Quand il pleut des fanzines ...


Quelle mouche a donc piqué le fanzinat français ?  Un peu trop vite ringardisé par la révolution numérique, longtemps toisé par la presse professionnelle, cet art de la débrouille serait-il sur le point de connaître un nouvel âge d’or ? A en croire la multiplication (un peu anarchique) des titres et en dépit du présumé anachronisme de la démarche, le fanzinat cinéphile avance désormais toutes griffes dehors (Et encore je voulais écrire bite à l'air au départ)… Lancé au crépuscule des années 80, dans les pas de Mad Movies et du  fanzinat rock, Médusa Fanzine fait aujourd’hui office de chef de file. En quelques 27 numéros, la publication s’est institutionnalisée au point de devenir un véritable porte étendard et le centre d’un écosystème bordélique autour duquel gravitent d’autres titres parfois tout aussi fameux.  Petit compte rendu des dernières lectures interdites…

Vendu depuis quelques jours dans les boutiques spécialisées, le Médusa nouveau a la bonne idée de suivre la trajectoire de son frangin de papier “Hammer Forever”. L’autre fanzine de Didier Lefevre, entièrement consacré à la firme anglaise avait opéré il y a quelques mois un retour en force, une résurrection pour ne pas écrire rés-érection des plus graphiques ! Terminé le noir et blanc, la mise en page à papa et la pignole ! Sous la souris de fée d’un fanzineux  blogueur (Chris SteadyBlog) bien connu des amateurs de vieilles bobines, Hammer Forever flirtait avec la couleur et le professionnalisme. Sorti des mêmes eaux, Medusa Fanzine, 27eme du nom profite de cette avancée en territoire ennemie. La concurrence  n’a qu’à bien se tenir, ne serait-ce que pour l’avertissement lancé par un rédacteur en chef survolté épinglant quelques canards fameux  (“La presse ciné est malade, qu’elle crève !”)  et les, je cite , “fadas du numérique”. Heureusement qu’on est pas susceptibles ! :). Des mots repris jusque dans les colonnes de Mad Movies… par soucis d’apaisement ou pour accusé de réception ? Va savoir…

Alors que le n°17 de Vidéotopsie vient d’être proposé à la pré-commande, il est sans doute trop tard pour vous parler du N°16, mais on vous en parlera quand même. Cette autre publication fameuse, née quelques années après Médusa sous la plume de David Didelot  n’a au fil de ses derniers numéros cessé de grossir au point de mériter l’affectueux sobriquet de pavet. La maquette n’a pas bougé d’un poil ( Dis donc le rédacteur en chef, tu serais pas du genre réactionnaire ? ) mais là aussi il y a de quoi aiguiser sa cinéphilie entre vidéovores de bonne compagnie. Côté pulpe justement , les deux titres s’échangent une partie de leur équipes rédactionnelles. De toute évidence, les identités, la structuration des contenus restent indiscutablement distinctes, la philosophie,  la liberté de ton et la multiplication des points de vu ( Fort à parier que les dit rédacteurs n’ont pas vu les mêmes films, ou pour être plus exact, ne les ont pas pu de la même manière) ne laissent que peu de doute. Medusa Fanzine et Vidéotopsie partage un adn…

Reste à savoir lequel. Car au fond il y a dans toute généralisation, un peu (beaucoup) de définition qui s’en va, qui se perd. Parler du “fanzinat” c’est un peu comme parler  des “américains” en pointant du mot cet autre d'outre atlantique, considéré en qualité de tout, d’entité indivisible, de l’”american native” à Donald Trump  à laquelle il faut soustraire  quelques bouts de trottoirs hollywoodiens, quelques villas d’acteurs dit engagés dont l’europe a aussi ces spécimens… Moralistes millionnaires appelant de leur balcon doré au partage et la générosité...des autres. Mais je m’égare. Parler de l’esprit fanzine, c’est un peu comme parler de la “France Éternelle” . J’ai toujours envie de demander laquelle ? La tienne ? La mienne ? Bon…

Pour y voir plus clair, on pourrait sans doute gratter dans les entrailles du DIY, qui aurait parait-il plus  à voir avec la musique noire américaine que le mouvement punk. La paternité du concept est de toute manière brumeuse, surtout quand le concept est contenu dans l’idée de se remonter les manches, à moins de prendre la démarche pour un objectif et la route pour une destination. A moins qu’il faille d’un seul coup voir dans  les fresques de la grotte Chauvet une tentative d’auto édition ou le premier numéro d’un fanzine consacré  aux comics… Un peu de sérieux ! Merde ! :)

Non la réalité du fanzinat ne diffèrent finalement pas tant que ça de celle des titres de presse historiques et de celle des sites web. Elle connaît ses crises d’égo, ses luttes pas classes, ses sentences … se trouve parfois traversée de discours contradictoires et de rédacteurs ne pouvant pas s’encadrer. Mais tire de ces cohabitions contre nature, la qualité de divertir. C’est peut être ce qui explique qu’ils sont de plus en plus nombreux à tourner le dos au tout information des uns et au devoir d’éducation des autres, et à  s’accrocher à Medusa , Vidéotopsie, comme un chiar des années 80 à son Pif Gadget… C’est d’ailleurs la seule chose que j’ai à l’esprit lorsqu'il m’arrive de prêter ma plume à l’une ou à l’autre… Faire passer un moment et peut être donner l’envie de se pencher sur telle ou telle œuvrette sur le point de s’évaporer …(Bon je pense aussi à faire l’intéressant mais c'est mon côté pute ça !)

Une ombre vient toutefois ternir ce réjouissant état des lieux, Didier Lefevre, rattrapé par le temps( on en est tous là malheureusement), annonce une éclipse éditoriale pour l’année à venir. Il n’y aura donc à priori pas de Medusa Fanzine 28 en 2017. Reste quelques mois et un bloody week end pour faire changer d’avis le bonhomme… On me souffle que les lecteurs s’organisent déjà, une procession sera organisé le 29 mai prochain à 10h , top départ devant l’église d'Audincourt, nous recherchons d’ailleurs une orpheline pour dire la prière et des chèvres à sacrifier  (au cas où seulement , en  plan B comme on dit).