Après avoir magistralement ramené le
cinéma russe dans le cœur des fantasticophiles et dans les
standards internationaux du divertissement pour salles obscures (Nightwatch), Timur Bekmambetov aurait pu se satisfaire d'une villa
cossue sur les collines hollywoodiennes et d'une carrière de faiseur
prodige. Mais le réalisateur russe qui a crée sa propre société
de production (Bazelevs Production) au milieu des
années 90, entendait certainement embrasser un tout autre destin. Spécialiste
des coups fumants , Bekmambetov a ainsi misé quelques billes sur
l'Appolo 18 de Gonzalo
López-Gallego, l'« Unfriended» de Levan Gabriadze et plus
récemment encor esur «Hardcore Henry», concept movie par
excellence, en entièrement tourné en vue subjective... ça sort ce mois ci en
Bluray et DVD chez Metropolitan (Distribution Seven 7), Ecranbis a
tenté l'aventure...
"Au départ était un vidéoclip
devant autant à l’esthétique du First person Shooter qu'aux
souvenirs émus de vacances sportives tournés à la caméra
sportive. "
Au départ était un vidéoclip devant autant à l’esthétique du First person Shooter qu'aux souvenirs émus de vacances sportives tournés à la caméra sportive. 40 millions de vue sur Youtube, l’emballement médiatique en prime, le carton plein se transforme en compte de fée lorsque Timur Bekmambetov, flairant le bon coup, décide de transformer l'essai en long métrage. Les internautes sont mis à contribution et raclent les fonds de poches pour permettre la production de ce qui restera le premier (et peut être le dernier) long métrage entièrement tourné à la Gopro. De part cette spécificité unique, par sa seule et unique facture, Hardcore Henry a toute les qualités du «film à buzz», auto qualifié pour l'export et les bavardages de salons désormais numériques. Restait-il à savoir comment ce qui occupait 5 minutes de cerveau disponible pour l'internaute de moins de 20 ans pouvait remplir le grand écran durant une heure et demi.
"le jet explosif de Ilya Naishuller donne à voir à la
chaîne, de façon orgiaque mais ne raconte rien ou si peu que la
gratuité de la violence qu'il expose vire au trop plein et à
l'écœurement."
Arche-bouté sur l'action, étalant sa
spectacularité avec rage certes mais aussi un goût certain pour la
répétition, Hardcore Henry échoue et termine sa course folle loin
du podium. Trop épileptique, saccadé et sans cesse parasité par sa
propre forme, le jet explosif de Ilya Naishuller donne à voir à la
chaîne, de façon orgiaque mais ne raconte rien ou si peu que la
gratuité de la violence qu'il expose vire au trop plein et à
l'écœurement.
Il cache également dans son arrière boutique le fantasme d'une
immersion intégrale, de la substitution du héros par le spectateur
qui redéfinirait le rapport au 7e art en qualité d’expérience
strictement sensorielle, débarrassé d'intellect. Hardcore
Henry est au cinéma d'action, ce que les vidéo POV sont à
l'industrie pornographique. Un gonzo dont vous êtes le héros.
"Il cache également dans son arrière boutique le fantasme d'une
immersion intégrale, de la substitution du héros par le spectateur
qui redéfinirait le rapport au 7e art en qualité d’expérience
strictement sensorielle"
Plus fatiguante que novatrice, la proposition de Naishuller interroge aussi sur sa nature d'opéra barbare, sur cette fascination pour le réel qui pousse les jeunes gens à déserter les salles de cinéma et faiseurs de rêves, au profit de vidéos en ligne et de promoteurs de cauchemars. Ce qu'on ne pourra pas enlever à Hardcore Henry, c'est bien d'être le fruit d'une époque et d'offrir une vision du 7e art aussi déformante que le «Fish eye» qui fausse durant 90 minutes sa perspective.
Un œil sur le disque :
Comme à son habitude, Metropolitan livre un disque techniquement parfait. Un master Haute définition irréprochable en flat 1.85 doublé de piste audio anglaise (sous titres français disponibles) et française. On notera la présence d'une section bonus consistante avec des scènes coupées, des interviews et deux commentaires audio.