Troisième et remarquable addition
printanière à la collection Western européen d'Artus Film, «Un
train pour Durango» de Mario Caiano, vient siffler à nos oreilles
de gringos. Longtemps coincée entre deux gares (une édition
Espagnole et une édition Allemande), la bobine tant attendue
desservira les vidéostores français le 7 mai mais a fait un premier arrêt sur la platine d'Ecranbis.com. Embarquement
immédiat...
Après avoir débuté dans le péplum
au début de années 60, Mario Caiano s'essaie aux justiciers masqués
avec Le Signe de Zorro et La Griffe du Coyote. Une curiosité filmique
mettant en scène un autre ténébreux justicier anonyme qui assez
bizarrement se fait lui aussi appelé Zorro. Peut être uniquement
dans le doublage français. L'édition ESI / Collection Westerns
Mythiques que j'ai sous le coude ne proposant pas la piste
originale, je suis dans l'impossibilité de lever le doute. Un
premier pas dans la poussière pour le cinéaste qui montera dans
les premiers wagons du Western Rital en réalisant de «Le pistole
non discutono» ... la même année que «Pour une poignée de
dollars» pour la même société de production (Jolly Film).
Malheureusement pour le brave Mario, l'histoire du cinéma retiendra
moins «Mon colt fait la loi» (son titre français) que le chef
d'œuvre de Leone.
Peu
importe... Touche à tout, Caiano saute de genre en genre...
Gladiateurs, vikings, amants d'outre tombe, cow boys et flics
défilent devant sa caméra avec un égal bonheur ou un égal
malheur. Une simple histoire de point de vue, le cinéaste n'ayant
pas cueilli dans les prairies du temps, la fleur de l'unanimité.
Son nom restera aussi associé au tumultueux tournage de «Nosferatu
à Venise» (1988) pour lequel Caiano venu jouer les pompiers
suite aux renvois successifs de deux réalisateurs, finira par lui
aussi prendre la première gondole venue. Le film sera finalement
achevé par Luigi Cozzi dans des conditions improbables, avec un
Klaus Kinski incontrôlable et tyrannique (d'après Cozzi lui même).
1967, l'heure
n'est pas encore aux brouilles vénitiennes, et Caiano convoque le
Clint Eastwood Italien qui est (c'est pas de chance) de nationalité brésilienne. Anthony Steffen, héros modèle du western Spaghetti
formera le duo d' «Un train pour Durango» avec Enrico Maria
Salerno. Un duo que nous pourrions pratiquement qualifier de
visionnaire, tant ce couple de loosers carabinés préfigure les
tandems stars des comédies à venir. On ne s'étonnera donc même
pas de voir le nom d' Enzo Barboni imprimer l'écran lors du
générique. Notre homme devenu E.B. Clucher en 1970 lancera la vague
Terence Hill/ BudSpencer et exploitera le filon bien au delà des
frontières de l'ouest pour le plus grand bonheur des cinémas et
vidéoclubs. Il y a dans les bonus de «Quand faut y Aller, faut y
aller» (Et oui j'ai des références... faut pas croire), une assez
amusante interview de Christophe Lemaire dans laquelle il explique
que travaillant au milieu des années 80 dans un vidéo club, la
demande locative était telle pour ce genre d'oeuvrettes que les
gérants étaient dans l'obligation d'acheter les Hill/Spencers en
multiples exemplaires... Mais je m'égare... complètement !
Dès les premières images, le ton est donné et les premiers plans nous offrent deux cavaliers en curieuse posture ( l'un d'entre eux vient de se faire, pardonnez moi l'expression, trouer le cul)... On comprend très vite que le binôme formé par les personnages de Lucas (un mexicain) et Yankee (comme son nom l'indique un américain)... servira à la fois de locomotive et de rail. Il faut le dire... Le train du titre, les révolutionnaires mexicains et la vague histoire de coffre fort ici exposés ne sont là que pour entraîner les rouages d'une mécanique implacable, celle de la comédie. Autrement dit, si l'œuvre de Caïano joue la carte de la dérision voire d'une certaine légèreté, elle aligne aussi les gags avec franchise et radicalité.
Tout n'est pas forcement à hurler de rire (et d'ailleurs tout ici n'est pas comédie, on y tire aussi sérieusement) mais confessons-le «Un train pour Durango» joue la carte du burlesque avec une certaine réussite... On retiendra par exemple l'attaque du train durant laquelle un des assaillants veut à tout prix aller aux toilettes, ou la scène dans laquelle un mexicain demande à Brown de se déshabiller pour lui prendre son costume et que ce dernier lui dit : Je ne sais pas ce que vous avez derrière la tête. Puisque l'on parle de Brown sachez que ce trouble protagoniste est incarné par Mark Damon (Alias Alan Harris) qui après quelques rôles outre Atlantique, va débarquer en Italie pour lancer sa carrière d'acteur. Carrière qui se terminera d'ailleurs en beauté dans la production (L'histoire sans fin, Mac et moi, Short Ciruit, Dar l'invincible 2, Universal Soldier: Régénération... entre autres) . Un personnage intéressant puisque apparaissant tout au long du film en costard et en voiture... ajoutant une part de mystère, de modernité et qui permettant au récit de rebondir dans son dernier quart d'heure... Mais chut !
Le seul point noir à l'horizon est à charger sur les portées d'un score parodiant avec plus ou moins d'inspiration l'ouverture du Guillaume Tell de Rossini et l'apprenti sorcier de Paul Dukas. Il faudra concéder à Carlo Rustichelli qui a contribué à la bande originale de près de 400 films, qu'on ne peut pas mettre à tout les coups dans le mille. Un détail vite oublié par le spectateur, tout entier plongé dans les yeux et le décolté de la française Dominique Boschero. Bref voilà un train que le bisseux ferait bien de prendre...
Le disque :
Artus livre "Un train pour Durango" dans une chouette copie scopée accompagnée de pistes française et Italienne. Comme pour les autres titres de la collection, pour des raisons de coupes dans les montages d'exploitation et l'éditeur ayant fait le choix de proposer des versions intégrales, quelques passages ne sont pas doublés mais sous titrés. Face bonus, des bandes annonces, un diaporama et la désormais traditionnelle présentation du film par Curd Ridel. 12€90