Octobre 2013, Artus films s'associe
avec Sheep Tapes pour enrichir la collection des «Improbables de
Nanarland.com». Après Devil Story, il était une fois le diable,
indiscutable (et par ailleurs incontesté) chef d'œuvre de Bernard
Launois, voilà qu'un coffret «Ninjas» pointe le bout de son
Nunchaku. De quoi sérieusement se donner l'envie de balancer son
écran HD par la fenêtre et de faire passer son home
cinéma par la cuvette des chiottes. Ecranbis.com s'est attelé à la
bestiole...
Coup du hasard, tatane de la destiné, la
semaine dernière, votre serviteur préparait un bonus pour l'édition
à venir d'une pépite disparue, lorsque la question du «nanar»
vint sur la table. Il me semble l'avoir déjà proclamé à de multiples reprises dans ces
colonnes numériques et ailleurs, je ne suis pour ainsi dire pas un
adorateur du terme. Appellation incontrôlable, au même titre que
«Cinéma Bis», «Serie B», cet étiquetage forcé me pose en fait
plusieurs problèmes. Premièrement car le "nanar" est qu'on le veuille ou
non d'un territoire cinéphilique à géométrie variable.
Tout le
monde sait ce que c'est mais personne n'est capable d'en donner une
définition réellement universelle, c'est à dire suffisamment
englobante (car des ninjateries de Godfrey Ho à Yor, chasseur du
futur en passant par Plan 9 from Outer space, il y a, excusez-moi, du
chemin) et dans le même temps acceptablement restrictive. Les
critères de classification les plus souvent retenus, ces fameux
films involontairement drôles, "so bad it's good" comme l'affirme avec malice nos cousins d'Amérique, vendent un peu la
mèche. J'ai l'intuition que le mot nanar parle plus de la façon
dont on regarde ces films que des films eux même. Persuadé que
l'on peut se montrer tout aussi sarcastique et moqueur au chevet de
quelques grands classiques, irrité par la généralisation et la
«Geekarisation» du terme, j'ai pratiquement renoncé à son usage.
Il me faut cependant reconnaître que
je l'utilise encore, lorsque les mots manquent, lorsque le n'importe
quoi l'emporte sur tout, face à l'indicible donc. Et cela tombe
bien puisque les trois œuvres qui composent ce plat de nouilles
asiatiques et pelliculaires épousent parfaitement les contours de ce
j'appelle à titre personnel le «Nanar». Leur intérêt cinpéhilique
ne se borne pas pour autant à leur nature de bon mauvais films et de
spectacles déviants. Il y a derrière cette foire aux Ninjas , un
véritable process artisanal, baptisé «2 en 1» par nos camarades de
Nanarland.com et que l'on pourrait définir comme un télescopage
d'oeuvres, bien que le terme carambolage soit sans doute plus à
propos. J'y reviendrai. Dans les années 80, le guerrier espion
japonais entre tête baissée dans la culture pop mondiale... Le mot
«Ninja» suffit à ouvrir les portes des vidéoclubs, voir celle de
la programmation télévisuelle (N'oublions pas l'époque ou M6
proposait chaque semaine une soirée ninja en prime time) à toute bobine
embarquant un couillon en tenue traditionnelle. Oui, l'art de la
ninjasploitation est tout sauf exigeant. Une simple panoplie, un
enturbanage sommaire suffit à faire avaler la pilule et la
péloche.
A cette époque, Godfrey Ho s'associe à un certain Tomas Tang pour répondre à la demande. (c'est ce qui s'appelle mettre de l'Ho dans son Tang) et nos deux compagnons vont se lancer dans un curieux jeu de détournement consistant à caviarder d'obscures bobines chinoises d'inserts mettant en scène des acteurs occidentaux. Un procédé compilatoire discutable mais dont ils n'auront pas l'exclusivité. Nous avions en effet déjà abordé dans ces colonnes numériques, les cas de Demented Death Farm Massacre de Fred Olen Ray ou encore celui de Savage Island, compilation de deux films de WIP junglisant douloureusement rafistolé et agrémenté de quelques minutes supplémentaires, tourné à la va-vite avec Linda Blair. Mieux encore, les pauvres acteurs occidentaux venus cachetonner en douce à Hong Kong vont voir leur performance recyclée et se retrouvent donc à l'affiche de plusieurs films.
Le présent coffret nous permet de découvrir, ou redécouvrir, trois de ces bidouillages éhontés. Trois encartades dans le monde sans logique du 2 en 1. Clash Commando (Clash of the ninja), Ninja in action, Ninja: american warrior partagent bien des caractéristiques. Scénarios sans queue ni tête et parfaitement inintéressants, basés sur une double intrigue, des personnages qui ne croisent pas (puisque évoluant dans deux films distincts) et une nullité d'exécution sans faille. Évidemment face à de de tels gloubi-boulga cinématographiques, le spectateur n'a guère d'autre solution que de se moquer du tâtonnement des comédiens et des cinéastes, de la parfaite gratuité d'interminable séquences kung futeuses et surtout de savourer les incroyables subterfuges trouvé par Ho et Tang pour passer d'un film à l'autre.
Pas sûr que tout le monde comprenne ou adhère, mais ce ticket d'entrée vidéastique pour la quatrième dimension a de grandes chances de faire mouche chez les aventuriers de la bobine perdue et les branchés en quête de sensations nouvelles. Les lecteurs d'écranbis.com ( et particulièrement ceux dont on suit le dossier sur notre page facebook) peuvent donc y aller sans crainte. A condition bien sûr de respecter les doses (Faites des pauses !).
Le coffret :
Les trois films nous parviennent dans des conditions douloureuses , c'est à dire dans des copies particulièrement griffées, aux couleurs délavées rendant le visionnage sur grand écran difficile. Si vous avez un vieux cathodique qui dort à la cave ou au grenier, c'est le moment de lui faire prendre l'air. Notons toutefois que ce coffret est sans doute le meilleur support disponible pour découvrir les dites pépites. Rayon plaisir des canaux auditifs, pistes françaises et anglaise. (Français recommandé, les doubleurs ayant visiblement également pris ces spectacles à la rigolade). Enfin, le deuxième disque embarque quelques bonus intéressants:
-Un doublage alternatif d'une scène
-Une explication du procédé dit de "2 en 1"
-Un entretien avec Richard Harrisson
-Et enfin un documentaire, assez touchant sur Paul Tocha.(Une vraie réussite)