Frightmare: Critique et test DVD Collector




Loi du hasard ou éditeurs s'étant donné le mot, le cinéma de Pete Walker est semble-t-il à l'honneur en ce premier trimestre 2018. Alors que les Bluray flambant neufs de «Flagellations» et «Mortelles confessions» (Artus Films) occupent nos platines et les colonnes numériques de l'Ecranbis.com, voici qu'un autre acteur fameux de l'édition indépendante en France, Uncut Movies, couche «Frightmare» sur une galette argentée, et qui plus est collector. Voilà qui valait bien une chronique saignante... et le plus effrayant des «Bon appétit baby !»

"...un goût certain pour l'outillage et une peinture pour le moins radicale de l'institution familiale"

Longtemps observé avec une condescendance relative et  parfois plus simplement ignoré, le cinéma horrifique anglais des extravagantes seventies semble à première vue, peiner à sortir des cauchemars gothiques de la prestigieuse Hammer. Durant 15 années flamboyantes, les yeux des amateurs de sensations fortes se sont tourné vers la Grande Bretagne. L'apparition d'une forme d'horreur renouvelée, plus contemporaine, plus ancrée dans le réel et dont la Nuit des morts vivants (1968) de Romero est unanimement considéré comme le porte drapeau, aura profondément changé la donne. Et si la fabrique à mauvais rêves connaîtra une crise menant à son inéluctable disparition, la terreur made in England, trouvera, elle,  refuge auprès de quelques artisans plus indépendants. Nous pourrions bien sûr évoquer Norman J. Warren (Inseminoid, Le zombie venu d'ailleurs, Réveillons sanglants) mais également Pete Walker. 

"Si le cinéma de Walker est souvent épinglé pour l'ambivalence de son propos, dans Frightmare, il prend surtout le parti de la masse laborieuse et muette. Du vrai cinéma populaire crieront certains, du vrai cinéma populiste chanteront les autres."
 


Un cinéaste complexe, envolé de la branche du cinéma coquin pour atterrir sur celle du Shocker, certainement poussé par les vents de l'opportunisme et du réalisme commercial. Un cinéaste dont la collaboration avec le scénariste-critique
David McGillivray constitue une sorte de sommet qualitatif et terrifiant. Sommet matérialisé par quatre collaborations remarquables étalées sur deux ans. Sortie en 1974, dans la foulée de House of Whipcord (Flagellations), le «Frightmare» qui nous tourmente ce jour est parfois décrit comme une réponse toute britannique à «Massacre à la tronçonneuse ». Les deux métrages partagent de fait une portion de discours. L'expression d'un goût certain pour l'outillage et une peinture pour le moins radicale de l'institution familiale. Ces similitudes ne sont évidemment pas négligeables mais se révèlent finalement assez anecdotiques à la vision des deux films.

"Frightmare c'est aussi un film d'horreur, un vrai, ponctué de quelques plans peu ragoutant. C'est aussi une Sheila Kate au somment de son art"

A nous les p'tites (mamies) anglaises !


Fidèle à leurs maladives habitudes, le couple Walker/ McGillivray s'amusent dans «Frightmare», des noirceurs de l'âme humaine et de faillites institutionnelles diverses: Dame justice en tête suivie de très près par la psychiatrie moderne. A la croisée de leur discours, la libération d'un couple de bombes humaines. Tueurs en séries et cannibales relâchés dans la nature, dans l'anonymat des banlieues britanniques. L'addition toujours tendue aux innocents de passage, les responsables systématiquement épargnés par les vagues. Si le cinéma de Walker est souvent épinglé pour l'ambivalence de son propos, dans Frightmare, il prend surtout le parti de la masse laborieuse et muette. Du vrai cinéma populaire crieront certains, du vrai cinéma populiste chanteront les autres. Choisissez votre camp !
(Mais gardez le pour vous ...Car en ces temps de lynchages numériques...Le silence est un ami qui vous veut du bien)
Oui le rédacteur en chef d'Ecranbis.com est de retour en ville !


"la libération d'un couple de bombes humaines. Tueurs en séries et cannibales relâchés dans la nature, dans l'anonymat des banlieues britanniques. "

L'autre dimension de ce conte horrifique, c'est bien entendu la cellule familiale...enfermant maris et femmes, parents et enfants dans une solidarité inconditionnelle et par conséquent inquiétante. Qu'il s'agisse des liens sacrés du mariage , des chaînes de son pendant civil ou une simple question de lignée génético sanguine...Dans Frightmare, la famille est une institution qui surplombe les autres et peut contredire, quand l'occasion s'en présente,  la morale. Dans l'élaboration d'une défense commune, quasi tribale, elle justifie tout, même la traque des ennemis de l’intérieur. Toute ressemblance avec quelques régimes totalitaires issus d'idéologies trop à gauche et d'une foie aveugle en cette salope d'humanité n'est malheureusement pas fortuite. ( Si vous pensez comme nous, n'en faites pas la publicité, on ne voudrait qu'il vous arrive malheur !)

Un diner presque parfait !


Mais chut ! On ne veut évidemment pas vous en dire trop... Ni décourager les spectateurs plus terre à terre. Car oui Frightmare c'est aussi un film d'horreur, un vrai, ponctué de quelques plans peu ragoutant. C'est aussi une Sheila Kate au somment de son art, aussi habile en foldingue dévoreuse de cervelles, qu'en tortionnaire pas sexy ou (pas) bonne du curée. C'est dire si tout ceci est recommandable ! 




Un œil sur le disque :

Connu pour ne pas se foutre de la gueule du monde, Uncut Movies s’essaye avec Frightmare à un nouveau format digipack au livret attaché façon livre avec en prime une affichette. Le film est proposé au format dans un master à l'encodage réussi, accompagné d'une piste audio anglaise et des sous titres français. Dans les bonus, Mr David Didelot, créateur du vénérable fanzine Videotopsie, est de retour pour un décorticage en règle de l’œuvre de Walker. Miam !