Trancers : Critique et test Bluray (import UK)



Au milieu de nos regrettées 80's, tendres années de découvertes vidéastiques et sentimentales pour une bonne part notre lectorat (fidèle ?), le voyage dans le temps a indiscutablement le vent en poupe. Après un bizarroïde Time Rider et sa morale toute relative (1982), James Cameron ouvre avec "Terminator" '(1984) une faille temporelle dans laquelle, une partie de la production SF américaine s'engouffre avec un empressement aussi joyeux qu'opportuniste. Cette thématique doublée par l'exploitation d'une autre, celle du fameux "Effet papillon", théorie exposée et explorée avec génie par Ray Bradbury dans son roman "Un coup de Tonnerre" en 1952 , ouvrira un véritable boulevard situationnel. Renvoyé dans le passé pour corriger les erreurs présumées de l'histoire, un bataillon de héros plus ou moins mémorables devront affronter les douloureuses conséquences d'un tourisme contre nature, d'un affront au divin ou à l'inexorable. Selon que vous ayez eu ou pas la chance ou la malchance d'embrasser une éducation religieuse. Rayez selon vos convenances les mentions inutiles.


L'intérêt du cinéma d'exploitation yankee pour l'exercice se cristallisera certes autour du succès populaire de Terminator, puis celui de Retour vers le futur. Mais la figure présente aussi l'avantage de ne pas demander la lune. La simple notion de voyage dans le passé assurera la caution science fictionnelle et la spectacularité des récits. Suivant l'adage "Le présent des uns fait le passé des autres", les années 80 s'offriront en décors à des personnages venus du futur... réduisant l'exposition de leur époque de provenance à quelques minutes de métrage et quelques néons noyés dans une brume... providentielle.

"Band souhaitait peindre les aventures d'un flic à la dégaine futuriste pulvérisant les contrevenants à coups de rayons laser. Mais les scénaristes maison Danny Bilson et Paul De Meo, indécrottables amateurs du film noir vont prendre une toute autre direction."

Avant que Steven Spielberg et Robert Zemeckis ne transforment les Deloréans DMC 12 en machine à détraquer le temps et les aventures de Marty Mc Fly en machine à cash, Charles Band tourne à Los Angeles "Trancers" sans se douter que cette modeste série B deviendra à l'instar du film auquel il répond (Terminator) une véritable franchise. La production est initialement annoncée sous le titre Future cop et l'idée originale, sortie de l'esprit de son producteur-réalisateur est alors assez éloigné du résultat que nous connaissons. Selon Tim Thomserson lui même, Band souhaitait peindre les aventures d'un flic à la dégaine futuriste, (façon Tron rajoute-t-il), pulvérisant les contrevenants à coups de rayons laser. Mais les scénaristes maison Danny Bilson et Paul De Meo (auteurs des scripts de Zone Troopers, Eliminators, Arena), indécrottables amateurs du film noir vont prendre une toute autre direction. Jack Deth sera le prototype du détective arpentant les rues sombres de la cité des anges.


"Jack Death incarne une certaine idée de la liberté et sans doute au bout du tunnel : un fantasme anarchiste latent, parlant à toute les sensibilités puisque ne s'adressant spécifiquement à aucune."


 Un sorte d'Humphrey Bogart "unstuck in time" (pour reprendre la terminologie d'Abattoir 5), une figure intemporelle ou doublement anachronique. Comprendre pas plus à sa place dans l'Amérique de 2247 que dans celle de 1984. Ce personnage bourru, taiseux et fumeur, drapé d'un imper à la Colombo rappelle aussi quelques générations d'anti héros : Snake Plisken, Rick Deckard, Jack Chandler... Mariant une désinvolture et un individualisme forcené, l'insoumission au système, à la construction morale, politique et humaniste . Il incarne une certaine idée de la liberté et sans doute au bout du tunnel : un fantasme anarchiste latent, parlant à toute les sensibilités puisque ne s'adressant spécifiquement à aucune.

Tout commence par un Blade Runner sans le sou, un futur de pacotille, une Amérique rétro futuriste, une voiture étrange et volante, le restaurant d'une station service enveloppée dans un manteau de la pollution. Jack Deth, flic solitaire, traque les "Trancers" (Traduit par "Hypnoz" ou "Hypnose" dans le doublage français) , humains transformés en créatures sans âme par un criminel nommé Martin Whistler. Pour échapper aux forces de l'ordre, ce dernier parvient à téléporter son esprit en 1985 dans le corps d'un inspecteur de Police. Il entend ainsi se débarrasser des ancêtres de ceux qui le traquent. Jack Deth, qui a entre temps démissionné et passe son temps à plonger dans les ruines d'un Lost Angeles recouvert par les eaux, n'a pas d'autre choix que celui d'emprunter à son tour les couloirs du temps...


