Qu'on se le
dise, pas la moindre trace ni morsure du célèbre comte aux dents longues dans
«Les sévices de Dracula», retitrage français aussi opportuniste
qu'inexplicable de «Twins of evil». Au menu, une production Hammer
films signée de la main de John Hough, l'immense Peter Cushing, le
sympathique David Warbec et deux playmates d'exception... Ce festival
de dentiers datant du début des seventies nous revient tel un
boomerang le 6 mai prochain dans des éditions combo Bluray+DVD et
DVD simple chez Elephant films. Un raison de plus en cette période
propice aux tourbillons de pollens et autres allergènes, pour ne pas
mettre un pied dehors... et Ecranbis.com a mordu dedans ! (Dans le disque, pas dans le pied... Vous pourriez au moins faire semblant de suivre...).
Peter Cushing en Haute définition ! |
«Les
sévices de Dracula» est en fait le troisième et ultime volet d'un
triptyque cinématographique consacré à la famille Karnstein et à l’œuvre sulfureuse de Sheridan Le Fanu : Carmilla, saignante nouvelle
gothique du 19e ayant la qualité d'avoir précédé le «Dracula»
de Bram Stocker d'un quart de siècle. Trois plongées pelliculaires au
cœur de l'Autriche (Ahrrr Ja !), au pied du château de Karnstein et trois
scripts paraphés par Tudor Gates (Barbarella, Danger Diabolik...). Cette série rouge sang débute en tout début de décennie (1970) avec «The
Vampire Lovers» de Roy Ward Baker (avec au passage la sublimissime Ingrid Pitt) et se
poursuit l'année suivante avec «Lust for a Vampire» de Jimmy
Sangster. Ces deux premières œuvres à l'opposé de notre objet
d'étude du jour, resteront inédites en France. Précisons sans plus
tarder, que les films de Ward Baker, Sangster et Hough
n'entretiennent pas de rapport véritablement chronologique et mais partage une
thématique commune (comme précisé plus haut: la famille
Karnstein). Le visionnage des «Sévices de Dracula» peut donc se
faire indépendamment et ne posera aucun problème particulier de
compréhension.
Une croix, ça fait toujours plaisir ! |
Allons même un peu plus loin, puisque «Twin
of evil» est souvent présenté comme un potentiel prequel aux deux
autres volets. Notons enfin qu'un quatrième film fut un temps annoncé «Vampire virgins and vampire hunters» sans jamais avoir la chance d' imprimer la pellicule.
Revenons à nos moutons et à nos jumelles. Le film de Hough est à
situer, comme les autres titres Hammer édités ce mois ci par Elephant,
dans le tout début des années 70. La période est le théâtre d'un
renouveau. Celui du cinéma d'horreur. Romero et Polanski, «La nuit
des morts vivants» et «Rosemary's Baby» marquent le début d'une
nouvelle ère et si le fantastico-gothique n'a pas encore un pied dans la tombe, il trouve indéniablement dans ces récentes effusions horrifiques une
forme de concurrence.
Le pouvoir de la symbolique... |
Les productions Hammer de l'époque
resteront cependant sur les rails qui les ont jusqu'ici conduites au succès
populaire, s’arc-bouteront sur leurs thématiques historiques tout en
glissant vers un érotisme providentiel. Un dévergondage certes
contenu, classieux, mais indiscutable. Le projet de «Twin of evil» va, lui, tomber dans les mains de John Hough (La maison des damnés, la
montagne ensorcelée, Les yeux de la foret, Incubus, American gothic,
Hurlements 4). Peter Cushing, l'une des deux stars de la firme avec
Christopher Lee, est convoqué. La Hammer met également la main sur
deux jumelles venant de poser pour Playboy, les sœurs Collinson.
David Warbec (L'au delà de Fulci) rejoint le casting. Ingrid Pitt,
pressentie pour le rôle de Mircalla décline.
Dans «Les sévices de Dracula»,
on suit les pérégrinations de deux sœurs, Maria et Frieda, qui, suite à
la mort soudaine de leurs géniteurs, n'ont d'autre choix que celui de
rejoindre un oncle lointain devenu leur tuteur. Après avoir quitté
les romantiques canaux de Venise et leur tiédeur suspecte (On ne vous le dira jamais assez, quand l'eau est bonne, elle ne peut être claire), les frangines débarquent au beau milieu de
l'Europe centrale, dans un décor champêtre où les attend le tout aussi champêtre Gustav Weil. L'homme est devenu en vieillissant plus puritain que Bush père et fils. Ainsi dès que
la nuit tombe, accompagné de quelques moralisateurs de compétition,
il sillonne chemins et bois pour faire la chasse à celles qui
auraient quitté par inadvertance le droit chemin de la chasteté.
