Dans quelques jours, "Echap" sortira en DVD collector chez Emylia. Pour l'occasion Ecranbis.com a posé une poignée de questions à Trent, un de ses co-réalisateurs. Voyage dans les entrailles d'un film d'épouvante à la française ... Et n'oubliez pas, sur la barre d'espace, personne ne vous entendra crier...
Bonjour et merci d'accepter de répondre à ces quelques questions pour l'Ecranbis.com. Pourrais-tu, en quelques mots... Présenter ton parcours personnel à notre fiévreux lectorat ?
Merci à toi de t’intéresser à notre fiévreux film. Alors, je m’appelle Christophe Berthemin, on m’appelle également Trent, j’ai écrit Echap et l’ai coréalisé avec Dist de Kaerth en août 2010. Je fais même une voix dans le film qui me r appelle à quel point je ne serai jamais acteur. Au siècle dernier, j’ai fait un Lycée option Cinéma et une Ecole de cinéma, l’IECA, à Nancy. J’en suis sorti avec une Maîtrise et rien dans les poches. A côté de ça, j’ai commencé à écrire les pages cinés de divers magazines, ce que je continue à faire un peu. Aussi, j’ai coréalisé il y a quelques années un court-métrage qui s’appelle Rémy et écrit un pilote d’une mini-série appelé Zémotions. Echap est mon premier long.
Echap fait un parallèle intéressant entre le spiritisme et les nouvelles technologies de la communication (Messageries instantanées, réseaux sociaux) … Les séances de wija comme des sessions de « chat » avec l'au-delà, c'est plutôt bien vu ! Comment vous est venue cette drôle d'idée ?
Il y avait d’abord l’envie de montrer que nous sommes entrés dans un monde où les codes de la communication ont changé. On peut être ami sur les réseaux sociaux avec des gens qu’on ne connaît pas ou qui ne sont pas ceux qu’ils prétendent, ce qui ne me paraît donc pas plus étrange que d’être ami avec quelqu’un de mort. Il est arrivé que des gens dans mes contacts Facebook meurent. Dans ces cas-là, j’étais assez surpris de voir que les gens continuaient à laisser des messages sur leur mur, leur posant même parfois des questions en attendant une réponse. Il y avait vraiment une forme de solitude là-dedans. Une nuit, j’ai alors eu l’image d’un esprit qui écrirait « lol » lors d’une séance de spiritisme. Juste ça. J’en ai parlé à Dist. De cette idée que j’avais eue fin juin 2010, on s’est dit qu’on en ferait un film début août de la même année. Ce qui m’a laissé un mois pour développer un récit autour de ça, même si on savait que l’expérience existerait également grâce à ce qui se passerait sur le plateau puisqu’il était prévu qu’on ne fasse qu’une lecture et qu’on n’ait pas de plan de travail pour rester dans quelque chose d’assez naturel.
Echap est un film d'épouvante avec des demoiselles en provenance du cinéma pour monsieur célibataire... et contre toute attente une péloche très sobre. Je crois savoir que le seul plan « Boobs » a été cut au montage et vous n'avez pas non plus joué la carte du « Tripes trip ». Comment expliquez-vous ce choix ?
Beaucoup de gens trouvent le film sobre alors que pour moi, il y a souvent plus de sexe dans ce qu’on ne voit pas que dans l’explicite. Le film tente en tout cas de chercher le charnel vers le sensoriel. Deux filles qui se battent en bavant, c’est plus bandant pour moi que beaucoup de plans de seins. Le personnage de Mathieu Werther dans le film ressent une véritable frustration de ne pas avoir eu les filles qu’il aimait et s’est donné la mort pour cette raison, j’imagine. Autant dire que c’est à travers ses yeux qu’on suit une partie de l’histoire. Alors, pour qu’il y ait un crescendo, il fallait que le spectateur puisse également participer à cette frustration. Quand le spectateur connaît le background de certaines des actrices, ça aide parce qu’il se dit qu’elles vont être nues. Le fait qu’elles n’y soient pas appuie davantage le propos et n’a nullement été une question d’auto-censure. Au contraire, en 2011, tous les producteurs de DTV nous auraient demandés de rajouter des nichons pour qu’ils puissent sortir le film sous le titre de Very Hot Esc ou je ne sais quel titre à la con.
