Évidemment, les interactions entre l'industrie vidéo-ludique et le septième art ne datent pas d'hier. Cantonné dans les premières années du home computing (Commodore, Spectrum et Amstrad, cela dira peut être quelque chose à certains d'entre vous), à l'adaptation joyeusement pixelisée de blockbusters, le jeu vidéo va, à force de bonds technologiques et au prix d'un éhonté tapage d'incrust dans l'imaginaire collectif (Lara Croft, Mario et les autres), acquérir ses lettres de noblesses... Si bien qu'au beau milieu des sacro saintes 90's, la planète Joystick, à son tour et contre toute attente, finira par inspirer cinéastes et producteurs. Les résultats pelliculaires frôlent d'abord l'indigence (Super Mario Bros) mais le succès des stars du 8 et 16 bits invite les financiers à la persévérance. Il faut dire qu'à l'époque la vacuité des concepts (celui de Mortal Kombat pour prendre un bon exemple) présente tous les avantages de la franchise sans les inconvénients. Pour le scénariste «chargé du transport», le cahier des charges tient sur un ticket de métro, «Dis donc coco, pour celui là, il faudra que tu mettes de la baston. Pour le reste, fais ce que tu veux, on s'en fout...». Revers de la médaille, ces bobines transfuges n'entretiendront avec leur matrice que des liens très distants, parfois même circoncis à un titre ou un générique. Dis autrement, heureusement que les aventurettes de Van Damme en Béret Bleu furent titrées pompeusement «Street Fighter Le film» car la chose ne nous avait pas vraiment sauté aux yeux...
Aujourd'hui, les univers vidéoludiques, riches par défaut, compilatoires par nature, posent une problématique inverse. Impossible de prendre la moindre liberté avec le postulat initial sous peine de se faire traiter à minima d'escrocs par une horde de geeks déchaînés. Impossible également de chasser de nos mémoires, le souvenir salement persistant d'un Final Fantasy 7 laissant le spectateur lambda sur le quai de l'incompréhension… (Le train est passé là? Ah oui? Et le prochain est à quelle heure?). Notre Paragon Lost, tout enchaîné à la trilogie «Mass effect» avance donc en terrain miné. Du haut de ces 2 millions d'unités vendues, le célèbre RPG développé par les canadiens de Bioware en 2007, est sans doute l'un, si ce n'est le, plus gros succès de la la Xbox 360... et s'étale désormais sur 3 opus rutilants. Le 6e meilleur jeu de l'histoire (selon le classement de nos camarades de Jeuxvideo.com) était donc attendu au virage.
Nous voilà parachutés sur Felh Prime une colonie
humaine, spécialisée dans la recherche et la production pharmaceutique
et située dans le système terminus. Une horde d'extraterrestres
menée par 2 guerriers Krogan ayant pris d'assaut la citadelle, une
équipe de Marines est envoyée sur les lieux pour reprendre le
contrôle de la situation. Un soldat nommé Vega s'illustre au combat
repoussant les assaillants et sauvant la population. Le bataillon
victorieux est immédiatement chargé d'une nouvelle mission. Rester
sur place et assurer la sécurité de Felh Prime... Deux ans plus
tard, un étrange signal inconnu en provenance des ruines prothéennes,
vestige d'une civilisation disparue, est capté. Dépêché sur place,
Vega, ses hommes et la chercheuse extraterrestre : Treeya Nuwani,
découvre un curieux artefact. A ce même moment, un gigantesque
vaisseau approche la colonie et libères des nuages d'insectes
paralysants. Il semblerait qu'une race d'origine extr galactique,
appelée les moissonneurs soit venue récolter toute espèce vivante
pour la transformer en magma génétique... Vega et Treeya Nuwani
décident de retourner dans la cité...
