Fidèle à ses habitudes, Artus films ré-ouvre le coffre à western avec quatre galettes trouées. Quatre balles perdues dans l'histoire du cinéma d'exploitation européen. Quatre apparitions mythiques du plus fidèle ami des fossoyeurs. Qu'on l'appelle Sartana, Django, Johnny Flemingo ou l'étranger, Gianni Garko revient imprimer nos écrans en mars. Ecranbis.com assure le comité d'accueil et qu'on se le dise, nos chroniques crient «Vengeance» !
On commence en beauté avec un vrai faux Django, comprendre l'une des nombreuses productions ayant tenté de prendre le relais du film éponyme de Corbucci. Au milieu des années 60, la nouvelle et pétaradante icône de l'italo-western révélée, le filon «Django» sera exploité de la plus frénétique des manières. Une ruée vers l'or pelliculaire qui traînera bon nombre de cinéastes dans les ruelles les moins éclairées de Bis City. De la copie carbone au retitrage sauvage, la malice et l'opportunisme en bandoulière. En 1967, Mino Loy et Luciano Martino entendent également prendre leur part du butin et produisent «10 000 dollari per un massacro» titre original italien du «Temps des vautours». Il ne serait pas interdit de voir dans ce ré-étiquetage français un aveu très involontaire, si le film de Romolo Guerrieri ne se distinguait du tout venant (ou du tout revenant) par une distribution aussi fringante que flinguante.
Gianni Garko, déjà Gary Hudson, pas encore Sartana (ou plutôt si, mais en fait non, enfin allez relire la chronique des «Colts de le violence» ou celle de "Bonnes funérailles amis, Sartana paiera", vous comprendrez sans doute mieux) prête sa mono expressivité de compétition au vagabond canardeur à tendance solitaire. De l'autre côté de la route, Claudio Camaso incarne Manuel, un pourriture mexicaine à tendance psychotique, qui arrache la belle Dolores (Aie !) aux bras d'un père filou mais aimant. Fou de chagrin et de désespoir, ce dernier offre 10 000 dollars pour la tête de Manuel et le retour express du fruit de ses entrailles.
En bon comptable, Django y voit l'occasion de rendre les armes et de suivre la belle Mijanou jusqu'au bout de son rêve californien, c'est à dire sur les futures terres des «Village People», la douce et étincelante San Francisco. (le premier que je prend en train de fredonner «Go west» se prendra une bastos !). Évidemment, le destin en a décidé autrement, Mijanou est sauvagement assassinée par les hommes de Manuel lors d'une attaque de diligence et Dolores, en bonne demi connasse, ne tarde pas à s'amouracher de son propre ravisseur. C'est le syndrome de Stockholm me souffle-t-on dans l'oreille gauche. Un peu de sérieux messieurs ! Je veux bien que ça s'explique, mais de là à justifier par de fumeuses théories ces écarts très féminins …
Bien sûr, toute aventure Djangesque abandonne son spectateur à la plus existentielle des interrogations. Quel rapport ce faux Django entretient-il avec le vrai ? Dit autrement cette pseudo suite est-elle plus litigieuse que respectueuse ? On pourra répondre sans prendre trop de risques que «10 000 dollari per un massacro» trempe son script dans le bon abreuvoir. Reste qu'à l'opposé d'un "Preparati la bara !" (Django Prépare ton cercueil) et son Mario Girotti pris en flagrant délit de mimétisme, «le temps des vautours» circoncit sa filiation à la stricte compatibilité thématique et un nihilisme assez vague. Il est peu dire que le film de Corbucci et celui de Guerrieri ne sont pas balayés par le même souffle.
Et Au fond, "10 000 Dollari..." est sans doute plus un bon western, qu'un bon Django. Un jet qui a pratiquement d'ailleurs les défauts de ses qualités (ou l'inverse, peu importe)... Dans cet Ouest miniature, tout est appuyé, overacted jusqu'à la caricature ou pour le dire de façon plus aimable, jusqu'à la bande dessinée. En témoigne ce long final entre un Manuel grimaçant et notre faucheuse faite homme, dans un tourbillon de poussière, un combat de coqs aux portes d'une apocalypse venteux.
Même la maquilleuse en fait trop ! Dirons les mauvaises langues. Romolo Guerrieri, en bon technicien, parade, joue des distances focales, multiplie les cadrages scabreux comme les gros plans inquisiteurs. Dans les bonnes pages de ce roman couché sur pellicule, on retiendra deux savoureuses séquences introductives. La première laisse Django se réveiller près de la mer, au côté du corps allongé, non pas celui d'une femme mais celui d'une de ses proies refroidies (Django plagiste, inverti et nécrophile ! Sacrilège !). La seconde permet à notre héros de croiser Manuel pour un incroyable échange de regards d'acier sous un soleil de plomb. Un splendide round d'observation cinématographique. N'oublions pas le passage dans le cadre du stakhanoviste Fernando Sancho en collectionneur d'étoiles de Sherif (Stardust, celui qui fait mordre la poussière aux représentants de la loi) et l'étonnante réplique que Manuel lance à un Django en très mauvaise posture : «Tu ne comprends rien aux femmes !». Ou l'art de faire mouche sans faire parler le colt, et peut être pour Guerrieri l'occasion d'envoyer un clin d’œil à sa virile audience : "Au fond, nous sommes tous un peu Django" !
Le disque :
Encore une belle addition à la collection Western européen d'Artus films. Le film est présenté dans un master 16/9 des plus honorables, format scope 2.35 d'origine respecté. Pour les plaisirs de la feuille, deux mixages audio en langue française et italienne, accompagnés de sous titre français. Pour ceux qui en veulent encore plus, la galette embarque une série d'entretiens avec Romolo Guerrieri et Gianni Garko (Les larmes de Django), une passionnante présentation du film par l'ami Curd Ridel (10 000 Dollars pour Django), les bandes d'annonces d'usage et un diaporama d'affiches et de photos. 12€90