Tout vient à point à qui sait attendre. Après de longs mois de gestation, Sheep Tape, un tout nouvel éditeur de galettes argentées porté par des membres de l'illustre site Nanarland.com livrera son premier rejeton le 12 septembre prochain. Le titre inaugural de ce qui deviendra nous l’espérons une collection phare « Les improbables de Nanarland » n'est autre que la cale étalon du bis français, le « Plan 9 » made in France : Devil story aka « il était une fois le diable » de Bernard Launois. Sheep tape nous ayant fait parvenir avec un peu d'avance cet indispensable objet de culte , Saint Graal horrifique gaulois, Ecranbis.com sort son calibre 12 et livre le preview d'un disque qui fait carton plein !
(Tentative de) Synopsis :
Alors qu'ils traversent la Normandie à bord d'une berline immatriculée en Floride (Rien que ça faut le faire!) , une jeune couple tombe en panne. C'est pour eux le début d'un terrible calvaire. Ils croiseront le chemin d'un chat noir, d'un cheval, d'une momie, d'une morte vivante, d'un bateau zombie, d'autochtones mystérieux, d'un serial killer nazi au visage déformé, pour finir par découvrir une terrible malédiction. A moins que tout ceci ne soit qu'un rêve ou plutôt que tout ce rêve ne soit réalité ( Oui c'est compliqué mais nous on se comprend).
Critique :
Il est difficile d'écrire sur sur « Devil Story, il était une fois le diable » tant ces incroyables 72 minutes ont été disséquées ci et là sur Internet. Mais si vous pensiez que le cinéma de genre français avait touché le fond de la piscine avec la fin inexplicable ( bien que depuis expliquée) de « La revanche des mortes vivantes » ou les joyeux anachronismes du « Lac des morts vivants », sachez qu'un homme a osé repousser les frontières de l’expérience cinéphilique à la française, s'aventurer sur des terres désertées par la raison, voir l'imaginable. Et cet homme , c'est Bernard Launois. Il débute sa carrière de réalisateur dans l'érotisme avec « Lachez les chiennes » en 1972 , Le gibier en 1975 ( Également connu sous le titre Les dépravées du plaisir) puis « Les machines à sous » l'année d'après. En 1980, il enchainera deux comédies « Sacré Gendarmes» et « Touch'pas à mon biniou » avec l'acteur comique Sim. Il ne reviendra au cinéma que pour son dernier et ultime film , œuvre à juste titre considérée comme culte : « Devil Story » en 1985.
De l'aveu même de Launois, « il était une fois le diable » est réalisé dans des conditions difficiles voire une certains précipitation. A la fin du tournage, le réalisateur n'a qu'une cinquantaine de minutes en boite et se voit contraint de filmer quelques plans additionnels pour gonfler son métrage et atteindre péniblement les 70 minutes. Le film sort quasi confidentiellement en France ( au grand soulagement de son actrice principale, la pauvre Véronique Renaud) mais se vendra tout de même à l’international. Devil Story restera visible dans notre petit hexagone grâce à une édition VHS American vidéo. Une cassette qui s'échange désormais à prix d'or.
25 ans après sa réalisation , le visionnage de « Devil Story » laisse sans voix. Nous sommes face à un film unique , quasi hypnotique, un spectacle médusant sans queue ni tête, qui plonge tout bon spectateur déviant et amateur de plaisir cinématographique exotique, dans une sorte d'orgasme coupable. Comment prendre une telle œuvre ? A l'envers à l'endroit ? Par devant, par derrière ? (Oui oh ça va hein!) , on ne sait pas trop mais peu importe. Le film s'ouvre sur une accumulation de meurtres atroces et gratuits commis par un monstre portant un uniforme Nazi avec pour seuls dialogues des grognements quasi indescriptibles . Puis nous voilà projeté dans les mésaventures d'un couple de touristes en panne découvrant grâce à des autochtones une étrange malédiction ( qui a un je ne sais quoi de celle du "Fog" de Carpenter) .
Par la magie d'un montage libéré de toute logique mais pas de contraintes, Devil Story prend alors une tournure expérimentale involontaire. Apparaissent comme des cheveux sur la soupe un chat , un cheval. Sortes de troubles obsessionnels cinématographiques compulsifs. On se doute bien que Launois tente comme il peut de gagner quelques précieuses secondes afin d'offrir à son film un runtime décent. Mais le résultat apparaît si décomplexé, si assumé qu'il pourrait passer pour du cinéma d'auteur ! A peine le temps de se remettre qu'une momie égyptienne surgit d'un demi sarcophage , réveille la sœur du monstre et un bateau échoué sort subitement de la terre. Chat ! Cheval ! L’héroïne se réveille pour mieux retomber dans le cauchemars. Chat ! Cheval !
Cinématographiquement parlant , le film de Launois souffre d'un acting à la limite du tolérable , d'une musique horripilante et d'une certaine tendance à la drôlerie. Mais, on ne pourra enlever à cet aventure au delà du psychiquement tolérable et à ses géniteurs une volonté de bien faire. Devil Story fait ainsi preuve d'un certain esthétisme et délivre même quelques plans qui, bénéficiant de la patine du temps, s'avèrent d'une beauté quasi surréaliste . Film inracontable, indescriptible, « il était une fois le diable » est un édifice mystérieux dans le paysage fantastico horrifique hexagonal. Que Véronique Renaud ( son actrice principale) se rassure , elle est belle et bien rentrée dans l'histoire du cinéma... Par les canalisations les plus improbables du 7e art .
Test Technique :
La galette argentée éditée par Sheep tape délivre une image de bonne tenue ( à considérer l'age et la rareté du matériel d'origine) au format 1.78 . Les nouvelles générations de cinéphiles pourront donc découvrir « Devil Story » dans des conditions à des années lumières de la VHS. Le tout est accompagné de deux pistes mono ( Français/anglais) et d'une piste audio permettant de suivre les réactions du public lors d'une projection à la cinémathèque. ( Comme sur le DVD de Machette) Cela dit les dialogues du film y sont particulièrement difficile à saisir. Un petit plaisir à réserver donc à un second visionnage. Du côté des suppléments , Sheep tape tape fort avec pour commencer un making of passionnant de 32 minutes : « Il était une fois Devil Story » dans lequel Bernard Launois et Véronique Renaud racontent leurs souvenirs de tournage avec une sincérité parfois touchante. C'est également l'occasion de retrouver plusieurs spécialistes du Bis : Christophe Lemaire, Jean François Rauger et même le réalisateur culte américain Frank Henenlotter ( Elmer , Frankenhooker... ). Toujours sur la galette un amusant documentaire parodique titré « Holywood devil story » , une bande annonce originale , un reportage d'époque de FR3 Normandie sur le tournage du film (INA) , un commentaire audio des scènes clés du film par Launois himself et enfin quelques petits bonus additionnels réalisés par Nanarland.
Une édition ultime donc qu'Ecranbis.com ne peut que vous encourager à acquérir de toute urgence avant qu'elle ne devienne collector et hors de prix !