Grotesque : Critique et test DVD


Auréolé de son interdiction en Grande Bretagne, « Grotesque », boucherie nippone carabinée, se paye un visa pour la France grâce aux efforts d'Elephant films. Le film est proposé en DVD et Bluray depuis le 20 octobre et se trouve même vendu en bundle avec le magazine « Mad Movies ». De quoi réconcilier sa délicate rédaction avec le torture porn ? L'éditeur nous ayant fait parvenir cette sanglante galette argentée, Ecranbis.com s'est attaché à son canapé, une gag ball dans la bouche pour 77 minutes de sévices psychiques et est fier de vous présenter sa fiche d'internement...



Synopsis :

Par une belle soirée d’été, un jeune couple se promène main dans la main. Insouciants et désireux de se livrer l’un à l’autre, ils ignorent que sur le chemin de leur première expérience les attend un cruel psychopathe. Brutalement kidnappés, les jeunes tourtereaux se réveillent enchaînés dans une pièce obscure jonchée d’instruments chirurgicaux. Face à la torture d’un bourreau expérimenté, la mort est leur meilleur espoir.





Critique :

Sous-genre extrême et paradoxalement entré dans la culture populaire, le torture porn pourrait, à première vue, passer pour le simple reflet de temps agités et de société décadente. Ce serait toutefois faire l'impasse sur tout un pan du cinéma d'exploitation et rayer de notre précieux patrimoine bis quelques savoureux voyages au bout de l'horreur au pays des cannibales, nazis, docteurs fous et autres sadiques. Non le Torture porn n'est pas le pur produit d'une époque, mais plonge ses ustensiles divers et variés dans l'histoire du cinéma d'horreur. Tandis que le mainstream ( la série des SAW en tête, HOSTEL pas loin derrière) parvient,  ne nous demandez pas comment, à trouver le chemin des salles obscures, toute une production par nature plus underground se faufile par les obscures canalisations de la vidéo, avec pour seule boussole : La surenchère.




Du haut de son runtime compressé et de sa volonté assumée de se soustraire à toute forme de récit classique, Grotesque pousse le bouchon et le vice un poil plus loin.... Dévalant par la même occasion, et avec une certaine arrogance, les pentes du cinéma de l'extrême. Pitch minimal pour spectacle crispant et craspec, cette définition se montre sans doute bien trop sage pour le métrage de Kôji Shiraishi, œuvre monolithique dont l'éprouvant visionnage finira inéluctablement par un questionnement. Quelle substantifique moelle, message ou concept se cache sous ce sadique étalage d'ignominie ? La question reste bien entendu sans réponse, et Gurotesuku (son titre original), une serrure à priori sans clé.


Ainsi abandonné dans son visionnage, le spectateur doit trancher lui même et prendre par « Grotesque » par un bout ou l'autre, pour une farce gore ou un divertissement pour potentiel psychopathe. Ça tombe, bien  ce match horrifique en deux rounds est justement un peu les deux, ou plus exactement l'un puis l'autre. Mais pourrait on borner notre analyse à ce télescopage de tons ? La réponse est bien entendu non. Car construit comme une expérience, un stress test pour cinéphile déviant, Grotesque pousse le moteur du film de torture dans ses derniers retranchements.


Bien sûr il vient répondre aux récentes escapades d'Alice aux pays des bourreaux, comprenez à ce cinéma d'horreur américain grand public, à ses interminables séries boiteuses et à sa flopée d'ersatz pelliculés. Le tout avec une logique, une seule : Toujours plus fort, toujours plus dur. Mais le pays du soleil levant, déjà bien connu pour sa furie déviante et son cinéma agité du bocal avait-il besoin d'un telle mise au point ou de rendre la monnaie à un Eli Roth ? On peut en douter.




Déshabillé de toute forme de revendication, ce festival des supplices vient finalement nous interroger sur l'étrange fascination qu'exerce sur nous ces kilomètres de pellicule. Arrêtons de nous cacher derrière nos télécommandes, le gore, l'horreur graphique n'ont jamais servi le récit d'un Torture porn, comme les dialogues n'ont jamais été le point d'orgue des productions Marc Dorcel. En se débarrassant du superflu Kôji Shiraishi ouvre la voie à un sous-genre sans doute encore plus radical : Le Torture Gonzo. Le message devient alors plus clair : Vous êtes venu mangez du steak, en voilà. On la laissé les frites dans le menu enfant.

Alors oui bien sûr, Grotesque fonce tête baissée dans l'absurde jusqu'à porter son titre comme un drapeau , une profession de foi. Reste une bobine incontournable pour tout ceux qui se sont aventurés dans la compréhension de ce sous-genre sulfureux.





Test technique :

Elephant films s'est fendu d'une édition fort sympathique délivrant une image de qualité très acceptable et au format d'origine 2.35 s'il vous plait. Deux mixages audio DD5.1 ( Français et Japonais) vous attendent avec en prime des sous-titres français. Au rayon suppléments, nous avons droit à quelques bandes annonces et surtout un documentaire « Grotesque : Dans les entrailles du Torture Porn » avec Victor Lopez (Rédacteur en chef d' East Asia). 17 minutes plutôt intéressantes qui proposent quelques pistes de compréhension supplémentaires. Terminons ce tour du propriétaire par une galerie photo.