Caligula, la véritable histoire : Critique et test DVD



Suivant de près l'une des plus sulfureuses bobines de l'histoire du cinéma, Joe d'Amato livre dans les premiers tours de pistes d'une décennie magnétique, une vision (très en toc) de la Rome antique. Caligula, la véritable histoire (étions-nous même au courant qu'il en existait un fausse ?), un métrage orgiaque à l'affiche française rouge sang: le regarde fou furieux d'un David Brandon possédé, dans l'arrière plan un autocar complet de myopes à quatre pattes mimant les aventuriers de la lentille perdue. Avouez que ça a de la gueule et de mémoire de jeune loup, il y avait là de quoi se réconcilier avec les cours d'histoire. Car oui, mes chers amis, je n'avais que 8 ans lorsque mon regard croisa pour la première fois ce visuel pousse au crime ...Au dos du numéro d'octobre 1983 de l'Ecran Fantastique. Ah bravo Monsieur Schlokoff, c'est du propre ! Des décades durant, les bissophiles durent se contenter d'une VHS honteusement castrée (On nous cache tout on nous dit rien chantait Dutronc) mais en ce printemps 2016, Bach Films entend mettre fin à une attente insoutenable. Le Caligula aura droit à son édition française, double disque s'il vous plaît mais surtout apte à satisfaire la plèbe, de l'amateur de sandales au cinéphile très à cheval sur les montages …

Profitez de la sobriété du titrage car cela ne va pas durer...

"Dans le Caligula de D'Amato, on finirait presque par l'oublier mais il y a d'abord l'empereur. Figure historique, figure fantasmatique. Caligula... le mot parle presque malgré lui... de folie des grandeurs, d'ivresse du pouvoir..."


Dans le Caligula de D'Amato, on finirait presque par l'oublier mais il y a d'abord l'empereur. Figure historique, figure fantasmatique. Caligula... le mot parle presque malgré lui... de folie des grandeurs, d'ivresse du pouvoir...De la lente et peut être inexorable métamorphose du puissant en créature...Donnez un peu d'autorité à l'homme, il deviendra monstre. Une mécanique obscène de domination trouvant dans le mot « hiérarchie» une justification fonctionnelle. Un peu comme la tyrannie se cache derrière le petit doigt de l'autorité, sans doute pour la rendre plus supportable à celui et celle qui l'exercent. Pensez-y en croisant votre chefaillon de merde, demain au boulot et saluez-le ou la de ma part... (Un doigt d'honneur fera l'affaire) Lorsque tout ou presque traverse les champs du possible, lorsque l'ennui s'en mêle, l’oisiveté pousse sur la pente de la déviance. Les plus beaux fruits étant à portée de main le cueilleur finit par désirer les autres, ceux de l'arbre du voisin pour commencer...ceux que l'on arrache de force... Caligula fascine et écœure, tout comme ses descendants lointains, présidents normaux, trousseurs de servantes et masseurs de petits petons...

David Didelot...Ah non David  Brandon !
"...deux colonnes se battent en duel, un drap de lit s'expose...Quelques pauvres coussins sont priés de faire illusion, nous raconter le faste et le confort de la vie de trône. Mais cet extrême dépouillement nous renvoi surtout au premier plan, à ce que Caligula, La véritable histoire donne à voir de la plus frontale, brutale et dépouillée des manières, à commencer par les corps."

 Caligula, le nom nous promet du grandiose mais D'Amato n'a que la toge et le couteau. En fond de cadre, deux colonnes se battent en duel, un drap de lit s'expose...Quelques pauvres coussins sont priés de faire illusion, nous raconter le faste et le confort de la vie de trône. Mais cet extrême dépouillement nous renvoie surtout aux premiers plans, à ce que « Caligula, La véritable histoire » donne à voir de la plus frontale, brutale et dépouillée des manières, à commencer par les corps. Celui des femmes, celui des hommes... livrés aux spectateurs nues, emmêlés, torturés, maltraités, souillés. Et si, issu d'une génération de faiseurs prodiges, D'Amato, par la force des choses et l'indigence des moyens investis, était un montreur. Une paire de fesses bien cadrée vaut tous les tours de passe passe de la déesse pellicule. La Longue scène d'orgie  véritable point culminant et central du film, résume pratiquement à elle seule le procédé pour ne pas écrire la philosophie, la chair y est à la fois propos, acteur, mise en scène et décors. 

"Cette pièce de théâtre filmée, aux égarements pornographiques et à folie criante restera donc pour ses multiples séquences chocs , dans l'histoire." 

Ah bas dis donc, tu pointes...Mon salaud !
Oui dans Caligula, la véritable histoire, D'Amato donne beaucoup à voir... l'impensable pour commencer. La scène incroyable de la vidange d'Incitatus, cheval et consul, restera sans doute l'une des plus incroyables scènes du cinéma d'exploitation européen et ce même si ce même cinéma ira un peu plus tard... un peu plus loin... par le biais de sa branche coquine et d'un Pierre B. Reinhard (La revanche des mortes vivantes) en grande forme. Cette pièce théâtre filmée, aux égarements pornographiques et à folie criante restera donc pour ses multiples séquences chocs , dans l'histoire. On en oublierait presque son casting incroyable, l'énauuuuuurme (écrirait monsieur Lemaire) David Brandon, Laura Gemser, Gabriele Tinti , Michele Soavi , la moustache de Mark Shannon et une poignée de hardeuses en vacances... 


"Il y a deux décadences distinctes dans Caligula, la véritable histoire , celle qui imprime l'écran, et celle d'un cinéma italien populaire...? "

Dans le remake "Hollande la véritable histoire", ce sera la scène du Scooter
Alors bien sûr, on pourra se pincer le nez, crier au «Z» , à l'exploitation nauséabonde, à l'opération mercantile (qui poussa d'ailleurs, le cinéaste à tourner deux autres métrages dans la même absence de décors). On écrit parfois qu' il y a deux décadences distinctes dans « Caligula, la véritable histoire » , celle qui imprime l'écran, et celle d'un cinéma italien populaire...Je préfère y voir, en lieu et place de dégénérescence, un retour aux fondamentaux, à un art de la copie à l’exagération très latine, à la disproportion assumée, à ce cinéma de la répétition (Bis... repetita...) qui en ces temps de reculade sociétale, fascine par sa liberté, sa folie et son insolence. 

Laura fait bien la moue


 Un oeil sur le disque :  

Bach Film habille son édition d'un beau digipack.A l'intérieur deux disques, une foule de bonus dont un entretien avec Sebastien Gayraud, auteur de l'ouvrage "Joe D'Amato, le réalisateur fantôme", des bandes annonces, un coup d'oeil sur le script original et sur les planche d'une version comics.  Le film se retrouve sur deux disques dans un version uncut en VF (110 minutes) mais également dans une version uncut intégrale de 125 minutes en anglais sous titré, ainsi qu'en allemand et italien non sous titré.

-"Tu crois vraiment qu'il y aura la version Uncut dans le DVD de Bach Film ?"
-"Mhhhhhhhmmmm"