Pour les amatrices de galipettes sans engagement, les indépendantes qui s'assument, les réticentes au mariage et à la ponte, le procès est
expédié et la sentence toujours identique. Celles qui ont le feu au
derche périront par là où elles ont pêché. (Par le feu quoi ! Vous avez vraiment l'esprit mal tordu !) Mais les barbecues
improvisés de l'oncle Gustav ont aussi le don d'agacer une noblesse
locale peu vertueuse.
Voila ce que j'appelle une capture fumante... |
Le Comte Karnstein, châtelain riche,
oisif et décadent mais sous la protection de l'empereur, s’ennuie
à mourir. Le Sofitel de New York étant hors de porté de cheval,
il culbute à domicile ou presque. Un coup pour papa, un coup pour
maman. Dans ses moments d’égarements mondains, il s'essaye à la
magie noire et au sacrifice de belles plantes. Durant ces parties de
couteau en l'air, le sang d'une jeune paysanne va réveiller une de
ses ancêtres: La comtesse Mircalla Karnstein. Pas gêné pour un sou, le
comte entreprend son arrière arrière grand mère. Pour le remercier
de cette étreinte contre nature mais toutefois familiale, celle-ci lui offre
l'immortalité et un sourire mordant. Au même moment, Maria et
Frieda partagent en nuisette des réflexions très existentielles. Si la
première joue les saintes nitouches avec conviction, la seconde évoque sans grande
retenue son envie de voir le loup... ou de se faire corriger par
tonton. Pour savoir si ces vœux (au) pieux seront exaucés, vous devrez
enfourner la galette des « Sévices de Dracula » dans
votre platine.
Avant de prendre la tête , coupez là ! |
Ne vous laissez pas abuser par ceux qui déclarent ci et là, que "Twins of evil" serait un Hammer mineur. Il me faut certes concéder que l'effort de John Hough s'habille d'un indiscutable classicisme dans son exécution et son exploration du fantastique. Comprenez par là que "le Vampirisme" en qualité de phénomène bourgeois, de fait aristocratique, la symbolique très "lutte des classes" qui en découle, n'ont rien de véritablement neuf. Au fond, morsure ou pas, les classes dominantes vampirisent le petit peuple jusqu'à la dernière goutte de sang ou de sueur. On s'amusera également de l'affrontement de Gustav Weil (Peter Cushing) , gardien auto proclamé de la volonté divine, des bonnes mœurs, inquisiteur, juge implacable et de celui de Anton Hoffer
(David Warbeck), laïque humaniste à tendance instituteur de campagne. Lumière ou obscurantisme, vous aurez donc le choix. A moins que l'un ne soit qu'un substitu de l'autre dans un jeu de chaises musicales.
La réalisation de Hough, nerveuse, soustrait le convenu du propos à toute forme de pesanteur. Photographie subtile, décors somptueux, mélopées flatteuses, l'amateur de saillie gothique boira du petit lait. D'autant plus que sous ses airs de remballe thématique, Twins of evil, finalement plus centré sur son double argument féminin que sur Peter Cushing et son simili Comte Dracula, s'autorise quelques inavouables dérapages. On est toujours à un poil de tout voir, pourrais-je dire avec humour. Le mouvement très libertaire (voir la scène du tatage de cierge par la comtesse Karnstein ) s'accompagne d'ailleurs d'une certaine tendance à l'effusion sanguine, décapitation et autre trépanation. Au final, seule l’interprétation légèrement outrancière de Damien Thomas pourrait venir ternir le tableau, et ce bien qu'elle participe à l'ambiance délicieusement "Vintage" qui traverse le métrage. Bref si vos finances ne vous permettent pas de faire des miracles, et si vous ne deviez craquer que pour un seul des titres Hammer proposés par Elephant Films ce mois, c'est celui-ci qu'il vous faut !
Le menu |
Le disque :
Comme pour les autres titres de la collection, Elephant films nous permet de découvrir ou redécouvrir "Les sévices de Dracula" dans une édition combo Bluray+DVD coiffée d'un sur-étuis cartonné. Nous avons ici droit à un master haut définition superbe (en dépit de quelques attendus fourmillements sur certaines scènes sombres). Le tout au format 1.77. Pour le plaisir des tympans, les disques embarquent des mixages mono français et anglais, ainsi que des sous titres français. (DTS HD Dual Mono pour le Bluray, DD 1.0 pour le DVD). Dans la crypte aux bonus: une galerie d'images, des bandes annonces et une très sympathique présentation du film par Sir Alain Schlokoff (24 minutes). 19€99 dans vos boutiques préférées ou à commander en ligne.