Voilà un des événements vidéos de la rentrée. Cannibal Holocaust, le mètre étalon du film de cannibales va gouter aux joies de la HD. Outre Manche , Shameless Screen Entertainment avait annoncé un bluray pour la fin septembre, en France Opening qui s'était déjà fendu d'une édition simple DVD et d'un collector 2 disques il y a maintenant quelques années, proposera à partir du 18 octobre un bluray qualifié d'Edition Ultimate. Au programme, de la bidoche, des tripes et des sacrifices d'animaux sur l'autel du box office. Objet de culte ou film abjecte ? Pour le savoir, Ecranbis.com a envoyé son meilleur chroniqueur en pleine jungle cinématographique, nous sommes d'ailleurs depuis sans nouvelle de lui et n'avons retrouvé que le pauvre brouillon de critique, écrit au sang humain que nous nous empressons de publier ci dessous.
Synopsis :
Une bande de jeunes reporters à la recherche de cannibales disparaît dans la jungle sud-américaine. Une équipe est envoyé pour tenter de savoir ce qu’il s’est passé. Mais ces derniers ne récupèrent que des bobines de films. De retour aux Etats-Unis, le visionnage des bobines va leur apprendre l’effroyable vérité…
Critique :
Initié par Umberto Lenzi au début des années 70 avec Il paese del sesso selvaggio (Cannibalis, au pays de l'exorcisme en France), le « Cannibal film » va devenir un véritable sous genre du cinéma d'horreur avec l'Ultimo Mondo Cannibale de Ruggero Deodato (1977). L'année d'après ce coquin de Joe d'Amato s'empressera de surfer la vague en envoyant son Emanuelle (avec un seule M, histoire de ne pas avoir trop de problèmes juridiques) promener ses fesses dans la foret amazonienne pour « Viol sous les tropiques » (Emanuelle and the last cannibals). Les portes du genre sont désormais grandes ouvertes et les besogneux artisans de la face sombre du 7ème art répondent comme par hasard présent. Si le filon s'épuise rapidement, la "cannibal'sploitation" aura tout de même accouché de quelques péloches franchement agitées du bocal au dessus desquelles trône «Cannibal Holocaust ». Le film de Deodato aura donc marqué le genre a défaut de l'avoir lancé. Les années ont depuis coulé sous les petits et grands écrans, mais la réputation sulfureuse de ces 92 minutes est mystérieusement restée intacte.
Il faut dire que son statut de film « ultra censuré » a participé à la construction d'un mythe moderne. Exploité dans des copies charcutées (en France par exemple) ou tout simplement interdit, Cannibal Holocaust assume, 30 ans après sa sortie, son rang de film de choc et de petit frère du cinéma mondo. Simulacre de viol, de cannibalisme et mise à mort réelle d'animaux. Tout y passe et trépasse. L'idée saugrenue (ou coup de génie marketing, on vous laisse trancher) de cacher les acteurs avant la sortie du film afin de laisser planer le doute sur la dimension « Snuff » de la bobine finira même par se retourner contre Deodato. Il se verra ainsi contraint de prouver qu'il a utilisé des effets spéciaux et non envoyé son casting à la morgue, tandis que la justice italienne lui demande de rendre des comptes pour ses scènes animalières. Le réalisateur déclarera regretter amèrement le sacrifice d'animaux au nom du 7ème art. Son director cut (dispo sur le BR Anglais) n'inclura d'ailleurs pas ces scènes.
Écrire sur « Cannibal Holocaust » n'est pas chose aisée tant le film a été décortiqué et disséqué par les spécialistes du cinéma de genre. Et pour tout dire, la tentation est grande de classer ce monument dans la case exploitation pure tant le spectacle délivré est à première vue gratuitement dérangeant et violent. Pourtant réduire le film de Deodato à un spectacle de foire, gore et boueux, une exposition de barbaque et d'ignominies, serait sans doute une erreur. Certes, la volonté assumée de choquer et dégouter le spectateur est bien du voyage, mais derrière ce rideau ensanglanté, se cache bien d'autres choses.
