Les vampires du Dr Dracula : critique et test DVD



A peine remis des vacances, le moral en berne, le bronzage déjà en fuite, le bestiaire vidéastique français nous donne de ses nouvelles. Du requin et de l'araignée chez le crocodile, du lézard chez le chat, de la bête à poils et à quenottes chez l'Ours. Sept péloches providentielles et animalières à offrir vos platines affamées ? Ou à se mettre... sur l' oreille ? Pour vous aider à ne pas choisir, Ecranbis.com vous fait passer les cartouches ... en lançant les galettes vers les cieux. Pool ! La cible du jour pointe du doigt l'autre versant des Pyrénées, terre de soleil et de castagnettes, dont les multiples paradoxes pourraient (cinéphiliquement du moins) se résumer en un avertissement: Un Franco peut en cacher un autre ! Point de Jess au programme du jour mais "La Marca Del Hombre Lobo" , que je traduirais littéralement par "la marque de l'homme loup" et qui trouva un titre d'exploitation franco-germanique moins poilu mais à priori plus poilant : Les Vampires du Docteur Dracula. C'est d'ailleurs sous cette appellation apte à séduire les mordus de fantastique, que ce Naschy historique pointe le bout de sa malédiction en DVD. Chronique d'un zone 2 signée Artus films et inaugurant une collection nouvelle baptisée "Cine De Terror"!

Olé !

 Qu'on se le dise, le vaillant effort d'Enrique Lopez Eguiluz a la qualité d'être triplement introductif. (Oui tu as bien lu, coquine !). En 1968 tandis que la bruyante jeunesse de l'hexagone cherchent les pavés et accessoirement la merde (CNRS avec nous ! CNRS avec nous !), la pelis de cine de terror  devient un filon dont "les Vampires du Docteur Dracula" est en quelque sorte la première pépite. Mais bien plus qu'un simple film fondateur, la bobine a le mérite de lancer coup sur coup un de ses personnages récurrents:  le comte Waldemart Daninsky et l'un de ses interprètes réguliers en la personne de Paul Naschy. Si la renommée de cet ex haltérophile n'a pas forcement pris la plus universelle des tournures. L'homme restera cher au cœur des bissophiles et peut être faute de concurrence réelle, l’indétrônable icône du gothique Sangria. Ce n'était pourtant gagné, ricaneront les langues de puta ! Destin, accident ou main de dieu... ce qui poussa Naschy à imprimer la pellicule, dépassait sans discussion possible les limites de la logique humaine.

Non non, Jacinto t'en fais pas trop, je te jure !

De fait c'est surtout par une faute de goût toute teutonne, que notre homme deviendra le premier loup garou polonais d’Espagne. Lon Chaney aurait, nous dit-on, été pressenti pour incarner la bête à poil, mais l'état de santé de l'acteur ne lui permettant plus les cadences infernales d'un tournage, il déclina donc. La production germanique, certainement avisée en pleine de fête de la bière, eut l'idée scabreuse de confier le rôle au scénariste lui-même. Keine Problem, du bist ein shöne Loup garou ! Ja ! Ja ! Ja ! La réponse allemande tenait sans doute autant du pragmatisme enjoué que de la proposition à l'aveugle. Naschy avait le parfait physique du mafieux de second plan , le profil de la brute épaisse et la silhouette de l'homme de main . Il n'était en outre pas plus acteur que Plastic Bertrand chanteur. Mais peu importe, par la magie du cinéma, le leveur de poids deviendra leveur de poule. Et ce, au risque d'une première apparition déguisée parfaitement risible au volant d'une décapotable fendant la nuit. Ou comment le bouffon vert est passé au rouge ...

Attention, le bouffon vert est passé au rouge !

Le postulat scénaristique autorisant ce genre de mascarade tient un peu de la paella et de la merguez. Une histoire de mélange dont la saveur dépend beaucoup plus des épices ajoutées et de la cuisson que des ingrédients servant de matière. Non content de nous servir un tiède triangle sentimental  (le jeune Rudoplh aime la jeune Yacynthe, la jeune Yacynthe aime le vieux compte Daninsky), Naschy s'autorise un loup garou réveillé par un couple de gitans.... L'inévitable morsure de son héros, ses imparables transformations nocturnes comme l'arrivée en ville d'un mystérieux tandem de scientifiques. Couple dépêché au chevet de notre noble loup qui se révélera être aussi échangiste que suceurs... De sang. Ajoutez un doublage français aberrant, occultant certaines répliques et condamnant donc quelques personnages à jouer les poissons rouges, tout en justifiant sans grand finesse le retitrage draculesque du métrage. Objectivement tout ici semble voué à prendre l'eau, le surjeu des acteurs, les sautillantes et grognantes apparitions de la bestiole, le sommaire de son maquillage. Un spectacle qui prend même des airs de comédie involontaire lorsque la plus sincère des scènes poétiques se voit malencontreusement anéantie... par la chute d'un vase, qui ne fait ne fait même pas l'effort de se briser.

Rêve de dentiste...

 A cet égarement continuel répond une cinématographie experte, puisant son esthétisme dans le gothique italien et britannique. Tourné en Scope et même en relief ( ce qui explique les quelques effets de projection tombant bien évidemment à plat en 2D) , les vampires du Docteur Dracula s'habille d'une photographie brillante et inspirée. Il est peu dire que le fond ne rejoint pas ici la forme. les deux pôles s'écartant même à chaque plan un peu plus. Mais ne nous y trompons pas, la qualité de ce premier Naschy est justement là, dans ce paradoxe finalement très espagnol qui préfigure, à mes yeux du moins, l'avenir d'une du 7e art ibérique. un cinéma montrant plus qu'il ne raconte. Et pourquoi après tout, devrions nous ranger le plaisir des mirettes aux rayons des extases secondaires... Je vous le demande. A l'abri de ce questionnement, je ne m'interdit pas de considérer "Les Vampires du Dr Dracula" comme une œuvre fascinante.

La fille était belle, la photo l'est toujours...


Le disque :

Les Vampires du Docteur Dracula nous parviennent dans une copie impeccable, et scopée 2.20 (master évidemment 16/9) accompagnée de mixages français, espagnol et de sous titres. Dans la crypte au bonus, un diaporama d'affiches et de photos et les bandes annonces de la collection "Cine de terror". Pour en apprendre un peu plus sur le genèse du film, il faudra se reporter à l'excellent et long bonus d'Alain Petit embarqué sur le disque du "Bossu de la morgue". 13€90