Des quatre «Franco à la mer» échoués sur le sable glacé du mois décembre, Venus In Furs apparaît assurément comme la perle de la récolte. Nous terminons donc notre ballade vidéastique sur la plage filmographique de Mr Jess par une œuvre majeure et paradoxalement inédite en France... Entre érotisme retenu et fantastique pur jus, Jazz et cinéma d'auteur, rêves de fourrure et fantôme à poils...
Chronique :
Une nuit à Istanbul, alors que des
volutes de jazz s'échappe de sa trompette, Jimmy (James Darren)
croise le regard de Wanda Reed (Maria Rohm). Mais le corps de la
jeune femme délicieusement enveloppé de fourrure disparaît
presque aussitôt au bras d'un homme étrange: Ahmed Kortobawi
(Klaus Kinski). Un terrible piège vient en fait de se refermer
sur la belle, entraînée dans une cave par Ahmed et violée
par Percival Kapp et Olga, une photographe mode, avant d'être fouettée
et lacérée. Jimmy assiste impuissant à son calvaire. Au matin alors
qu'il reprend conscience sur la plage, il découvre le corps de Wanda
malmené par les vagues. Ne parvenant à effacer la jeune fille de
sa mémoire, le musicien fuit au Brésil. Il trouve le réconfort
dans les draps de Rita, une chanteuse soul, et arpente avec elle les
clubs pour gagner sa vie. Un soir, le fantôme de Wanda réapparaît
dans son écrin de fourrure et la mort vient chercher le premier de
ses tortionnaires...
Réalisée en 1969, cette vrai fausse
adaptation de la «Venus en fourrure» de Sacher Masoch
n'aura pas l'honneur de caresser les toiles françaises. Aussi, à
défaut de doublage français existant, il nous faudra nous contenter
d'une version anglaise sous-titrée. Peu importe, chanterons en chœur l'anglophobe primaire et l'amateur de plaisir en v.o. tant le propos du film échappe au verbe. Oui, dans «Venus
in furs», c'est la musique qui, tour à tour décor,
personnage et narrateur, mène la danse. Mieux, "Venus in furs" est au delà d'une œuvre
intrinsèquement musicale, un film construit comme de la musique. Une
conjugaison de thèmes s'entrechoquant (parfois se juxtaposant), se développant à l'infini pour ne pas
dire Ad libitum et poussant ses escapades improvisées jusqu'aux
frontières de l’expérimental.
Franco oblige, cette nature psychédélique et auteurisante n'altère pas vraiment la charge exploitative du métrage. Venus in furs est un vrai film fantastique, une histoire de fantôme classique. De celles où les spectres reviennent de loin pour assouvir leur vengeance et apaiser leur rancœur. La Venus en fourrure est donc bien l'ange noir de son titre originel (Black Angel)... Une victime devenue bourreau en passant de l'autre côté du miroir. C'est aussi une œuvre à l'érotisme retenu (nous sommes en 1969) mais bel et bien présent, bel et bien traversée par les obsessions saphiques et sadiennes du cinéaste espagnol et un film habité par les personnages récurent du cinéma franquesque : Le voyeur ( Jimmy, lorsqu'il assiste au viol de Wanda), le vampire (Lorsque Klaus Kinski se d��lecte du sang de sa victime).
Dans sa furie hypnotique, La venus en fourrure ouvre toutes les portes et n'en referme aucune. Par quel bout prendre la descente aux enfers de Jimmy Logan ? Qu'est ce qui dans «Venus in furs», appartient au rêve, à la réalité ? Arrivé en bout de partition, Franco renvoie le musicien à la première mesure faisant de son conte onirique fiévreux une œuvre bouclée, échappant à la chronologie et au temps. Une invitation au revisionnage? Au désassemblage? L'occasion d'effeuiller plan par plan les apparitions de notre fantomatique Venus, tantôt étonnamment vivante et charnelle, tantôt irrémédiablement morte et absente ? Franco a-t-il égrainé les secrets de son poème psychédélique ? Une chose apparaît toutefois comme indiscutable: en dépit des promesses chantées de Barbara Mc Nair, la venus est partie sans sourire, laissant derrière elle l'une des plus belles réalisation de Jess Franco et assurément un très grand film.
Test technique :
Cette édition Zone 2 estampillée Artus Films permet de découvrir "Venus in Furs" dans une copie très honnête, à défaut de parfaite, au format 1.78 d'origine. Comme précisé dans la chronique, pas de piste en française en vue mais une seule piste anglaise sous titrée. Outre un diaporama et les traditionnelles bandes annonces de la collection, l'éditeur a laissé à Alain Petit le soin de présenter le film. 43 minutes de plaisirs. Nous aurons également droit à quelques séquences de la version italienne du film remaniées par Bruno Mattei en personne.
Auteur : Claude G.