Les classiques du cinéma Bis, 2e édition : la chronique


Bistérie collective ou Hystérie collectible, le premier tirage des «Classiques du cinéma Bis», épuisé depuis belle lurette, continue de s'arracher à prix d'or sur le marché de l'occasion. L'argent ne fait pas le bonheur, quand on aime on ne compte pas... Les adages pousse-au-crime s’agglutinent aux vitrines de la passion, alibi consumériste, ode à l’insouciance. Ce qui ne nous empêchera pas de nous réjouir de l'apparition en librairie d'une seconde édition, augmentée de surcroît. Pas de cinéfiloutage dans l'air, ce nouveau jet qu'on nous promet décoquillé est à une vingtaine de pages près, la réplique exacte de la mouture originale, si l'on excepte la disparition du vert pétaradant de la première édition ici remplacé par un cousin (au fond pas si) éloigné. En 2009 Laurent Aknin et Lucas Balbo terminait leur stellaire voyage en atterrissant sur la Planète terreur, cette fois, ils prolongent la ballade bucolique jusqu'à l'Evil dead de Fede Alvarez.

Alors bien sûr le choix de ces quelques cartouches supplémentaires ne manquera pas d'être discuté avec l’âpreté nécessaire (dans le sens philosophique du terme) à toute discussion cinéphilo-stérile. Mais le plus surprenant vient sans doute d'une introduction en forme de mea-culpa. Nous étions dans l'erreur écrivent Aknin et Balbo. Dans l'erreur de croire l'ère du cinéma bis révolue. Évidemment de ce côté ci du web, la déclaration fait mouche et convoque aussitôt en mémoire les souvenirs de lancement d'Ecranbis.com. Les quelques missives numériques sans grand tact nous accusant d'usurper l'incontrôlable, et de toute évidence incontrôlée appellation, ce territoire cinéphilique à géométrie variable par excellence. Alors oui messieurs Aknin et Balbo, vous êtes dans le vrai. Et s'il n'est pas interdit de continuer la célébration d'un âge d'or réel ou fantasmé, il est sans doute déraisonnable d'aujourd'hui refuser la qualité de courant au cinéma qui nous est cher. De ne pas voir dans l'utra Bis, la production do it yourself, le mockbuster et j'en passe, un prolongement, mieux une descendance.


Ainsi va la vie, et il n'est pas exclu que demain certains d'entre nous se souviennent avec mélancolie d'un marché du DTV que nos contemporains qualifient de poubelle. Tout finit par trouver sa place dans l'histoire. Il suffit pour s'en convaincre d'ouvrir une revue spécialisée des années 80 pour constater à quel point certaines œuvres aujourd'hui cathédrales furent maltraitées. Poursuivons puisque cette préface souligne également la multiplication des sites, blogs et surtout la renaissance du fanzine. Phénomène paradoxal, qui à mes yeux trouve moins d'explication dans une conception fétichiste du papier et de l'objet cinéphilique, que dans les qualités et natures de la prose offerte par le fanzinat. Entre communiqué de presse savamment copié-collé, analyse en 140 caractères, l'avis est au numérique ce que Nabila est à la télévision culturo paillettes. Je n'irai pas plus loin dans la digression. Car c'est justement l'une des grandes qualités de l'ouvrage d'Aknin que je viens involontairement de pointer du doigt. «Les classiques du cinéma Bis» évite l'écueil du vulgaire (comprendre la critique) pour offrir une traversée commentée... Une proposition d'itinéraire. Discutable, encore une fois. Mais il faut concéder qu'une cinéphilie est un voyage, un train qui ne peut (et peut être ne doit pas) desservir toutes les gares.


Au fond, pardon de revenir à l'anecdote, pire à ma petite personne, mais je ne trouve pas meilleure façon de parler de ce livre autrement qu'en dévoilant une partie de mon intimité. Il se trouve que ma chère et tendre eut l'idée il y a quelques années de faire apparaître la première édition de ce livre ainsi que Cinema Bis: 50 ans de cinéma de quartier, au pied du sapin. Et depuis, il ne passe pas une semaine sans que me voyant déambuler les objets du crime à la main, en direction des toilettes, ou sur le retour (le télé travail se loge parfois dans les coins les plus obscurs de nos appartements),  je n'entende ce qui est désormais devenu formule : «Ah sur ces cadeaux je ne me suis pas trompée!». Oui ! Les classiques du cinéma Bis est un ouvrage sur lequel on revient sans cesse, que l'on compulse, que l'on laisse traîner sous les dalles plasma, au dessus des lecteurs DVD.

S'il va de soi que pour les heureux possesseurs de l'édition originale, un ré- achat n'est sans doute ni nécessaire, ni raisonnable, les retardataires, qu'ils soient simples touristes ou voyageurs compulsifs se doivent de glisser ce guide du routard dans leur poche.