Bloody Toons : Critique et test DVD



Pas folle la guêpe, alors l'«Evil Toons» de Fred Olen Ray vient de s'écraser en flamme sur nos platines (Disponible chez Crocofilms), l'éditeur Uncut Movies se rappelle à notre bon souvenir en nous envoyant l'une de leurs précédentes acquisitions. Et pas des moindres puisqu'il s'agit de Bloody Toon. Un péloche folle et vidéastique signée Joe Castro, sur laquelle Ecranbis.com, explorateur forcené de la face cachée et nécessiteuse d'Hollywood, ne pouvait que poser un regard à minima bienveillant. A l'heure ou j'écris ces lignes, les derniers exemplaires de l'édition limitée d'Uncut Movies sont au prix rikiki de 9€95. Profitez-en ! 



Si Joey Castro est né à l'aube des années 70, sous les cieux texans, c'est sous d'autres sunlights, ceux de la douce Californie, que le cinéma lui tend pour la première fois les bras. La vingtaine fraîchement dépassée, il se retrouve bombardé en qualité de responsable des effets spéciaux sur le tournage de «Teenage exorcist» de Grant Austin Waldman. Le nom du cinéaste ne dira pas forcement grand chose au grand public et pour cause Waldman n'a pas fait une carrière particulièrement étincelante (4 films au compteur) mais reste néanmoins connu pour avoir été un assistant régulier du prince de la série B, Fred Olen Ray. (sur Bad Girls form Mars, Beverly Hills Vamp entre autres).

Teenage Exorcist ! La péloche, prototype de l'horror comedy «made for vidéo» est singulière à plus d'un titre, mais venant, coup du sort, d'en écrire une chronique à paraître dans le prochain numéro de Medusa fanzine, je n'irai pas forcement plus loin. (Achetez des fanzines ! Faites tourner le petit commerce !). Tout en notant que Brinke Steven en fut l'actrice principale et la scénariste.  Brinke, comédie horrifique, effets spéciaux, Direct to vidéo. Chaque pièce du puzzle «Joe Castro» trouve sa place et l'on ne serait pas loin de penser que cette première expérience cinématographique fut annonciatrice de la carrière à venir en général, et de la saga Terror Toons en particulier. 



Devenu Bloody Toons par la magie de cette édition française, Terror Toons 2 fait, comme son nom l'indique, suite au premier métrage datant de 2002 et titré Terror toons. Le troisième opus, actuellement en production se trouvera co écrit et co réalisé par Joe Castro et Brinke Stevens et se paiera le luxe d'inviter Linnea Quigley et Debbie Rochon à traverser le cadre. Disons-le ouvertement, aborder les «Terror Toons» de manière frontale semble pratiquement impossible, sous peine de reproduire le nombre incroyable de chroniques médusées dérivant tels des radeaux perdus sur l'océan du web. Pour comprendre les métrages de Castro il convient de remonter le temps jusqu'aux années 80. Le phénomène culturel drive-in torpillé, la culture Bis ( bien qu'elle n'en porte pas encore le nom ) va trouver dans l’essor de la home vidéo un nouveau terrain de jeux. L'acte locatif devenant un mode de consommation, la clientèle des vidéoclubs se montrant insatiable, toute une production cinématographique va se créer autour de la VHS. Le direct to vidéo, comprendre péloche appelée à ne jamais connaître les honneurs d'une salle obscure, mais simplement destinée à remplir les linéaires des boutiques spécialisées, est né ! 



Une brèche dans laquelle producteurs indépendants, réalisateurs sans le sou vont se glisser jusqu'à ce que l’expansion des vidéo store franchisés, dont la société Blockbuster fut l'emblème, ne changent radicalement la donne. Le concept est de proposer  de la grosse production à la pelle (10,15,25 exemplaires d'un même titre) et permettre par ricochet aux grands studios de reprendre la main. La production DTV américaine indépendante, expression moderne de la série B vit ses dernières heures de gloire. Au revoir les sexy comedy horrifiques ou vaguement Scifi, tournées pour quelques dizaines de milliers de dollars, à toute berzingue dans des villas de location. Une page se tourne, poussant les plus fidèles artisans de cette mouvance à la reconversion douloureuse. Mais l'imaginaire propre à cette époque, lui même inspiré par la série B des années 50 et 60, va refaire surface à quelques encablures de là.

Deux réalités se croiseront. La première est qu'en l'absence de potentiel commercial pour ce type de film, les budgets vont être réduits au delà de l'imaginable. La seconde est que la technologie, éternelle voie de démocratisation des moyens productifs, va tout de même rendre possible la réalisation d’œuvrettes folles, reconnaissables à leur touche «vidéastique» et leur façon de caresser l'amateurisme ou le "Home made". Terror toons 2 s'inscrit sans aucun doute possible dans cette lignée par sa facture mais également par son propos horrifico- parodique planté dans les éternelles zones pavillonnaires des banlieues californiennes. On s'y voit invité à un anniversaire pas comme les autres. Pour ses 10 printemps, une gamine reçoit un DVD dont le visionnage aura de bien curieuses répercussions.



La maison familiale est transportée dans la dimension «Toons» et ses habitants massacrés par des personnages hauts en couleur. Deux teens vont toutefois sonner l'heure de la rébellion en trouvant la porte de l'enfer pour y affronter le rejeton du malin. Ce scénario minimaliste sert surtout d’alibi à l’enfilage de scénettes aussi gores que délirantes. Jusqu'ici pas de quoi défriser le bisseux un tant soit peu éduqué. Mais Bloody Toons surprend surtout par ses choix et ses parti-pris visuels. Les personnages Toons y sont filmés en prise de vue réelle et numériquement incrustés dans des décors colorés. Ce qui est quand on y pense strictement l'inverse du démon d'Evil toons qui utilisait, comme Marry Poppins dans les années 60, l'insertion de dessins animés dans la prise de vue réelle.

Le sommaire des effets spéciaux numériques trouve un curieuse réponse dans l'exploitation grotesque d'effets plus traditionnels. Bizarrement ce mélange tiré par les cheveux fonctionne ! Encore faut-il le visionner pour ce qu'il l'est. C'est à dire l'expression moderne et jusqu'au-boutiste d'un cinéma d'exploitation bricoleur et furieux  refusant de se plier aux diktats d'Hollywood. En ce, Bloody Toons est en quelque sorte une réussite. Mais, il est aussi un film désarçonnant pour quiconque l'aborderait par la mauvaise face. Curiosité bordélique et héritière sous stéroïde du DTV US des 80's et 90's, la chose vaut quoiqu'il en soit le visionnage.


Au moins, pourrais-je dire, pour voir le fils de Satan livrer en personne dans les vidéoclubs  des cartons de galettes lobotomisantes et mortelles . Vous avez dit parabole ?


Le disque : 

Unctut Movies livre un disque de bonne facture présentant le film de Joe Castro dans un ratio 1.78 ( master 4/3) en version originale et version originale sous titrée. Dans le coffre à bonus, un court métrage (Terror toon 1.5) , une galerie de photo, le trailer original et une flopée de bandes annonces. Le tout au prix très correct de 9€95. A commander en ligne sur le site Uncutmovies.frhttp://www.uncutmovies.fr/