinéma
torture) et celui du plaisir (le cinéma érotique) dans un contexte
pas plus propice au coup de fouet qu'aux ébats passionnés.
Une simple question de (très) mauvais goût et de pied de nez à la bonne morale...
De son côté Sergio
Garrone, à ne pas confondre avec Jessy (l'un a filmé des horreurs,
l'autre les a chantées) s'est fait la main et la gâchette dans le Far West Italien en qualité de scénariste et de réalisateur. Mais au
milieu des seventies, le convois de la
naziploitation lui roule sur le corps. Il signera malgré lui ses deux films
les plus connus. "Lager SSadis Kastrat Kommandantur" (Horreurs nazies, Le camps des filles perdues) et "SS Lager 5: L'inferno delle donne" (SS Camp:
Women's Hell). Si les deux œuvrettes seront tournées l'une dans
l'autre (pour ainsi dire), seul "SS lager 5" aurait joui d'une
exploitation en salles dans notre bel hexagone sous le titre «Roses
rouges pour le Führer» (En hommage au Rose Rosse per Il
Fhürer de Fernando Di Leo ?). "Le camps des filles perdues" eu à priori
(comprendre que bien que cela m'étonne un peu, je n'ai trouvé de
preuve contraire) pour seul honneur, une exploitation vidéo sous l'étendard Choc Production. Cassette à la
jaquette un tantinet anachronique et au montage expurgé d'une bonne partie de ses
écarts visuels. Chez nos cousins d'outre Manche pas mieux !
Puisque la chose fut d'abord éditée en 1982 dans son intégralité
avant de disparaître des linéaires durant l'été 83 pour trouver sa
place dans la longue liste des Videonatsy.
La bobine de Garrone
méritait-elle son interdiction à l'anglaise, son charcutage à la française
et sa sulfureuse réputation ? La réponse nous est pratiquement donnée en introduction par une
séquence de "gégène" teutonne parfaitement gratuite. Scène
sans queue, mais avec tête dont la seule justification
possible semble celle de remplir le cahier des charges des atrocités que
toute péloche sulfureuse du genre se doit de compiler. Pourtant «Le
camps des filles perdues» n' est pas tout à fait le drame carcéral attendu... Il y a d'abord ce stalag d’opérette dans les
profondeurs boisées de la Pologne où l'on a réuni un bataillon de
semi-boudins gloussants et quelques trouffions de retour du front
russe dans le curieux dessein d’améliorer «a little bit»
la race arienne. Évidement, ça ne marche pas à tous les coïts,
alors on remet ça avec entrain très germanique (Arhrr zé le
bordelleux !), jusque dans un fort étonnant spa à température
variable. (On ne se refuse vraiment rien). De ces étreintes toute
expérimentales va naître la plus improbable bleuette.
Lorsqu'Helmut s'introduit dans Mireille, le jeune alsacien se dit
d'abord que c'est le coup du siècle avant de se raviser:"Es ist der
Coup du foudre !"
Il court donc, MP40 à terre, implorer son supérieur le
Colonel Von Kleiben de lui laisser la jouissance de la
belle. Ce à quoi et contre toute attente, le gradé consent en
échange d'un menu service. Helmut devra donner de sa personne. Le soldat ignore encore que Von Kleiben a perdu la boule
après en avoir perdu deux autres dans un douloureux accident de pipe mal bourrée... Pire, le vieux salaud voit son avenir d'artilleur dans l'entrejambe du jeune homme. Après un tel exposé, il va sans dire
qu'il est parfaitement impossible de prendre «horreurs
nazies» très au sérieux. Et bien que l'ignominie de certaines expériences menées par une harpie lesbienne à tête de derche semble
indiscutable, l'effort de Garrone tourne par l'extraordinaire folie
de son scénario à la divagation intégrale.
Ne vous y trompez
cependant pas, en dépit de son amourettes de bazar, ses loufoqueries narratives (une tentative d’assassinat à la fourchette, entre autres) "Lager SSadis Kastrat Kommandantur" n'est pas le genre de tarte à mettre dans toutes les assiettes ou dans toutes les platines. L'effort de Garonne, aussi sot soit-il, reste un ouvrage délibérément tordu et éminemment discutable. Mais n'est ce point ce qui fait tout son intérêt cinéphilique ?
Le disque:
Artus films offre à "Horreurs Nazies" une édition au poil.(dans tous les sens du terme) Le film de Garrone vous y sera présenté au format 1.85 d'origine dans un master saillant et Uncut. Pour le même prix vous aurez droit à deux pistes audios ( Français et italien ) ainsi que des sous titres. Dans le gniouf à bonus : Une présentation de la Nazi (ex) ploitation par le courageux Eric Peretti, un interview de Sergio Garrone, un diaporama d'affiches et de photos ainsi que le générique italien. Disponible sur le site Artusfilms.com pour la modeste somme de 12 boules (c'est vraiment peau de zob !)