Des quatre Franco livrés ce mois-ci
par Artus films, «Célestine, bonne à tout faire» (Quel titre !) est le seul
à tourner complètement le dos au fantastique. Il en faudra
cependant plus pour décourager le bisseux, tout heureux d'offrir à
sa cinéphilie une nourriture déviante riche et variée...
Célestine (Lina Romay) est du genre à
compter les garçons pour s'endormir. Elle vend ses charmes à prix
défiant toute concurrence (2 francs 50) chez Madame Loulou. Une
descente surprise de la police dans l’établissement va toutefois
bouleverser son destin. La jeune femme mise en fuite par les forces
de l'ordre, court à travers champs jusqu'au portail d'une somptueuse
demeure. Celle du comte et de la comtesse Bringuette. Elle y est
aussitôt cueillie par Sébastien le jardinier et entreprise par Malou le valet. Sous le charme de Célestine, les deux hommes parviennent à
convaincre la comtesse de la prendre à son service. Elle
découvre avec stupeur que son mari, le comte Bringuette ne lui est
pas totalement inconnu, ce dernier fréquentant avec assiduité les
locaux de son ancien employeur (au point d'y être surnommé langue
d'or). Mais pour la jeune employée, les journées sont longues... En plus des taches ménagères, elle doit faire la lecture au grand
père Bringuette (Howard Vernon), vieillard souffrant, un tantinet obsédé, assurer l'éducation sensuelle de Martine (Pamela
Stanford) et de son cousin Marc. Très vite la situation devient
ingérable et la nuit venue, toute la maison vient tambouriner à la
porte de la bonne... à tout faire. N'y tenant plus, Célestine
convoque une ancienne collègue: Jeanine... Mais la comtesse commence
à se douter que les deux servantes ne manient pas que le plumeau...
Et le spectre de Mathias, leur perfide souteneur rode autour de la
maison...
«Célestine, bonne à tout faire» également connu sous le titre The Sexcapades of Célestine ou encore Célestine, Maid at Your Service est un Franco plutôt curieux puisque que le cinéaste trempe ici sa caméra dans le vaudeville paillard ou la comédie grivoise (On vous laisse choisir votre camp). Registre dans lequel on attend pas forcement le réalisateur de l'horrible Docteur Orloff ou La comtesse noire. On comprendra assez vite qu'il s'agit d'une œuvre de commande et que le brave Jesus se livre à un exercice ou plutôt une figure imposée loin des programmes libres qu'il affectionne. Même si le style du cinéaste espagnol est bien là, si le cast offre un belle brochette de réguliers de l'univers Franco, «Célestine » reste un film qui dévie de la trajectoire tracée par ses précédentes œuvres (comme de celles qui suivront). C'est d'ailleurs en partie ce qui fait son intérêt.
Premièrement, «Célestine» est, en dépit de son extrême légèreté, plutôt réussi, criblé de dialogues savoureux et de situations joyeusement rocambolesques. Seul un petit excès de coquinerie l'écarte finalement de la comédie classique et si une chose y saute yeux (En dehors de l'arrière train de Lina Romay) c'est bien sa dimension théâtrale. Franco force le trait, poussant ses acteurs jusqu'au sur-jeu, aux frontières de la prestation scénique (Comme si il fallait convaincre jusqu'au dernier rang de la salle) La séquence de la messe est à cet égard assez intéressante puisqu'on sent les comédiens à la limite du fou rire et Franco conserve la prise (l'idée de la captation live n'est plus très loin). Howard Vernon est absolument incroyable, quasi «Defunesque», Lina Romay double les doses... Et paradoxalement le récit prend fin par un close up sur son visage, transpirant d'émotion, totalement cinématographique. Un retournement stylistique troublant...
Ne le cachons pas pour autant, "Célestine, bonne à tout faire" au delà de sa réussite formelle et du bonheur qui accompagne son visionnage reste un film qui tire à blanc. Franco n'y nourrit pratiquement aucune de ses obsessions (si l'on excepte son goût pour la plastique de Romay), n'y malaxe pas ses thématiques de prédilection. Au fond ce récit, inspiré du journal d'une femme de chambre d'Octave Mirbeau, est surtout un hymne libertin drolatique, une célébration charnelle et théâtrale du plaisir. Cette joyeuse et pétillante réunion de la famille Franco n'en mérite pas moins une place sur les étagères déjà garnies du collectionneur déviant. 6/10
Test technique:
Artus dépoussière «Célestine» en nous offrant une jolie copie souffrant de quelques petites imperfections passagères (Rien de rédhibitoire cependant). Le tout accompagné d'une simple VF, des bandes annonce de la collection, d'un diaporama et d'une présentation du film par Jean-Pierre Bouyxou qui apparaît brièvement dans le film dans le rôle d'un policier.