Jouant de le funambule entre fiction et réalité, film et faux documentaire, notre brave Ruggero parvient à placer le spectateur dans la position de voyeur absolu . Là où le Cannibal Ferox de Lenzi et les quelques autres rejetons du sous genre plongent tête baissée dans l'aventurette trash et se bornent à provoquer le dégout, Cannibal Holocaust flirte lui avec l’expérience cinéphilique malsaine et déstabilisante. Une fois ces 92 minutes ingurgitées, impossible de dire si l'on a vu un bon film ou un mauvais. Une chose est sûre, ce voyage en territoire inconnu, à mille lieues du monde civilisé et de toute forme de morale, s'avère profondément et étonnamment fascinant. Le concept du faux documentaire inventé par Deodato a marqué les esprits de plusieurs génération d'insatiables cinévores et sera repris à la fin des années 80 avec « 84 Charlie Mopic », low budget obscur mais réussi avant de connaître une nouvelle heure de gloire avec « the Blair witch project » ou plus récemment « Paranomal Activity »
Non content d'avoir trouvé un des tours de passe passe les plus malins et tordus du cinéma moderne, Ruggero Deodato revendiquera un sous discours pointant du doigt les dérives d'un journalisme trash et sans limite. Loin de nous l'idée de mettre en doute la parole du réalisateur mais, à l'écran, le message est en partie brouillé par ses propres excès. Difficile de critiquer le culte du « choc des photos » en déversant sur ses propres spectateurs des torrents de scènes plus éprouvantes les unes que les autres. Après Cannibal Holocaust, son géniteur œuvrera une quinzaine d'années dans le cinéma de genre rital. De son inégale filmographie et de sa carrière en dents de scie, nous retiendrons « La maison du fond du parc », Amazonia, la jungle blanche, Les barbarians ( Un sous Conan le Barbare joyeusement bis) et un slasher sympathique mais oublié : Body Count. Cannibal Holocaust reste à ce jour son plus bel effort.
Dès le début des années 80, le genre "Cannibal" semble lui déjà tourner en rond et les sauvages mangeurs d'homme désertent les écrans. Ils réapparaitront cependant en 85 dans "Nudo e Selvaggio" ( Massacre dans la vallée des dinosaures), un petit film de jungle italien divertissant et couillon, puis contre toute attente dans les années 2000. Bruno Mattei se fendra des très vidéastiques "Land Of death" et "Cannibal World" (exploités en France sous les titres Horror Cannibal 1 & 2). Ce dernier sortira d'ailleurs ici et là sous le titre Cannibal Holocaust 2 ( Ben voyons !). En 2007, l'Amérique nous livrera "Welcome to The Jungle", réalisé en caméra subjective avec un sens certain de l'économie et de l'opportunisme. La jaquette de l'édition française n'hésite pas à taxer la chose de "Suite officieuse de Cannibal Holocaust" tandis que Jonathan Hensleigh, son géniteur se défendra de toute similitude avec le film de Deodato. (Sans commentaire).
Test technique du Bluray :
Sans surprise, l'édition Bluray Ultimate d'Opening permet de (re) découvrir « Cannibal Holocaust » dans des conditions qui surpassent ( à nos yeux) haut la main les précédentes éditions DVD françaises de la chose. Une belle copie au format 1.85 et un transfert haute définition vous attendent. (1080/50i par contre) . Ce transfert devrait cependant déclencher les petites indignations habituelles. (Bidouillages numériques !!!! horreur !) Du côté des pistes audios, nous trouvons un mixage DD 5.1 italien et des pistes mono française et anglaise, accompagnées de sous titres français. On ne peut pas dire le son soit le point fort du disque. Rayon supplément, la totalité des bonus de la précédente édition Double DVD répondent à l'appel.
- Cannibal Holocaust Documentary
Un documentaire d'une heure laissant la parole aux différents intervenants du film sur 5 thématiques : La production, le tournage, la musique, la censure et aujourd'hui.
- Carnage Culte
Un Interview du journaliste (Mad Movies, Mad Asia) Julien Seveon (12 mn)
- Les scènes censurées
Petite compilation de scènes coupées de la copie d'exploitation française
- Un conférence de presse de Rugerro Deodato de 2003 (22 minutes)
- 2 bandes annonces.
Un ensemble des documents intéressants mais malheureusement déjà présents dans l'édition collector deux disques il y a quelques années. Bref, tout l'intérêt de cette version Ultimate réside dans son transfert HD. (qui ne plaira pas à tout le monde) Pour le reste, rien de neuf à se mettre sous la dent. Reste désormais à savoir si un courageux éditeur prendra le flambeau de Neo Publishing en se lançant dans l'édition Bluray des « films de cannibales ». On croise les doigts, sans grande conviction mais on croise les doigts...