Django, prépare ton cercueil : Critique et test DVD



Bonne nouvelle pour les westernophiles de l'hexagone, en ce doux mois de mai, Sinodis a l'excellente idée de déterrer le «Preparati la bara !» de Ferdinando Baldi. Une des nombreuses péloches envoyées sur les rails du Django originel, celui de Sergio Corbucci bien sûr. Du milieux des années 60 au début des saintes seventies, quelques dizaines de productions et cinéastes poussés par la soif de l'or, vont exploiter un juteux filon et s’approprier la nouvelle icône du western rital. Une véritable mare aux nanars diront les mauvaises langues en soulignant que le nom de Django n’apparaît parfois pour de basses justifications commerciales que dans le titre des pépites en question. Mais rassurons nous car l' effort soixante-huitard de Baldi se classe sans discussion possible dans le haut du panier du western transalpin... Ecranbis.com dégaine le review... 


Il faudra attendre plus de vingt ans pour que le personnage créé par Franco Nero ne retrouve officiellement le chemin des écrans. (Avec Le grand retour de Django en 1987). "Django prépare ton cercueil" est donc à classer dans les enfants illégitimes du chef d' oeuvre de Corbucci. Un vrai faux Django ou plutôt un faux vrai Django... Car sorti de ces quelques 86 minutes, aucun doute n'est possible. L’œuvre de Baldi épouse parfaitement les contours de sa matrice et s'en approprie le ton comme l'esthétisme. Nero, initialement pressenti, décline (du moins le déclare-t-il dans l'excellent documentaire «Car ils sont sans pitié" ), Mario Girotti que nous connaissons désormais mieux sous le pseudonyme de Terence Hill reprendra donc le rôle titre. Ce qui ne manquera pas de surprendre le spectateur lambda, le nom de l'acteur étant définitivement associé au versant comique de l'italo-western et au duo qu'il formera la même année avec le colosse Bud Spencer. A l'époque, Girotti papillonne encore dans les limbes du cinéma d'exploitation. (On le voit aux côtés du français Pierre Brice dans le nec plus ultra du western allemand : Winnetoo) . 


C'est justement pour les beaux yeux de Ferdinando Baldi que notre homme changera de nom en 1967 à l'affiche de «Little Rita nel West». L'année d'après nous le retrouvons dans notre «Preparati la bara!», jouant de son clair regard pour imiter Franco Nero. La ressemblance est d'ailleurs par instant troublante, même si la performance de Hill ne retrouve jamais l'intensité et la classe de son modèle. Django est ici un convoyeur de fonds qui après avoir été trahi par un sénateur corrompu verra un de ses transports  attaqué par une horde de sans foi ni loi. Durant l'assaut, sa femme perd la vie et Django, blessé par balle, est laissé pour mort dans le désert. Il réapparaît  toutefois en ville sous la trait d'un étrange bourreau...

Face à lui, l'allemand Horst Frank (le sénateur Barry), connu de ce côté ci du Rhin pour son apparition dans «Les tontons flingeurs». Mais également pour ne pas dire surtout, une incroyable gueule du cinéma bis italien, Luigi Montefiori (alias George Eastman) dont la carrière vient juste de débuter dans un autre faux Django. (Django spara per primo/Django tire le premier, en 1966). Grand, brun, ténébreux et impassible, naturellement brutal, Eastman incarne le mal sans avoir à le jouer. De par sa simple présence pourrions nous dire. Il quittera d’ailleurs sans peine la poussière de l'ouest italien pour traîner ses savates et son machiavélique faciès dans l'horreur (Horrible, Antropophagous), l'épopée post apocalyptique (Les nouveaux barbares), le préhistorique d’opérette (La guerre du fer), le sous rambo (Blastfighter ) et même la cyborgerie carabinée (Atomic Cyborg/Hands of Steel).  Bien que jeune (il n'a pas encore atteint la trentaine au moment du tournage), Montefiori transperce déjà l'écran de son âpre regard.


