De mémoire de cinéphile transis, on crut l'exercice plus d'une fois enterré, emporté dans la tombe du drive-in puis dans celle des cinémas de quartiers. Mais le "creature feature", "film de monstre" de ce côté de l'Atlantique, est, à l'instar de ses fantastique protagonistes, un dur à cuire... Sa dernière résurrection date du début du millénaire. Nu Image, Ufo films, Cinetel puis The Asylum, libérés des contraintes du latex, du réel et du probable par l’avènement de l'imagerie numérique, jouèrent les cartes d'un imaginaire débridé et d'un bestiaire fabuleux. Araignées des glaces, Requins à deux têtes, squales des neiges, Piranhas frappés de gigantisme, crocosaurus affamés, pieuvres collantes... Cette armée de "gloumoutes" en image de synthèse lutta avec détermination sur les fronts de l'édition vidéo et de la seconde partie de soirée. Jusqu'à ce que ce le phénomène, alternativement décrit comme le sous produit d'une époque et la création d'un nouveau genre (le nanar instantané) trouva son premier véritable succès populaire...
Qu'on se le dise : Le rouquin et le requin ne font pas copain copain... |
"pour la première fois, le succès d'une œuvre cinématographique se mesura en tweets, commentaires et partages plus qu'en billets vendus. Même la presse spécialisée, généralement assassine lorsqu'il s'agit de dépecer le DTV, changea de ton."
Sharknado, sans que les observateurs se l'expliquent vraiment, changera l'histoire du cinéma d'exploitation. Certes, son concept à cheval entre le "disaster movie" et la sardine jawsienne (l'ersatz des dents de la mer) avait de quoi surprendre le spectateur lambda. Mais le jet ne faisait au final que suivre le chemin tracé par quelques dizaines d’œuvrettes antérieures. Peu importe, le public suivra porté par le plus inattendu des "buzz". Pour la première fois, le succès d'une œuvre cinématographique se mesura en tweets, commentaires et partages plus qu'en billets vendus. Même la presse spécialisée, généralement assassine lorsqu'il s'agit de dépecer le DTV, changea de ton. Le phénomène, nouveau dans sa forme, ouvra l’appétit de ses géniteurs qui précipitèrent la production d'une séquelle... et même celle d'un troisième épisode, attendu de nageoires fermes au cœur de l'été prochain.
Un festival de grandes gueules ! |
"Cette émulsion contre nature pousse fatalement les spectateurs dans les bras d'un visionnage cynique, au second, troisième... quatrième degré... Jusqu'à ébullition pour les plus jusqu'au-boutistes. "
Après avoir arraché la cité des anges à un escadrille de requins voltigeurs, le brave Fin Shepard et la jolie April rejoignent la côte Est et plus précisément la jungle urbaine New Yorkaise... Suivis de près par une nouvelle tempête de squales... Inutile de vous faire un dessin, Sharknado 2 n'a guère d'autre prétention que celle de mettre les bouchées doubles et prolonger l'exercice de funambulisme tonal du premier film. C'est à dire délivrer un spectacle formidablement drôle, d'autant plus drôle qu'il est traité à défaut de véritables moyens, avec le plus impassible des sérieux. Cette émulsion contre nature, qu'il n'est pas interdit de rapprocher du Muckbuster (Une autre spécialité de la firme "The Asylum") pousse fatalement les spectateurs dans les bras d'un visionnage cynique, au second, troisième... quatrième degré... Jusqu'à ébullition pour les plus jusqu'au-boutistes.
Mi Musclor, mi Ash... |
"Grotesque, régressif, débile , écrit et tourné avec les pieds... Le film de Ferrante renverse la table à chaque plan, faisant de chacune de ses tares une qualité, mieux un étendard. "
Le pire à écrire pour quiconque explore la face sombre d'Hollywood, en s’efforçant d'y trouver du sens, avec la soif d'en extraire la moelle politico-sociétale, que dis-je un message; c'est que Sharkando 2 aussi "couillon" et "castré du de toute justification", fonctionne parfaitement. Brave lecteur, j'ai honte, moi le quadra cinéphile qui met un point d'honneur à voir la lutte des classes partout, le clash sociétal et générationnel dans chaque mètre de pellicule échappée du Poverty Row ou de la Cinecitta, me voilà séduit par le plus indigeste des amas conceptuels, que dis-je, une soupe de poisson en brique caviardé de caméos poussifs. Grotesque, régressif, débile , écrit et tourné avec les pieds... Le film de Ferrante renverse la table à chaque plan, faisant de chacune de ses tares une qualité, mieux un étendard.
Alors bien sûr avant de plonger tête première dans de telles abysses mieux vaut savoir où l'on met les palmes, quels genres d'ivresses peuvent survenir dans de telles profondeurs ... Bref, mieux vaut être disposer à abandonner 87 minutes durant toute activités électro-cérébrale, tout reliquat d'éducation judéo-chrétienne ou républicaine, voire toute forme d'honneur. Oui j'ai aimé Sharkando 2 mais par pitié, ne le dites à personne !
Ou comment personnages et spectateurs peuvent le temps d'un plan partager une certaine stupéfaction... |
Un œil de "gobi" sur le disque :
Pas de mauvaise pêche du côté de chez Free Dolphin qui livre ce "Sharknado 2" dans un écrin haute définition ne sentant pas le poisson ! Un beau master 16/9 (Ratio image 1.78) à la définition crispée accompagné de mixages anglais (sous-titré français) et français. Dans le filet aux suppléments : un Making of , un document sur les effets spéciaux , les caméos du films, des scènes coupées et une indispensable bande-annonce. Le tout pour la modique somme de 16€ et des crevettes.
De l'art de s'en payer une tranche... |