Pour ce qui est du plan « Boobs », dans le scénario, il était dit que Graziella levait son t-shirt lors de la session Chatroulette mais montrait ses seins à l’ordi pour que le spectateur ne les voit pas. Seulement Graziella s’est levée pour les sortir et on a donc refait la prise sans. Ce qu’on appelle donc l’Obligatory Tit Shot est dans le making-of quand même pour ne pas priver les gens de sa très jolie poitrine même s’ils peuvent la voir sous plein d’autres coutures dans d’autres films.
Enfin, pour ce qui est du sang, je pense que le film aurait fait plus cheap (anagramme d’Echap, je le dis avant qu’un journaliste ne se croit malin en la faisant) si on avait utilisé des effets gore, une fois de plus parce que les gens s’attendent à ça dans un film qui n’a pas un rond. Ce qui nous plait, c’est l’effet de surprise dans une proposition singulière. Que les gens aiment ou non le film, ils ne pourront pas dire qu’ils ont déjà vu ce film mille fois avant.
Ton film s'inscrit dans une nouvelle vague du cinéma de genre français, je pense à des choses comme Blackaria ou Last Caress. Un cinéma DIY, bricolé mais qui paradoxalement laisse une précieuse liberté à ses créateurs. Tu dois te douter que de notre côté, on ne peut s’empêcher d'y voir une nouvelle forme du « cinéma Bis » frenchy. Mais qu'en même temps, c'est un cinéma qui demande une vraie curiosité, une prédisposition voir (soyons fou les mots ne coutent pas cher) une éducation. Redoutes-tu la réception de ton film par le public qui va visionner et critiquer « Echap » sur les critères d'un cinéma de divertissement standardisé ?
C’est marrant puisque j’ai eu cette discussion il y a deux semaines à Montpellier avec Stéphane Bouyer qui a produit justement Last Caress. Pour ma part, c’est cette liberté qui me donne envie. Depuis que la télé s’occupe du Cinéma en France, tout est devenu lisse, politiquement correct alors que l’intérêt du Cinéma est de faire des propositions, nouvelles si possibles. Je pense que chaque nouvelle vague, avant de naître d’une envie commune, est née d’une avancée technologique : nouvelle caméra, nouvelle pellicule... C’était le cas pour La Nouvelle Vague comme pour le mouvement Dogme 95. Maintenant, c’est au tour de la HD, des Red, des 5D et tout ce bazar. Tout le monde a la possibilité de faire un film par égocentrisme, ce qui fait aussi le Cinéma, donc tout le monde en fait. Dans le tas, je pense qu’il y aura beaucoup de choses très, très mauvaises mais aussi de très bonnes qui n’auraient été produites dans le circuit traditionnel de production française. Un Last Caress ou un Echap, aucune major n’en voudrait en France. Alors, si on peut les faire nous-mêmes, autant y aller direct avec les défauts et les qualités que ça implique. Le Cinéma est mort, c’est un fait, celui qui me faisait rêver enfant, celui des Stars et des longues attentes, mais je pense qu’il se transforme et qu’on entre dans une nouvelle ère de Ciné et si en voyant Echap, un type se dit : « Si ces deux zouaves ont fait un film en 5 jours avec 1500€, je peux faire mieux qu’eux » et qu’il le fait : tant mieux pour le Ciné ! Si tu prends La Guerre est déclarée qui va représenter la France aux Oscars, même si on n’a pas le droit aux mêmes aides, ce n’est pas un film où il y avait une énorme équipe sur le plateau non plus.
Pour ce qui est de la réception par un public standardisé, tu as utilisé un mot juste : éducation. Si demain, TF1 se mettait à passer en prime-time un film d’horreur ou même un court-métrage expérimental avant chaque film, les gens seraient surpris mais si ça se reproduisait toutes les semaines, ils s’y habitueraient parce qu’ils sont justement standardisés. Il faut juste les habituer. Cette année, plus de deux millions de français sont allés voir Black Swan au cinéma, un film d’horreur, et plus d’un millions sont déjà allés voir Drive. Ca prouve que les gens peuvent faire l’effort d’y aller si on leur dit que c’est bien et surtout, si ça l’est. En Festival, je découvre des films originaux venus des quatre coins du Monde et on voit que le public aime ça. J’ai vu ce mois-ci au Festival Cinemed un premier film turc qui s’appelle The Monster’s Dinner, un Ovni politiquement incorrect comme j’aimerai en voir plus souvent, mais ça se trouve, le film ne sortira jamais en France. C’est comme ça. La télé ne jouera jamais ce rôle donc c’est à nous de faire ce qu’on peut pour ne pas se noyer dans ce consensus, avec plus ou moins d’argent et de talent.
