Une extraterrestre arrive sur Terre pour séduire des hommes avant de les faire disparaître. Tel est le pitch redoutable et minimaliste d' Under The Skin. La peloche, atypique s'il en est, débarque dans nos salons à la fin octobre (le 25 en VOD et le 29 en DVD/Bluray), une occasion rêvée de vérifier les dires de nos confrères de la presse ciné. "Under the Skin" est-il le film fantastique de l'année 2014 ? Ecranbis.com livre une interprétation toute personnelle du phénomène.
Ouvrir nos colonnes numériques à «Under the skin», quelques semaines à peine après sa sortie dans les salles obscures tient de l'exercice épineux et «tricky». N'y voyez pas le caprice d'un rédacteur web atteignant péniblement le buffet à la fin de la réception, découvrant avec un désarroi certain une forêt de verres souillés et une poignée de miettes analytiques à l'abandon sur les nappes. Après tout, notre ligne éditoriale cramponnée à l'actualité vidéo et la sacro-sainte chronologie des médias nous ont habitués à une politesse toute numérique: «Vous d'abord, mais je vous en prie». La raison, du moins la mienne, est à chercher sous d'autres latitudes et d'autres dorures. Je prendrai donc comme acquis que le film de Jonathan Glazer nous est apparu dans une tornade de papiers exaltés, apologétiques et louangeurs auxquels seul le public, étourdi et parfois médusé par le spectacle, armé d'un franc parler, ou d'un franc écrire pour le dire affectueusement,caractéristique, osa porter la contradiction. Évidemment l'impression d'arriver après la guerre, impose de trancher, de choisir son camps, à moins que l'on m'autorise le luxe d'une balle au centre.
J'aimerai d'abord écrire que si Under The Skin a parfois (voire souvent) été décrit comme une œuvre expérimentale, elle ne l'est, à mes yeux, nullement. Certes, l'affirmation appelle avec fatalité à la définition même d'un territoire cinématographique échappant par essence à tout effort de cartographie objective. Faites-m'en cadeau et je vous dirai comment Under The Skin ne déconstruit rien... pas plus qu'il ne construit, mais se contente au contraire d'agréger l'existant. D'un point de vue strictement thématique, à condition d'un minimum d'impartialité («Si vous me prêtez deux neurones» pour citer un autre humanoïde célèbre), ces quelques 108 minutes nous offrent un agglomérat de concepts à priori classiques. Le fait et le projet extra-terrestre, trouvant une personnification providentielle dans une enveloppe charnelle féminine et prédatrice, et dont l'objectif ou la route qui y mène tiennent à la fois de la séduction et d'une certaine forme de sexualité. En regardant en arrière, les formes récentes de fantastique et science fiction, les exemples d'explorations analogues sont nombreux. De Spermula à Species, de Lifeforce à Decoys... La femme alien et fatale, la vampire science fictionnelle est partout. Y compris de façon parodique chez Burton (Mars Attack) ou à la télévision, sous les traits d'Alyssa Milano dans Caught in the Act, épisode de The Outer Limits.
"La grande force du film de Glazer est peut être là, pour commencer, dans son refus farouche de s'expliquer sur ce qu'il donne à voir."
La bonne idée pour ne pas dire la qualité d'Under The skin est de ne retenir du concept que le factuel. La grande force du film de Glazer est peut être là, pour commencer, dans son refus farouche de s'expliquer sur ce qu'il donne à voir. Après tout, les différentes combinaisons pouvant justifier cette chasse à l'homme ayant été soigneusement testées et épuisées (Abductions pour raisons scientifiques, procréatives, écologiques), autant laisser la porte ouverte à tous les fantasmes. Ne rien dire pour avoir l'air intelligent quand les cons parlent pour ne rien dire. Le calcul en vaut d'autres. L'autre versant de l'édifice tient du point du vue, celui de l'extra-terrestre sur notre monde. Un choc civilisationnel et organique rappelant le «Sans nouvelle de Gurb» de Mendoza, en moins drôle, fallait-il le préciser ?
Là encore, la pensée de notre sirène d'outre espace, se refuse au point d'embrasser le documentaire... en silence ou presque. A ce réel forcené répond ces étranges ballets nuptiaux au cours desquels la nymphe marche sur l'eau comme le messie, tandis que les proies s'enfoncent sans jamais l'atteindre. Le mode opératoire hésite entre le symbolique et l'abstrait, préférant dévoiler son actrice plus que ses motivations. De l'autre côté de l'écran, l'observateur observé lui n'en est plus à ça près. Scarlett parlons-en ! On finit par se demander si la demoiselle, au demeurant fort convaincante dans ce funambulesque exercice, n'est pas en même temps la femme piégée dans le film, et l'attrape spectateur sur ses contours.
"Le mode opératoire hésite entre le symbolique et l'abstrait, préférant dévoiler son actrice plus que ses motivations."
Alors bien sûr, on pourra toujours considérer l'exercice plus arty qu'audacieux, plus branchouille que véritablement gonflé. L'accuser de sacrifier son délicieux mutisme sur l'autel d'une conclusion plus grand public (l'apparition de l'entité et la justification du titre au risque de contredire un peu la séquence introductive très génétique). Under The Skin mérite son statut d'ovni filmique et d'œuvre à part. Au moins pour ses accents Kubrickien, son esthétisme par touche et sa façon de ramener l'humain dans les champs qui le rendent possible. La sexualité s'impose-t-elle en serrure de notre condition? C'est en tout cas à travers elle, que notre menthe religieuse nous découvre, goûte à nos compassions, à nos violences comme à sa propre conscience.
Un oeil sur le disque :
Diaphana Edition livre un DVD de haute
tenue. Under The Skin nous débarque dans un master 16/9 au ratio
image 1.85 à la hauteur du film. La compression se fait discrète
même sur les nombreux plans sombres mais nous conseillons quand même
de vous tourner vers l'édition Bluray (Under the Skin le mérite).
Le disque propose deux mixages audio en langue anglaise (Dolby
Digital 5.1 et Dolby Digital Stéréo) accompagnés de sous titres
français. Dans les bonus, on notera outre la bande annonce et un
making of intéressant, une belle présentation du film par Olivier
Père.