La formule a beau être un peu économique, le budget (400 000 billets verts selon certaines sources) ne permet évidemment pas à la production de se vautrer dans le luxe. Mais Trancers a la fortune de réunir l'essentiel des artisans de la galaxie Empire Pictures. Chez Band, peut être plus que chez Corman, le cinéma est une histoire de famille, d'amitié et parfois de brouille. Une poignée de fidèles ont accompagné l'empereur à travers 4 décades de B-movies : Ted Nicolaou (réalisateur de TerrorVision, Subspecies) assure ici le montage, Mac Ahlberg (Re-animator, From Beyond, Dolls) la photographie, Peter Manoogian (Eliminator) est chargé de la production, John Carl Buechler hérite des effets visuels tandis que madame Band en personne (Debra Dion) gère l'intendance. Ce savoir faire, nous l'avions jusqu'ici perçu à travers le prisme déformant de masters 4/3 et d'édition DVD à la qualité très relative. Les nouveaux transferts haute définition réalisés au compte goutte par Full Moon (Puppet Master, Dollman et notre Trancers du jour) permettent une indiscutable ré-évaluation des œuvres.


"Une vraie série B, pourrions nous écrire, rappelant aux fins observateurs à quel point le cinéma d'exploitation américain des années 80 et celui des décennies précédentes partagent un seul et unique ADN, constituent un seul et unique courant échappant finalement à toute appellation ou étiquette."

Trancers, bobine sans prétention et joyeusement foutraque (pour ne pas dire tirée par les cheveux gominés du futur héros de Dollman) y gagne une subtilité insoupçonnée. Nous tenons sans doute ici l'un des plus attachants efforts d'un Charles Band réalisateur et l'un des petits trésors tombés avec l'Empire dans les oubliettes du cinéma d'entertainment. Une vraie série B, pourrions nous écrire, rappelant aux fins observateurs à quel point le cinéma d'exploitation américain des années 80 et celui des décennies précédentes partagent un seul et unique ADN, constituent un seul et unique courant échappant finalement à toute appellation ou étiquette. Les aventures du charmant tandem Tim Thomserson/Ellen Hunt se laisse en tout cas savourer comme un délicieux bonbon cinématographique.



Un œil sur le disque :

En France, la seule et unique édition du film nous fut présentée par un éditeur difficilement identifiable (Monarch ? Red Light ?) dans un DVD au format curieux puisque qu'il s'agissait d'un open Matte, légèrement rogné sur les côté et comble du bonheur, légèrement déformé. Il y a fort peu de chance, vu l'état actuel du marché de la vidéo dans notre beau pays, que nous voyons arriver une édition Bluray de "Trancers" de si tôt. Cette édition HD britannique, region free est donc une excellente nouvelle pour les adorateurs frenchy du Dieu Band. Le master 1080p au ratio image 1.78 utilisé par 88 films est à priori le même qui fut commercialisé par Full Moon aux États Unis. La propreté de la copie n'est pas parfaite (permettez moi d'y voir en qualité d'amateur de vieilles choses, la qualité de l'authentique) mais le gain de définition laisse sur les fesses. Le tout est accompagné du mixage stéréo d'origine et d'un mixage 5.1 un peu gadget en langue anglaise seulement. Le disque ne propose aucune option francophone ou sous titrage.

 Comparaison Bluray (88Films) & DVD (Monarch)

Le bluray anglais (88 FILMS)

Le DVD Français (Monarch)

Dans le coffre à bonus, le disque embarque un commentaire audio (Charles Band, Thim Thomserson), un série d'interview rares, un making of, une galerie d'affiches et de photos, des bandes annonces, mais surtout la "suite segment" "Trancers:  city of lost angels" réalisée pour "Pulse Pounders". Cerise sur le gâteau, nous avons également droit à 1 petite minute du segment "The Dungeonmaster".


Pour soutenir l'éditeur, vous pouvez  lui commander directement  disque à prix sympa (12£99) à l'adresse : http://88-films.myshopify.com/