Quelles est ta scène préférée et celle que tu regrettes d’avoir tourné ?
Ce n’est jamais la même scène que je préfère mais pour prendre un exemple, j’aime bien la scène qui se passe à travers Youtube parce qu’elle représente à mes yeux l’esprit du film, l’envie d’aller vers un genre mais de le désamorcer de suite. Le film n’est jamais une parodie mais les scènes qui pourraient faire flipper changent de registre parce que le spectateur ne doit pas se sentir en territoire connu. Après, je pense que ça fonctionne à certains moment, moins à d’autres. Par contre, il n’y a aucune scène qu’on regrette d’avoir tourné mais certaines ne devaient pas être tournées comme ça. Par exemple, la scène de bouffe entre les filles devait être un plan fixe vu de dessous la table, sans qu’on les voit, et où les matières se mélangeaient pour dessiner un tableau des vices de la jeunesse actuelle. Assez tôt dans le film, ça aurait été un plan assez expérimental pour déstabiliser ceux qui s’attendaient à des filles à poil et qui aurait posé des bases pour la suite du traitement. Seulement, on s’est rendu compte que visuellement, ça n’aurait pas été aussi joli qu’on le souhaitait donc la caméra tourne autour des filles en maillot de bain, et ce n’est pas la chose la plus déstabilisante que de regarder le cul des filles. Ce n’est donc pas un regret mais j’aurai été amusé de voir la réception avec cette autre manière de la tourner.
Après Echap, qu'est-ce que tu as en vue ? (Tu peux tout nous dire, on ne le mettra que sur Internet)
Je démarche pas mal de scénars de longs en ce moment mais depuis deux mois, je me suis mis à l’écriture de trois nouveaux films. Sûrement pour être occupé quand Echap sortira en dvd et ne pas aller voir ce qui se dit sur le Net. L’un d’entre eux sera produit par Anaïs Bertrand d’Insolence Productions, une productrice que j’apprécie beaucoup dans la vision qu’elle a du cinéma et la façon dont elle se bouge pour ça. L’autre est une comédie dans l’esprit, toute proportion gardée, de réalisateurs que j’aime beaucoup comme Bertrand Blier ou Joël Séria. Personne ne voudra mettre un rond dedans donc je vais la faire de mon côté en huis clos et je me lâche pour que ça tâche. Et le troisième scénar ne peut se tourner qu’aux Etats-Unis, autant dire que je ne le ferai pas demain. Je veux absolument tourner un nouveau film en 2012 donc je fais tout pour, parce que j’ai envie d’apprendre et que je peux claquer dans l’heure.
Question bonus...Pourrais-tu partager avec nous les fondements de ta passion cinéphilique en nous parlant du premier film d'horreur sur lequel tes délicates mirettes se sont posées ?
J’ai grandi avec les films d’horreur et ils font partie de mon éducation. Je lisais Mad Movies dès l’école primaire et enfant, je louais les rayons complets de tous les vidéos-club des villes où j’habitais. Mais pour ce qui est de mon premier choc, je devais avoir 5 ou 6 ans, en 83 ou 84 donc, il est lié aux pantins et aux ventriloques puisque j’ai vu dans la même période Poltergeist, l’épisode The Dummy de La Quatrième Dimension et l’épisode A Riddle for Puppets de la série Madame Columbo. Autant dire que j’ai eu la trouille de ces polichinelles à la con pendant un moment. Et je continue à trouver Poltergeist très flippant encore maintenant. Le cinéma de genre façonne les êtres humains parce que faire peur est l’occasion de laisser naître leurs phobies et donc, de les aider à grandir. L’adulte que je suis doit beaucoup au Cinéma. J’ai eu peur des pantins à cause de Poltergeist, de l’eau à cause des Dents de la mer, mais maintenant la seule chose dont je pourrais avoir peur, c’est que Kad Merad et Mélanie Laurent ne tournent un Je vais bien, ne t’en fais pas 2. Comme quoi, les temps changent.
Merci pour tout. Et pour info, je ne m'appelle pas Guy mais Claude. (Essayez d'y penser pour un prochain commentaire audio ,) )
C’est bon signe, ça prouve que vous êtes deux, Guy et toi, à avoir écouté le commentaire audio. Merci à toi… et à lui. Surtout qu’on avait bien bu quand on l’a enregistré et qu’on doit raconter un paquet de conneries. On a mis beaucoup de bonus sur ce dvd pour que les gens partagent l’aventure humaine avec nous et j’espère que tout ça leur plaira. Vraiment.