Depuis quelques mois, les éditeurs français misent sur la nostalgie ambiante. Et ce n'est pas de ce côté de web que l'on fera la moue. Au cœur de l'été, Elephant films a fait fort. Trois coffrets séries que les vidéovores mélancoliques n'osaient même plus attendre, ont atterri sur les linéaires de nos vidéostores. Punky Brewster, Sauvé par le gong et Code Lisa. De quoi s'enfermer plusieurs semaines de suite dans nos appartements, téléphones portables déconnectés et un pot de Nutella à la main, voire de re emménager chez ses parents . Ecranbis.com s'est bien sûr payé ce triple voyage dans le temps et revient avec un premier papier sur l'une des plus savoureuses séries fantastiques des 90's … My creation.... Is it Real ?
"....Cette créature ....n' as rien d'un défi au divin, d'une folie toute scientifique. Lisa, être dont la beauté et le brushing parfait embrassent les canons de l'époque est le fruit d'un délire adolescent, d'une déchainement hormonal et d'une sexualité aussi tâtonnante que frustrée."
Planté au
beau milieu d'une décennie folle, Weird Science (devenu on ne sait
pas trop comment «Une créature de rêve» en traversant
l'atlantique) fut le carrefour culturel et cinématographique d'une
époque. Il y a d'abord le cinéma de Hugues, relégué au peu enviable statut
d'épiphénomène, voire de mode par une critique française
traditionnellement peu encline à goûter au teen movie. Le regard
alors défrisant que le cinéaste porte sur l'adolescence, un ton qui
trouvera écho et descendance sur plusieurs décades, dans l'ensemble
de la production cinématographique et télévisuelle américaine ...
Coincé entre «The Breakfast Club» (1984) et «Ferris
Bueller's Day Off » (1986), « Weird Science» se
veut autant l'adaptation tardive d'un comics éponyme, qu'une œuvre
de synthèse tentant d'observer la société à travers le regard
d'une jeunesse dorée., (la notre), l'appétit d'Hollywood pour
l'imaginaire et le fantastique en pleine ère Spielbergienne, une
vision hallucinée de la science et plus spécifiquement de
l'informatique passant d'élément de fascination à produit de
consommation.
Le propos s'apparente à la re modernisation forcée du Prométhée déjà moderne de Shelley, la référence à «La fiancée de Frankensetein» est martelé (She's alive, alive) jusque dans un générique entonnant le hit planétaire d'un groupe au nom imprononçable «Oingo Boingo». Mais la créature en question, n' as plus rien d'un défi au divin, d'une folie toute scientifique. Lisa, être dont la beauté et le brushing parfait embrassent les canons de l'époque est le fruit d'un délire adolescent, d'une déchainement hormonal et d'une sexualité aussi tâtonnante que frustrée. Elle est à la fois un sex toy de chair, un être à consommer, mais aussi le génie de la lampe, la femme mure initiatrice et un dieu que l'on peut étreindre. Pas dis que St. Clare Entertainment et Universal Télévision , commanditaires de la série Tv dont nous parlons aujourd'hui saisirent à l'époque, la nature choquante du discours et du message délivré à la jeunesse. Ou supputons qu'ils considérèrent, à raison, le propos suffisamment sous terrain pour ne pas éveiller de soupçons.
Si “Weird Science” le film entraine dans son sillage quelques efforts du cinéma mainstream dont nous pourrions citer “My Science Projet” produit simultanément par Touchstone et sorti sur les écrans US à quelques jours d’intervalle , mais aussi quelques joyeuses séries B (Le Dr Alien que Decoteau livre à Charles Band alors que son “Empire” s'écroule), le projet d'une série dérivée ne verra la jour que neuf ans plus tard. Diffusée dès la fin du premier trimestre 1994 sur USA Network, “Weird Science, la série” franchira la barre des 88 épisodes... cinq saisons jusqu'à une déprogrammation brutale en 1997 et la diffusion de quelques segments inédits sur Scif Fi l'année suivante. Loi des séries oblige, ou certainement parce que le film de Hugues n'embrassa pas le même succès en France qu'aux Etats unis, la série débarque en 1995 sur France 2 avec un retitrage gommant tout filiation avec “Une créature de rêve”. Ce sera “Code Lisa”.
