La nouvelle a fait, il y a quelques
semaines, le tour de la bissosphère et l'effet d'un bombe. Antropophagous et
Horrible, pépites transalpines du début des 80's, dont les éditions
DVD françaises manquaient encore à l'appel, allaient enfin se frayer
un chemin vers nos platines. Pour ne rien vous cacher, nous étions
au courant depuis quelques semaines puisque "partenaire" de ces deux sorties
attendues (avec nos
collègues d'Horreur.com et Psychovision). Mais le mot d'ordre de l'éditeur «Motus et bouche cousue
!» fut respecté à la lettre et nous restâmes muets comme des tombes. Les deux films étant disponibles
depuis quelques jours à la vente par correspondance, Ecranbis.com rompt cette promesse de silence et attaque la visite par le monumental «Anthropophagous ».
"L'homme qui se mange lui même" avertissait la jaquette VHS. Un art
du narcissisme culinaire qui valait bien une chronique. A table !
Devine qui vient manger ce soir ? |
Le bon sens dicterait sans doute que ces modestes lignes
débutent par l'incontournable dépeçage des carrières de Joe
D'Amato et Georges Eastman. Une autopsie de circonstance ! Ne croyez nullement que le temps où l’intérêt me manque. Mais comment sur ce site dont la tagline fut
longtemps «Un autre regard sur le cinéma de genre»
servir les mets déjà disponibles sur d'autres tables ? Impossible
! S'égosille par email notre tyrannique rédacteur en chef qui se
prélasse à longueur d'année dans le sud de la France en attendant
que les chroniques tombent. Il faut également dire, qu'ayant, à
force de copinage acharné, pu visionner avec un peu d'avance un
entretien avec David Didelot (qui accompagnera la prochaine édition
d'un autre d'Amato, chez un autre éditeur), bonus sans doute appelé
à devenir une référence, je dû me rendre à l'évidence. Il
me fallait attaquer l'édifice par une autre pente, escalader ses
reliefs par la voie plus hésitante et plus tortueuse de la cinéphilie.
Pour la déco je mets 8, mais la viande manquait franchement de cuisson. |
Pour
comprendre le rapport que toute une génération (la nôtre) entretient
avec Anthropophagous, il convient de remonter le temps jusqu'à l'ère préhisto-locative et des temples de la
cinéphilie que furent les vidéo clubs. Dans ces lieux de pèlerinage que nous
traversions accompagnés de nos "Thénardiers" respectifs jusqu'à
l'autel, pardon jusqu'au comptoir, nous admirions d'un œil furtif les
vitraux disposés ci et là. Illustrations folles, titrages
improbables, les icônes d'une culture à venir ou plutôt "encore sans nom", se bousculaient sur les
linéaires. Mais il fallait attendre l'âge de la communion pour enfin
goûter au corps et au sang du bis. En secret dans nos chambres,
nous lisions l’évangile selon saint Marc Toullec en récitant les «notre Jean Pierre Putters» à
la chaîne. Évidemment pour un petit garçon de 10 ans passant devant la jaquette d' Anthropophagous, l'idée même qu'un «type puisse dévorer ses propres entrailles» avait de quoi éveiller quelques questionnements. (La morale s’arrête-t-elle là où la faim dans le monde commence ?). Je ne cacherai pas plus longtemps
que lorsque la péloche de D'Amato accepta d'écarter les jambes,
je fus dans un premier temps un poil dépité et débité d'une location sur ma carte d'abonnement.
La réalité
d'Anthropophagous, pour ne pas dire sa singularité, sa force, est
sans doute d'avoir marqué une époque, un cinéma et une cinéphilie,
sans être spécifiquement un film novateur ni même un bon film. Une belle brochette de touristes
débarquent sur une île grecque déserte et se trouve poursuivie
par un assassin sanguinaire... Script minimal trouvant à l'écran
une illustration d'un classicisme extrême. Pas de quoi convoquer
en mémoire les écrits d'Ariane Grimm (Je m'emmerde... Je m'emmerde!)
mais assez pour douter de promesses faites par les visuels. Un film à
voir la main sur la bouche, le doigt dans le culte ! Bon ce n'est
peut être pas tout fait écrit comme ça, mais dans l'esprit, on y
est. Et puis voilà le monstre, ce dégénéré, rendu fou par un
soleil de plomb, ayant sacrifié à l'instinct de survie toute forme
de morale et d'humanité. Voilà ces scènes chocs tant attendues et pour lesquelles ce bout de péloche fut sanctifié,
celle du fœtus, celle de l'auto dégustation sans oublier les terrifiantes déambulations d'un Eastman maquillé à la truelle. Ah oui quand même ! se dit-on, même si avec le
recul, les effets ont perdu un peu de leur superbe...
Elle a visiblement les règles en tête (oui elle est un peu longue à venir... Mais elle est très bonne) |
Georges découvrant son élimination de "Top Chef" |
Le disque:
Cette première et peut être dernière (vu l'état actuel du marché de la vidéo) édition française d'Anthropophagous a le mérite de présenter une version complète du film (91 minutes) dans son format d'origine 1.66 (Master 16/9) avec une qualité d'image relativement correcte si l'on considère la rareté de l’œuvrette. (Vos levrettes sont-elles de plus en plus rare ? Vous voulez témoigner sur un webzine de qualité ? Contactez la rédaction d'Ecranbis.com). Bach films a eu l'excellente idée de proposer des pistes en langues française, anglaise et italienne, accompagnées de sous titres français. Sur l'île au bonus: Christophe Lemaire présente, humour en bandoulière, la ration pelliculaire du jour, et l'on pourra découvrir une version alternative du générique ainsi qu'une bande annonce. Notons qu'un effort tout particulier a été fait sur la packaging puisque le disque nous arrive dans un beau digipack dont la face avant présente un gaufrage, cachant dans ses entrailles trois belles cartes postales collector dont une reprend les visuels d'une superbe affiche américaine. 15€ à commander sur Bachfilms.com en cliquant ici.