Explosion du "Home Entertainment" et de la vidéo pour les uns, fermeture des salles de quartier pour les autres... Les années 80 cristallisent pratiquement une fracture générationnelle et cinéphilique. Pour certains, elles racontent l'inexorable déclin du cinéma d'exploitation populaire européen et plus précisément italien qui a bercé leur jeunesse...Ce au point d'oublier que pendant quelques années encore, le cinéma transalpin trouverait moyen de coexister avec une productions hollywoodienne et blockbusterisante, voire même de décrocher quelques succès commerciaux. A cette époque, plus que jamais, les artisans de la grande botte s’essayèrent à la copie instantanée...Développant une forme de repartie artistique, un art du dernier mot.
Anticipation urbaine, post apocalyptique, heroic Fantasy, cinéma Vietnam ou guerrier, films d'aventure à la Indiana Jones, sous Jaws, sous Terminator, faux Alien ... Le moindre courant sera exploré, à la lampe de budgets évidemment rachitiques. Dans aucun de ces genres et sous genres, le cinéma populaire italien ne sera en mesure de livrer une œuvre majeure. Mais il faut concéder à ces œuvrettes souvent purement commerciales et raillées par la presse d'alors , un charme tout à fait particulier.
"Le style et l'esprit de Antonio Margheriti imprime littéralement le film, lui donnant des airs de comic book pelliculaire."
Nom de code : Oies Sauvages qui sort ce mois ci en DVD dans le catalogue d'Artus films est à classer parmi les plus beaux fruits de l'époque. Dans la première moitié des années 80, Antonio Margheriti , hésitant à surfer la vague des "Aventuriers de l'arche perdu" ( Les aventuriers du cobra d'or, Le temple du dieu soleil) et celle de Conan, le barbare (Il mundo di Yor) , se frotte également au film de guerre. On retiendra le fameux «Héros de l'apocalypse», «Ultime combat » puis viendra en 1984 une coproduction italo allemande «Code Name: Wild Geese» sur laquelle plane l'ombre d'un certain Erwin C. Dietrich, producteur connu pour ses multiple collaborations avec le réalisateur hispanique Jess Franco. Le scénario très vague et franchement inepte peine un peu à justifier le tape à l’œil d'un casting international : Lee Van Cleef , Ernest Borgnine , Klaus Kinski ou encore Mimsy Farmer .
"Le scénario très vague ... peine un peu à justifier le tape à l’œil d'un casting international : Lee Van Cleef , Ernest Borgnine , Klaus Kinski ou encore Mimsy Farmer ."
Regardons les choses en face, Nom de code : Oies sauvages ne raconte pas grand chose mais a le mérite de donner beaucoup à voir... Rafales de mitrailleuses, cartouches à volonté, explosions diverses et variées, hélicoptère lance flamme, sans oublier une scène de course poursuite automobile pratiquement digne d'un «Mad Mission» et qui présent la particularité d'avoir été tourné avec des modèles réduits. Maquettes, pétards et effets spéciaux bricolés dans la cave (ou presque). Le style et l'esprit de Antonio Margheriti imprime littéralement le film, lui donnant des airs de comic book pelliculaire. Nom de code Oie sauvage a beau se vautrer dans la plus gratuite des violences, le jet de Margheriti ne parvient jamais à s'afficher comme un œuvre âpre ou dérangeante mais au contraire se révèle un fourre tout d'une candeur quasi sublime...
"... une coproduction italo allemande...sur laquelle plane l'ombre d'un certains Erwin C. Dietrich"
Lacéré d'un cadrage scope impeccable , fort de sa générosité et de ses gueules fameuses, «Nom de code : Oies sauvages » semble parfois même péter plus haut que son arrière train, rouler des mécaniques et de ses effets pyrotechniques... mais se trouve sans cesse rattrapé par le caricatural de ses personnages et de ses situations. Bizarrement c'est peut être ce qui rend ces 97 minutes attachantes et par instant délicieuses. Loin, très loin de valoir les incursions du cinéma américain dans les enfers verts et asiatiques, ce Margheriti se visionne comme on déguste une glace à l'eau en regardant les nymphes de 20 ans tortiller du fion sur la plage... Avec amusement, cynisme mais non sans un pincement au cœur. A qu'il est loin le bon temps.
Un œil sur le disque :
Pas d'embrouilles chez Artus qui offre « Nom de code Oies sauvages » dans son scope d'origine avec des pistes françaises et allemandes et des sous titres français. Le master est impeccable et le père Ridel est en pleine forme dans les bonus . Allez on achète !