Curieux défi que celui de poser sur «Les aventures fantastiques du Baron Münchhausen» un regard critique. Un défi, et je pèse mes mots, car pour avoir déjà numériquement noirci quelques feuilles, je sais l'exercice vain lorsqu'il n'est pas délicieusement déraisonnable. Il faut en effet avoir une curieuse conception du monde pour s'imaginer, ne serait-ce une seconde que ce que l'on a à dire puisse traverser même en périphérie les champs de la nécessité... que son avis (richesse à ce jour la plus égalitairement repartie) puisse valoir son pesant d'encre, de papier ou de kilo octet. Sans compter tout ce temps passé à parler des autres... Pour un égocentrique comme moi, finit aussi par avoir prix. Je m'exécute tout de même, le cynisme en paravent, à étaler l'érudition soudaine, comprendre résultante d'un travail de documentation, restitution éclair, pour l'amour du risque et la magie des mots qui s'entrechoquent... Je plonge donc à mes risques et périls, aux vôtres également, du moins si mon laïus introductif n'a pas eu l'effet d'entraîner votre fuite, dans ce trou béant...
1943, le bout du tunnel n'est
plus très loin... Joseph Goebbels, ministre de l'éducation du
peuple et de la propagande sous le troisième Reich, proche d'Adolf
Hitler entend fêter les 25 ans de l'UFA, production
cinématographique les plus importantes d'Allemagne,
en grande pompe. Sous ses ordres et donc sur l'impulsion du régime
nazi, au coeur de la seconde guerre mondiale, sera produit «Les
aventures fantastiques du Baron Münchhausen». Une adaptation au
budget fastueux (on parle alors de 6,5 millions de Reichsmarks)
et aux moyens pharaoniques. Une festival de décors, d'effets spéciaux,
un casting rassemblant la crème du cinéma d'époque... Le tout
filmé jusque sur les canaux de Venise et en AgfaColor s'il vous
plaît.
Alors bien sûr, il n'est pas interdit
de se borner au strict intérêt hautement cinéphilique du métrage.
Comme il n'est pas plus interdit de penser (il ne manquerait plus
que ça d'ailleurs) que ce «Munchhausen» reste le fruit d'une
époque. Non pas l'instrument du régime nazi car cela sous
entendrait que l'on puisse déceler dans son propos un discours
propagandaire. (Quoique ne sommes nous pas face à l'épopée d'un
militaire allemand à la conquêtes des plaisirs terrestres?) Mais
plutôt un film instrumentalisé en tant que tel par l'Allemagne …
Une bombe culturelle envoyée dans les airs pour faire éclater aux
yeux du monde la brillance et la suprématie d'un empire ...
Cette double lecture explique sans
doute les quelques déclarations que votre serviteur pu glaner ci et
là au fil de ses lectures. Prenons un exemple : «il y a même une nostalgie hautaine
dans laquelle on lirait volontiers le testament cynique d'un Reich au
bord de l'agonie...» Telerama en 2006. Ne comptez pas sur moi pour
tirer à vue sur Aurélien Ferenczi, auteur de ces lignes, car je
trouve en effet et quelque soient les arguments que l'on puisse
apporter (L'écriture d'Erich Kästner sous pseudonyme s'il fallait
en citer un) qu'il y a tout de même un peu de ça dans «Les aventures
fantastiques du Baron Münchhausen». Bien sûr et je dirai même par
chance le film de Josef
von Báky n'est pas uniquement cela, il est même surtout autre
chose, à commencer par une formidable déclaration d'amour à
l'imaginaire... Mais il m'est compliqué de complètement
déconnecter le film de sa propre l'histoire et de l'époque qui
l'éclaire. Regardons le choses en face, la UFA n'est pas allé
adapter le Pinocchio de Carlo Codolli, mais au contraire
s'est tourné vers un personnage profondément ancré dans
l'imaginaire «Allemand»… Ce qui donne une petite idée des
enjeux culturels qui traversent l'effort.
Écartons un instant
ces considérations, car ces aventures extraordinaires d'un mythomane
héroïque, lanceur de crac, tireur de casque valent mille fois mieux
que les obscurs rouages ayant entraîné à la force de l'histoire,
sa genèse. Le fac similé du dossier de presse français d'époque
promet le film en couleurs le plus prodigieux du siècle...
Déclaration que l'on considérera volontiers enflammée et téméraire
(puisque le film date de 1943) mais néanmoins pas risible pour un
sou. Le film de Von Baky se visionne comme on feuillette un
livre d'image dont chaque illustration fourmille de couleurs et de
détails. Et si quelques câbles traversent le cadre, la magie opère étrangement
encore.
Mieux, ce Munchhausen enchante par son délirant sérieux et un apparent premier degré. Pour le reste, chacun lira entre les lignes ce qu'il souhaite y lire.
Le disque :
Artus films offre aux «Aventures fantastiques du Baron de Munchhausen » une édition collector double disque. Sur le premier DVD vous trouverez le film au format 1.37 d'origine dans une copie fort estimable accompagnée de pistes allemandes et françaises (Sous titres français optionnel). Alain Petit se penche durant 36 minutes sur le baron de Crac, pour le même prix vous aurez droit à une bande annonce et un diaporama d'affiches et de photos. Sur le disque 2, un documentaire massif « Un Mythe en Agfacolor » revenant durant 76 minutes sur les origines du procédé et la genèse de « Munchhausen ». Enfin , outre le catalogue éditeur, cette édition est complété par un fac similé de 8 pages du dossier de presse français d'époque. 16€90