Derrière la caméra, Ferdinando Baldi. Un cas cinéphiliquement des plus intéressants. Si le nom du cinéaste parlera à tout les westernophiles respectables, il reste à ce jour concédons-le, moins connu du grand public. Surenchérissons par un «injustement», la contribution de Baldi au genre qui nous est cher n'ayant rien d'anecdotique ou de discutable. Il débute sa carrière dans les années 50 par quelques péloches sans grand intérêt avant de sauter dans le train de Peplum... Mais c'est en 1966 avec Texas, addio (parfois titré Django 2 en raison de sa tête d'affiche: Franco Nero) que l'homme se fait remarquer. Il récidive avec T'as le bonjour de Trinita. Retitrage anachronique français  (le personnage de Trinita n'apparaissant que quatres années plus tard) du «Little Rita nel West» dont nous parlions plus haut.

Suivront : Preparati la bara!, Le salaire de la haine, Il pistolero dell'Ave Maria, Blindman avec Tony Antony, Mon nom est Trinita, Carambola, filotto... tutti in buca. Le western a revelé Baldi, il l'emportera dans sa tombe ? L'affirmation est  très discutable.  Une fois la nuit tombée sur le fart west européen, le réalisateur restera actif à défaut de remarquable... De la flopée de péloches résultantes, nous retiendrons un rape and revenge ferroviaire (Terreur express) à la fin des 70's puis deux curiosités reliefisées interprétées et produites par Tony Antony (On est jamais aussi bien servi que par soi même) dont "Le trésor des quatre couronnes". Un sous Indiana Jones 3D à voir ne serait ce que pour sa séquence introductive multipliant jusqu'au risible les effets de projections. Nous pourrions quasiment faire sur les westerns de Baldi , la remarque émise par Ruggero Deodato sur la filmographie Margueriti (voir notre chronique sur Joe L'implacable), Baldi a réalisé beaucoup de westerns, beaucoup de bons, mais il lui manque sans doute le grand film, le film important ! Sans parler de Leone, Corbucci a eu Django, Valerii a eu Mon nom est personne, Baldi n'aura lui pas eu son chef d'oeuvre.



Le  scénario est  co-écrit par Baldi et Franco Rossetti (qui a participé à la rédaction du Django originel). La photo est signée par un Enzo Barboni appellé a ouvrir la voie de la comédie western deux ans plus tard avec «On l'appelle Trinita». Impossible de pas mentionner la musique de Gianfranco Reverberi, un score mythique qui connaîtra une seconde vie en 2006 en étant samplé par le groupe Gnarls Barkley pour leur tube planétaire «Crazy».

Reposant essentiellement sur les mécanismes de la vengeance et sur le concept d'un héros mystérieusement revenu de la mort, devenu passeur pour l'autre monde tout en constituant sa propre armée de fantômes (Django fait en fait semblant de pendre les condamnés à mort... ), notre Django prépare ton cercueil se plaît à caresser la corde du fantastique sans jamais tirer franchement dessus. Django, portier de l'enfer et spectre vengeur?  Tout finit ici par trouver une très rationnelle justification, excepté peut être le spectaculaire rétablissement de Hill... Mais ne dit-on pas que les héros ont la peau dure? 

 Le reste est une histoire d'élan, de plaisirs esthétiques et de mise en scène de la violence. Une ode au western Spaghetti mais au delà de ça, une véritable définition du cinéma d'exploitation trouvant sa jouissance dans la répétition, le recyclage des codes, situations et de ses héros (on va ici très loin dans la redite, Hill jouant littéralement les sosies...). Reconnu comme un des meilleurs faux Django ou pseudo Trinita (pour cause d'un stupide et tardif titre français) "Preparati la bara!" se doit de rejoindre vos débordantes étagères des collectionneurs compulsifs et pourrait constituer pour les autres une porte d'entrée dans le western bis.



Le disque :


Sidonis offre à ce «Django" un joli cercueil vidéastique, coiffé d'un sur étui cartonné. Le DVD permet de découvrir le film dans un master restauré emballant. L'image est très belle mais il faut préciser que contrairement à ce qui est dit sur la jaquette (annonçant un copie au format 2.35), le film est présenté au format 1.66 qui serait son format d'origine. ( Bien que l'imdb annonce elle bien du scope). Pour le même prix nous aurons droit à une piste italienne sous titrée et une piste française, un diaporama, le tout complété par une chouette présentation du film par Jean François Giré. (Auteur de
Il était une fois le western européen ) Une petite dizaine de minutes intéressantes mais sans doute plus tournées vers les néophytes que les westernophiles pur jus. Un des achats nécessaires du printemps. 
Menu du DVD
Jean François Giré