Pour ceux qui arpentent les couloirs les moins éclairés de l'imaginaire, les quartiers les plus nécessiteux et malfamés du septième art , 2014 restera une année de surprises. Qui aurait pu prévoir ou ne serait-ce qu'imaginer en pleine crise économique et alors que les ventes de galettes argentées s'effondrent, les sorties d' Hollywood Chainsaw Hookers, Horrible, Anthropophagous, Kriminal, Humongous, Bloody Birthday, Les amants d'outre tombe, Lifeforce, la révolte des Triffides et en bout de course d'un premier semestre somptueux, au cœur de l'été : Les hommes d'une autre planète. Fruit d'une collaboration entre Bach films et le CPPFFJ (Collectif pour la Préservation du Patrimoine Francophone du Fantastique Japonais), Mars Men revient sur nos écrans radar. Ecranbis.com assure le comité d'accueil en fanfare et en chronique.
Un film d'une autre planète ! |
Pour ne rien vous
cacher, j'avais il y a quelques semaines une longue et intense
conversation téléphonique (1h30 d'échange, l'intéressé
confirmera) avec Jean-BaptistePujolle, l'un des chef de fil du
CPPFFJ, à propos d'un autre film à paraître en fin d'année chez
un autre éditeur. Évidemment durant ce coup fil, l'ami
Jean-Baptiste n'a pas manqué de me glisser quelques mots à propos
des «Hommes d'un autre planète» . Et même si je ne suis ni un
spécialiste, ni d'ailleurs spécialement amateur de ce type de
cinéma asiatique, je dois avouer que ma curiosité fut titillée.
Aussi j'attendais avec une impatience certaine que la galette Bach,
dont on m'avait téléphoniquement vanté les mérites, atterrisse
dans ma platine. Il me faut également confesser souffrir d'une petit
déformation «professionnelle» due à l'écriture
régulière de chroniques dans ces colonnes numériques. Je ne peux
m'empêcher de me documenter sur un film avant de le regarder... Au
risque de me gâcher le plaisir de la découverte mais surtout
d'aborder systématiquement l'œuvre de biais.
Dans le cas de Mars men, sauf à prendre instinctivement ou
sous l'effet de substances illicites son propos au quatrième degré,
un minimum d'éclairage paraît un préalable nécessaire. Les 84
minutes dont nous parlons sont en effet le fruit pelliculaire de
recyclages en cascade, expliquant pratiquement à eux seuls
l'étrangeté congénitale de l'œuvre. Une genèse labyrinthique
renvoyant sans cesse le documentaliste du dimanche que je suis à
son manque d'érudition. Je vais donc tenter d'éclairer l'abime de
ma lampe électrique. Voilà en gros, ce qu'il m'a semblé
comprendre. Tout commence avec une série Japonaise produite par Tsuburaya
Productions tournant autour d'un personnage robotique dans la
ligné d'Ultraman et nommée JUMBORG ACE. Les droits des 50 épisodes
seront acquis pour la Thaïlande par la firme Chaiyo qui face au
succès se met en tête de produire un long métrage opposant le
héros japonais à une figure mythique de la culture locale, un géant
de Pierre. Ce mariage de modernisme et de tradition recyclera des
séquences complètes de la série.
En 1975, la mode était déjà aux casques Beat By Dr Dre. |
L'histoire ne s'arrête
pas là puisque «Jumborg Ace contre le géant» sera racheté pour
un exploitation à Taiwan et expurgé des séquences Thaïlandaises au
profit de scènes tournées avec des comédiens locaux. Contre toute
attente, le bricolage parvient à quitter l'Asie pour l'Europe où il
sera exploité sous le titre «Mars Men, Gli Uomini Di marte» pour
l'Italie ou «Les hommes d'une autre planète» pour la
France. Évidemment, les doublages nationaux vont livrer un lecture
très personnelle de l'intrigue, sans doute très déconnectée des
intentions originelles Thaïlandaises ou Taiwanaises. Mais c'est
justement cette digestion et redigestion continue de l’œuvre, ses
origines incontrôlables et incontrôlées qui font aujourd'hui tout
son intérêt. Dans les suppléments du disques, André Dubois,
programmateur du festival Fantasia de Montréal prévient : Le
montage Thaï (dont on peut trouver trace en DVD) serait beaucoup
moins cohérent que celui que nous est proposé sur le disque. On se
demande bien comment cela peut être possible tant le visionnage
de «Mars men» laisse bouche bée. D'ailleurs extirper
un pitch de cette salade pelliculaire teint pratiquement de
l'exploit.
Pour cause de balle perdue lors d'une partie de
Baseball, un petit garçon découvre dans les galeries d'un temple
une petite statue de pierre traditionnelle. Il n'a pas le temps de
rentrer chez lui qu'une invasion martienne menace la Terre. Des créatures gigantesques et aux looks improbables lancent un ultimatum
à l'humanité. Sous peine de destruction totale, les terriens
devront fournir une pierre magique destinée à la construction d'une
arme transformant les rayons de soleil en rayons mortels. Afin de
donner un avant goût des sévices à venir, ces hommes d'une autre
planète mettent une ville à feu et à sang. Par chance, l'Oncle Sam
veille au grain et lance un robot sur la surface de la Lune. La
machine ne tardera pas à être suivie par la statue de pierre
thaïlandaise qui suite à une exposition aux rayons X se trouve
atteinte de gigantisme. Mais rien ne se passe comme prévu, nos deux
géants commencent par se taper dessus... avant de se lier contre les
visiteurs indélicats et menaçants.
Un casseur de fin de manif', mais que fait Manuel Vals ? |
La qualité première d'un tel sac de nœuds filmique est de fournir un spectacle délivré de toute contrainte. D'aberration en aberration, la raison rend les armes... On ne sait plus trop ce que l'on est en train de regarder, ce qui n'empêche nullement de le regarder avec plaisir. Évidemment, le passage de l'œuvrette de mains en mains, voire de culture en culture, aboutit à un prévisible «n'importe quoi». Des géants extraterrestres, des dinosaures, des robots, une statue traditionnelle géante se déplacent avec la grâce d'un "teletubbies", un rayon de la mort, quelques séquences quasi « Kaijuesque »... Le tout filmé non sans talent mais avec une candeur révoltante. «Mars men » tient de l’expérience cinéphilique, du trip carabiné. Mais à moins d'avoir un cœur de pierre, impossible de ne pas placer ces quatre vingt et quelques minutes aux côtés de nos plus beaux souvenirs d'enfance.
Le disque :
«Les
hommes d'une autre planète » nous parviennent dans une édition
Digipack , face avant gaufrée, accompagnés de trois cartes postale
de collection reprenant les affiches italienne, française et internationale. Le film est proposé dans son format scope d'origine
(ratio image 2.35 Master 16/9) et dans une copie ayant de toute
évidence bien vécu. La qualité n'est donc pas renversante mais
tout de même acceptable en considérant l’extrême rareté du métrage. La
galette est également riche en suppléments puisque nous avons droit
à plusieurs présentations du film. Le première par André Dubois
(programmateur du Fantasia Festival de Montréal), la seconde par
Luigi Cozzi. Pour le même prix, cette édition propose un entretien
avec Wafa Ghermani, historienne du cinéma Taïwanais , un entretien
avec Christophe Lemaire ainsi qu'un document relatif au doublage du
film par Damon Foster. (en VO). En parlant de doublage, notez que trois
mixages sont proposés : Français, Italien, Anglais.