Kriminal : critique et test DVD


On ne sait pas si du côté d'Alignan du vent , la mode estivale est au pyjama cagoule, mais on sait par contre que deux artistes y tapent le bisseux consentant au porte-biftons. Alerté par la presse, qui ne tarit pas d'éloges et une armée de victimes encore en état de choc (Je ne sais pas ce qui s'est passé messieurs les gendarmes, l'assaillant était déguisé en ours), le commissaire Ecran, Bis de son prénom comptant bien résoudre le mystère de cette édition «Kriminel», tape du poing sur la table :  -"I'm sure, I'm very sure que c'est un coup de Thierry Lopez et Kevin Boissézon". Enquête cinéphilique, au mépris de la moral et du danger... au cœur d'un été caniculaire...


Inspiré par les exploits de Fantomas, Diabolik déboule en combinaison et Jaguar dans le petit monde des Fumetti en 1962. Le criminel star tout juste évadé de l'imagination des frangines Giussani livrera à la bande dessinée italienne un de ses plus beaux succès populaires. Au passage à niveau de l'imaginaire, un héros en cache toujours plus ou moins un autre. Diabolik à peine installé dans le monde du comics transalpin, il inspire à son tour, le dessinateur Magnus et le scénariste Max Bunker (Luciano Secchi). 1964 voit la naissance d'un nouveau génie du crime, fringué de squelettiques oripeaux et portant le doux sobriquet de Kriminal. «Krimi» sera pratiquement instantanément copié dans un roman photo narrant les aventures d'un certains Killing. Personnage qui connaître lui même quelques très officieuses aventures cinématographiques sous le nom de Kilink en Turquie. Un véritable jeu de poupées russes auquel s'ajoute l'apparition quasi simultanée des nombreux titres et héros maléfique (Mister-X , Sadik , Spectrus, Cobrak, Satanik, Infernal, Fantasm, Zakimort). Les joies des retitrages français en prime.



Évidemment, le succès de ces héros maléfiques sur papier, ne tardera à leur ouvrir les portes du 7e art. Le toscan Umberto Lenzi, toujours prompt à exploiter le bon filon, espère dans un premier temps adapter «Satanik» mais ne parvenant pas à en acquérir les droits, il finit par se rabattre sur «Kriminal». La première transposition d'un Fumetto à l'écran sera montée comme une coproduction italo-espagnole à laquelle viendront se greffer des capitaux turcs. L'histoire débute dans le Londres des années 60. Notre squelettique héros arrêté pour avoir subtilisé la couronne d'Angleterre et refusant avec obstination de restituer le luxueux couvre chef, n'est plus qu'à un pas de la mort. La corde est tendue, les bourreaux s'affairent, les officiels s'impatientent. (C'est sûr que pour inverser la courbe du chômage, ils semblent moins pressés les types !) Mais alors que notre encagoulé exécute son dernier saut dans le vide d'un retentissant "et hop !", il parvient à prendre congé, laissant tous ses hôtes sans voix. Tous sauf un...


Alors que visages se crispent, que les fronts perlent de sueur, que les élastiques de slips se serrent, l'inspecteur Milton savoure l'évasion qu'il a savamment orchestré. Il compte en fait suivre le malfrat jusqu'à sa planque et ainsi faire coup triple. Mettre la main sur l'ennemie public numéro, son prestigieux butin et par la même occasion graver son nom dans l'histoire de Scotland Yard. Rien se passera comme prévu. Kriminal échappe à ses poursuivant mais bon joueur consent à rendre le tour de crane étincelant à l'Angleterre pour se concentrer sur des breloques nettement plus faciles à refourguer aux puces... Pragmatisme quand tu nous tiens, tu nous serres parfois trop fort.

Sa nouvelle victime sera la veuve Gold. Prototype de la bourgeoise lubrique dont les effluves insistantes, mêlant le Chanel Number Five et les dessous de bras, évoquent à la fois la fleur fanée et le retour du pécheur au port de Sète. (Le cris des mouettes en moins). Le vieille peau prépare le transfert de quelques colliers et sautoirs vers la Turquie. Pour diviser par deux le risque de détournement de sa précieuse marchandise, notre mathématicienne du dimanche décide de nous faire le coup des jumelles. Deux jeunes femmes feront le voyage vers Istanbul, l'une servant uniquement de leurre. Kriminal qui s'est laissé prendre, découvrant une valise pleine de vide et surtout que la mère Gold va se faire rembourser les bijoux qu'il n'a pas réussi à lui voler, décide de prendre sa revanche.


Notre super maléfique du jour apparaît ici sous les traits d'un précieux blondinet, rechignant un peu  à porter le costume qui le rendit si identifiable sous les coups de crayons de Magnus. Si l'on excepte quelques scènes en costume, Kriminal se présente plus comme un négatif de James Bond que le sadique cagoulé attendu. D'ailleurs à y regarder de plus près (Inutile de vous rapprocher de l'écran, c'est une image !), la cruauté de notre artiste du crime ne frappe ni le petit peuple et ni les honnêtes gens  mais au contraire s'exerce sur une sorte d'hyperclasse du banditisme dont la royauté britannique constitue en quelques sortes la branche la plus légale. Ou comment la lutte des classes ou la morale divine (que vous ayez eu des parents communistes ou l’opportunité de faire votre première communion... Vous pensez la même chose mais vous ne l’appelez pas pareil , mais j'y reviendrai un autre jour) triomphe. Kriminal est-il le bras armée de dieu ou du peuple? Se jouant d'une justice décidément bien peu disposée à mériter son nom ? Faites vos jeux !


Le script signé par Lenzi lui même ne laisse que bien de doutes sur l'objectif  caressé par le cinéaste. Le Toscan est conscient que son blond héro, aussi populaire soit-il, n'est au fond qu'une démarcation, voire un composite de personnages existants et qu'aussi spectaculaires soient-elles, ses apparitions seules peineront sans doute à faire tenir le spectateur  une heure et demi durant sur sa chaise. Kriminal, sous ses airs de petite péloche gentiment exploitative cache une mécanique narrative retors jouant des faux semblants jusqu'à l'ivresse. L'intrigue s'y renverse et  rebondit constamment,  les pistes se brouillent et se rebrouillent, arrachant  le récit à toute forme de linéarité et harponnant par conséquent l’intérêt.

Efficace,Kriminal l'est jusque dans son argumentation sexy et l'arrosage de sa fleur carnivore. Helga Liné, dont l'apparition tient ici de la double ration, constitue sous doute le plus beau diamant de ce collier un peu kistch.

Le disque :

Artus films offre à Kriminal un belle édition Digipack permettant de découvrir ou ré-découvrir "Kriminal" dans une copie cinémascope (ratio image 2.35) et un master 16/9 d'une qualité honnête. Le tout accompagné de pistes italiennes et française. Ainsi que des sous titres dans la langue de Molière. Notez que le dernier plan (sans doute absent du montage français) délivre les ultimes dialogues du film en italien. Dans le bonus, que du bon ! A commencer par une passionnante présentation du parcours cinématographique de Lenzi par David Didelot (Auteur du livre "Gore, dissection d'une collection" et éditeur du fanzine "Videotopsie".) Pour le même prix, Lenzi en personne revient sur la genèse de son criminel effort. A commander dès aujourd'hui sur : http://www.artusfilms.com/kriminal au prix de 13€90