"A travers les personnages de Wyatt et Gary, "Code Lisa" rejoint sur le tard l’avènement de la culture nerd. Une réhabilitation débutée une décade auparavant avec le cultissime et gentiment prophétique Revenge of the nerds"
Lors de son tardif passage du grand au petit écran, “Weird science”déménage son action de l'Illinois à la Californie et perd son cast original au passage. Vanessa Angel détrône Kelly LeBrock dans les rêves de millions d’adolescent Ilan Mitchell-Smith (Wyatt ) et Anthony Michael Hall (Gary) se voient remplacés par Michael Manasseri et John Asher , tandis que Bill Patxon cède la place à Lee Tergesen . La série pour quiconque s'est épris du film original, apparait comme édulcorée ou du moins plus mainstream. De fait, elle s'adresse pratiquement à la génération suivante, aux adolescents de l'instant et non à ceux des années 80... tout en respectant les codes et le format de la production télévisuelle américaine. Désormais, Lisa, sera plus volontiers un bon génie qu'un objet de sexualité ou un Milf avec laquelle on effectue ses premières galipettes. (Même si la thématique est abordée par la bande et dans un 11e épisode significatif de l’encanaillement de la série sur le tard de la saison) . Mais Lisa restera inflexible. Pour le détournement de mineurs à heure de grande écoute, il ne faudra pas compter sur elle. Reste que le ton particulièrement reconnaissable de l'original , y reste bel et bien intact, et surtout pas démodé pour un poil . On pourrait pratiquement dire que la série “Parker Lewis Can't loose” (1990- 1993), elle même fortement influencée par le cinéma de Hugues, a préparé le terrain.
"L'autre versant de l'édifice, c'est bien entendu cet American Way of Study que la production cinématographique et télévisuelle américaine tentera de vendre au reste du monde. Un univers fait de couloirs, de casiers. Une scolarité faite d'intercours, de flirts contrariés et de pauses déjeuner."
A travers les personnages de Wyatt et Gary, "Code Lisa" rejoint sur le tard l’avènement de la culture nerd. Une réhabilitation débutée une décade auparavant avec le cultissime et gentiment prophétique "Revenge of the nerds" (1984). La série se permet même un clin d’œil à une des scènes les plus connues du mini chef d’œuvre de Jeff Kanew, donnant à Gary la possibilité de vanter les performances sexuelle des jeunes intellos esseulés à une paire de sportifs semblant tout droit sortis de la confrérie Alpha Beta. Mais ici, pour cause de série bouclée, la qualité initiatique du propos , inhérente au genre "Teen" se trouve réduite à son strict minimum. Chaque nouvel épisode semble ramener les deux zigotos à leur point de départ, leur refusant toute évolution sociale ou affective. Exception faite d' un épisode pilote à voir évidement en premier lieu, "Code Lisa" se soustrait à toute question de continuité, permettant ainsi de visionner ces historiettes dans le désordre.
L'autre versant de l'édifice, c'est bien entendu cet "American Way of Study" que la production cinématographique et télévisuelle américaine tentera de vendre au reste du monde. Un univers fait de couloirs, de casiers. Une scolarité faite d'intercours, de flirts contrariés et de pauses déjeuner. Non, on ne semble pas en baver des ronds de chapeau dans les salles de classe de l'Oncle Sam. Cette séduisante exposition du système scolaire yankee, contredite en son sein par l’extrême rudesse des rapports sociaux s'y développant, se diffusera bien au delà de la comédie, jusqu'aux séries ados dite réalistes (dont "My So Called Life" est un spécimen frappant). L'expression du double regard que porte l’Amérique sur sa jeunesse et sur elle même ?
Alors évidemment, je ne pourrais cacher que le revisionnage de “Code Lisa” en plein automne 2015 tient du trip nostalgique voire un tantinet régressif. Mais considérant la façon dont certains nous bassinent avec leurs souvenirs du Brady, les bisseux next gen devraient pouvoir s'autoriser un peu de culpabilité ordinaire.
Un œil sur le disque :
Ces 13 premiers épisodes nous parviennent dans un beau coffret quadruple DVD, coiffé d'un sur étuis. Pas de grosses surprises techniques à l'insertion des disques. La série est proposée dans son format d'origine 4/3 avec une qualité de master très honorable en VOST et VF. Notons également la présence d'un livret signé Maroussia Dubreuil, pas forcement très informatif mais au style indiscutablement rafraichissant.