La réalisation va tomber dans les
mains d'Atsushi Takeuchi, spécialiste japonais de l'animation dont
les faits de gloire sont d'avoir pris part à l'aventure Ghost In The
Shell puis Avalon avant de rejoindre Lucasfilms dans le
développement de la seconde version animée, et à nos yeux
injustement décriée, de The Clone Wars. (N'oubliez pas le
«The», le fan de Star Wars est pointilleux). Takeuchi
aura même le privilège d'en réaliser un épisode (le 10e de la
première saison: The lair of general Grevious/ L'antre de Grevious en
France). Un segment écrit par Henry
Gilroy , co-créateur de la
série, qui se trouve être, le monde est petit, le scénariste de
notre Mass effect : Paragon Lost. On évitera de réanimer ici le
débat Clone War Vs The Clone Wars, c'est à dire la série d'animation de Genndy
Tartakovsky et celle produite en CGI plus tardivement par
LucasFilm. Reste que la pédante posture consistant à présenter la
première comme un pur chef d'oeuvre et la seconde comme un vulgaire
«truc» commercial, semble à nos yeux faire la
démonstration d'un snobisme cinéphilique ordinaire. Si l'effort
Stylitique de Tartakovsky
est bien entendu estimable, il n'est pas pour autant interdit
de reconnaître The Clone Wars comme étant, pardonnez-nous
l'expression, «mieux torché du Screenplay». Un fait
auquel Gilroy, auteur de 20 épisodes n'es pas complètement étranger
mais nous y reviendrons.
Le parti prix réalisationnel de Mass Effect peut sembler curieux non pas par son très actuel mélange d'animation traditionnelle et d'image de synthèse mais bien par son esthétique très japonaise. Paragon Lost tourne en effet radicalement le dos aux cinématiques de la saga vidéoludique, choix qui explique à lui seul (ou presque) l'extrême reserve des fans sur le résultat final, ou du moins sur les quelques images dévoilées dans un plan marketing savamment orchestré. Le fait est que si les qualités graphiques de la chose ne déchirent clairement pas la rétine ou souffre d'une animation relativement économique, Paragon Lost n'a rien de visuellement indigne, indécent ou du désastre animé annoncé... Non les qualité de notre péloche du jour sont à chercher ailleurs, dans les profondeurs tentaculaires de son récit par exemple car non content de respecter scrupuleusement la mythologie de l'oeuvre originelle, le film de Takeuchi se veut instantanément accessible... un porte d'entrée grande ouverte sur l'univers Mass Effect.
Le propos très composite convoquant en mémoire le Starhip Troopers de Paul Verhoeven, le Laserhawk de Jean Pellerin, un peu de V, un peu de «The clone Wars» et bien d'autres choses encore, Paragon Lost donne de prime abord l'impression de «moissonner» trop large pour véritablement, ou durablement, marquer les esprits. Mais il faut bien le concéder, c'est la somme de ses emprunts, ce bric à brac conceptuel (si vous préférez) qui dispense Mass Effect d'une lourde et indigeste installation. Tout semblant ici familier ou presque, le récit coulant naturellement dans les canalisations d'une SF définitivement populaire, Lost Paragon cueille littéralement son spectateur... Alors bien sûr, on a vu mille fois plus beau, milles fois plus audacieux, mais il serait malhonnête de ne pas reconnaître l'évidence: C'est diablement efficace !
Le disque :
E-One (distribution Wild Side) offre à Mass Effect : Paragon Lost une édition DVD techniquement très réussie au format 1.78 16/9 accompagnée de mixages Dolby Digital 5.1 en langues française, anglaise et allemand. (Profitons en pour saluer l'excellente OST du film). Dans la soute à suppléments, une série de documents intéressants mais malheureusement plus axés sur la création de la trilogie vidéoludique que sur la conception de cette escapade cinématographique:
- Toutes portes ouvertes: un aperçu des studios Electronic Arts (8 minutes 15)
- Dans les coulisses de l’univers Mass Effect (12 minutes 7)
- Réaliser Mass Effect (23 minutes 19)
- Une flopée de bandes annonces qui se lancent à l'insertion du disque