Lifeforce : Critique et test DVD



Tobe Hooper a connu à l'instar d'une poignée de cinéastes maudits (Stuart Gordon and co...) , ce que l'on appelle une carrière en pente. Un démarrage en fanfare et tronçonneuse, quelques frappantes confirmations, puis un long et ininterrompu zigzag cinématographique entre déception et disgrâce. Au début de ce doux mois de juin, à l'heure où les line ups des éditeurs se vident de leur sang, Sidonis (distribution Arcades) lui rend hommage en éditant «Lifeforce, l'étoile du mal», une péloche qui s'est longtemps refusée à nos platines affamées, nous contraignant à nous tourner vers un disque anglais cut, v.o. Et surtout 4/3 ( tout pour plaire !). Oyé braves lecteurs, notre astre vidéastique du jour est disponible en Bluray et DVD depuis le 3 juin... Voilà qui valait bien une chronique spéciale et spatiale de l'Ecranbis.com. 


Au milieu des années 70, The Texas Chain Saw Massacre (Massacre à la tronçonneuse de ce côté ci de l'Atlantique) lacère l'imaginaire de quelques générations d'Américains et marque à jamais l'histoire du cinéma horrifique en coulant les fondations d'un sous genre encore dans l’œuf : Le Slasher. Tobe Hooper dont il s'agit de la deuxième réalisation, est promis à la plus belle des carrières. Il confirme son goût pour le morbide et les sueurs froides dès 1977 avec « Eaten Alive » (Le crocodile de la mort) puis « The Funhouse » (Massacre dans le train fantôme) sans oublier de se frotter aux cauchemars télévisuels (Les vampires de Salem). 1982, Poltergeist , désormais indiscutablement considéré comme un classique du cinéma fantastique des années 80 aurait pu enfoncer le clou dans la planche. Mais l'omniprésence présumée de son célèbre producteur sur le tournage (Steven Spielberg), va jeter un doute sur la paternité de l'œuvre. 


La route d'Hooper ne tarde pas à croiser la trajectoire de deux cousins fameux. Menahem Golan et Yoram Globus entendent faire à la nique aux géants d'Hollywood en mettant la main sur la « Cannon group » firme créée à la fin des années 60 par Dennis Friedland et Chris Dewey. La production maison s'orientera vers tous les genres populaires, action, cinéma Vietnam, aventure. Hooper s'embarque pour trois films. L'adaptation du roman «Les Vampires de l'espace» de Wilson Collins qui deviendra en cours de production Lifeforce , un remake de l' «Invaders from mars » de William Cameron Menzies et une suite de «Massacre à la tronçonneuse ». Pour beaucoup de cinéphiles, cette collaboration marque le début d'un déclin qualitatif dans la carrière du cinéaste. Le peu enthousiaste accueil critique de l'époque, transmis d'article en article à travers le temps, l'invisibilité relative de « Lifeforce » et «L'invasion vient de Mars » (Les deux films étaient jusqu'à ce jour demeurés inédits en DVD en France) vont finir par construire un mythe inversé.



Évidemment cette édition tout à fait inattendue de Lifeforce, dans une version intégrale qui plus est (la version exploitée en France était remontée) nous permet de remettre les pendules à l'heure et en perspective sa douloureuse genèse. Lifeforce débute à quelques kilomètres au dessus de nos têtes... Dans le vide sidéral, l'équipage de la navette spatiale « Churchill " observe médusé le passage de la comète de Halley. Dans la queue de l'astre bolide dérive un impressionnant vaisseau extra terrestre, en son cœur, 3 corps en sommeil enfermés dans des cercueils de verre. Les dépouilles ramenées à la navette, la Terre perd le contrôle avec les astronautes. La mission de sauvetage dépêchée par les autorités anglaise et américaine arrivera trop tard. Un feu en cabine a semble-t-il eu raison des nos explorateurs stellaires, seuls les trois corps extra-terrestres sont retrouvés intact. Mais une fois sur le plancher des vaches, à l'heure de la biopsie, les trois cadavériques visiteurs vont reprendre du poil de la bête... 


Peu importe ce qu'on a pu en dire ou redire le génial mais caractériel Dan O Bannon, Lifeforce a d'abord la qualité d'être une véritable compilation thématique. Un film de science fiction, plongeant ses doigts dans le pot du fantastico-gothique, de par ses suceurs de vie mais également, pour ne pas dire surtout, par son obstination à jouer de l'érotisme et de la vieille pierre. Vampire new look (ici pas question de se salir les quenottes on sirote l'énergie vitale d'une simple étreinte), zombies, cosmonautes, extra-terrestres, scientifiques et militaires barges, possession et voyage de corps en corps. Tout y est ou presque dans la candeur visuelle propre au cinéma fantastique des années 80. Effets spéciaux sublimes signés par John Charles Dykstra, maquillages et animatronics délirants ( On oublie souvent de dire que le français et talentueux Jacques Gastineau fut de la partie), éclair de lumière. La face sombre c'est bien entendu cette étrange pandémie, fanant les corps jusqu'au squelettique. La sexualité suintante, le baiser évidemment fatal … Tout ramène qu'on le veuille ou non aux années sombres de la découverte du VIH. Matilda May, son corps sublime de 19 ans, peut-elle être le vaisseau de la mort ? Oui martèle Hooper ! 



Le plus étonnant est peut être que l'étoile du mal n'a pas vieilli, mieux s'est bonifiée, se savoure avec ou sans nostalgie. On finit même par se dire, que « Lifeforce » fut certainement victime de sa charge symbolique. Une chose est sûre . Dans les sacro saintes 80, Le cinéma fantastique américain bercé par l'imaginaire Spielbergien, entre E.T., Retour vers le futur, les Goonies et autres Gremlins, n'était prêt ni pour « The Thing » de Carpenter, ni pour « L'étoile du mal » de Hooper.


Le disque :

Sidonis livre « L'étoile du mal » dans une édition aux visuels superbes coiffée d'un sur étui cartonné. Pas de mauvais surprise à l'intérieur, la galette s'entiche d'un master de toute beauté au format 16/9 (Ratio image scope 2.35) . Un véritable plaisir pour les mirettes ! Rayon audio, des mixages Dolby Digital Stéréo en Français et anglais, ainsi que des sous-titres français. Notez que la version proposée étant « Intégrale » , un carton prévient que certaines parties du films sont de fait en V.O.S.T. Dans la soute à bonus, une bande annonce, une galerie de photos et un document de présentation du film de 17 minutes écrit par Marc Toullec, que je salue bien bas au passage.