Pieces : Critique et test DVD



Février 2014, Ecranbis.com poursuit son exploration du sulfureux catalogue du non moins sulfureux éditeur Uncut Movies. Le plaisir interdit du jour s'appelle parfois «Pieces» d'autres fois «Le sadique à la tronçonneuse», «Chainsaw Devil» ou encore «Le cri du cobra»... Voyage dans l'Amérique ibérique de Piquer Simon en Bis'ness class ou l'art de mettre une pièce dans la machine à chronique.

Il me faut, une fois n'est pas coutume, introduire ce modeste papier pellicul-amoureux par quelques excuses. En effet, une poignée de nuits blanches en arrière, j'égratignais sans grande retenue dans ces colonnes numériques «Los Nuevo extra terrestres» (L'éclosion des monstres), effort «Piquer Simonesque» dont l'édition vidéo française (sous le titre Visitors chez RTZ Vidéo) m'avait laissé quelques amers souvenirs adolescents. Premièrement, le film ne m'avait pas emballé, deuxièmement la cassette locative eut la très mauvaise idée d'encrasser les têtes de lectures du magnétoscope familial et par conséquent de créer un incident diplomatique sans précédent. J'évoquais donc le film de mémoire et il se trouve que depuis ce jet littéraire moqueur, une édition zone 1 (un master VHS affreux mais qui a le mérite d'exister) m'est passé à portée de platine. Comprenez bien qu'il n'est pas question de retourner complètement ma veste, mais je tenais tout de même à dire que ce petit film de science fiction , mi E.T. , mi film d'horreur et son délirant héros extraterrestre «Trumpy», mérite mieux qu'une ligne à l'humour discutable. Mea culpa  ! 


Dire que Juan Piquer Simon n'a même pas droit à sa fiche dans le pavé «Cinéma Bis: 50 ans de cinéma de quartier» d'Aknin... Quelle injustice ! Le parcours du bonhomme débute en 1977, au pied d'une adaptation Vernienne. «Viaje al centro de la Tierra» à traduire le plus littéralement possible «Voyage au centre de la terre» ! Une excursion délicieusement surannée dans l'imaginaire avec un grand «I», une péloche à l'esthétisme roublard mais charmant. Autrement dit une descente filmique qui atteint des sommets du bis... et un petit chef d'œuvre exploitatif, visionnable grâce à un DVD zone 2 à la copie perfectible mais vendu au prix du plastique (2005 - Distribution Warner vision). «Voyage au centre de la terre», présenté au marché du film de Cannes l'année de sa réalisation, éveille l'intérêt des financiers internationaux. Et plutôt que de tenter sa chance outre Atlantique (l'homme confessera avoir quelques difficultés avec la langue de Shakespeare ), Piquer Simon parvient à faire financer son prochain effort sur sa terre natale. 1979, l'Espagne répliquera donc au «Superman» de Lester, d'un inattendu «Supersonic Man» de Piquer. S'en suivront «Le mystère de l’île aux monstres» et «Los Diablos del mar».


En 1982, c'est toujours de l'autre côté des Pyrénées qu'est tourné «Pieces». Après tout, depuis Almeria et l'apogée de l'euro-western, l'Espagne n'est-elle pas un bout d’Amérique fantasmée et pelliculaire ? (Il suffit de voir l'Angoisse de Bigas Luna pour s'en convaincre non ?). Madrid prendra le visage de Boston, et les quelques plans extérieurs nécessaires au tour de passe passe seront empruntés à «Supersonic Man». A l'écran et comme toujours chez Piquer Simon, l'illusion est quasi parfaite. Quatre semaines de tournage et une supplémentaire pour la mise en œuvre des effets spéciaux seront nécessaires. Le sadique à la tronçonneuse sortira sur les ��crans ibériques à la fin de l'été 1982, un an plus tard aux États Unis où il embrasse un succès certain. Au point même d'envisager la production d'une suite qui ne verra toutefois pas le jour. La fée du cinéma bis ne peut se pencher sur tous les berceaux à la fois. 


Tout commence par un flash-back sanglant. 1942 dans la banlieue de Boston Massachusetts, un gosse est surpris pas son autorité maternelle en plein assemblage d'une puzzle érotique. Excédé par la réaction hystérique de maman, le mouflet met fin au litige en lui collant un coup de hache dans la tête. Quelques décennies plus tard, le campus d'une université devient le théâtre d'actes ignobles. Et si les étudiantes perdent la tête, notre amateur de puzzle n'a lui pas perdu la main. Qu'on me pardonne ne pas pénétrer plus en profondeur dans la chair d'un script miraculeux. L'intérêt du propos tient en une seule et unique question. Interrogation, qui préfigure de façon involontaire et curieuse un opéra télévisuel à venir (qui a tué la petite Palmer ?). La réponse prend la tournure d'un récit vaguement Agatha Christique caviardé de rendez avec la faucheuse. Et le plus bizarrement du monde, sous ses airs d'enquête joyeusement plan plan, Pieces donne dans le gore, sans retenue aucune. Le prototype même de l’œuvre bicéphale et un sens du double tranchant qui font de ce «Sadique à la tronçoneuse» ( Avec un seul «n » si l'on en croit la VHS française , piquant au passage un visuel de Texas Chainsaw Masscare) une pure curiosité Post Vendredi 13.


Cerise sur la gâteau, la symbolique du miroir brisé (un peu sous exploité) celle du puzzle, de carton ou de chair, à travers laquelle s'expose une vision fantasmée et fétichiste du corps des femmes. De façon factuelle, notre sadique (au look mi «The Shadow», mi Aristide Bruant) découpe d'un côté, reconstruit de l'autre. Vous l'aurez compris à la lecture de ces modestes lignes, en matière de cinéma Bis, Pieces constitue un indiscutable morceau. Une œuvre qui à l'instar de son bourreau, compile avec jusqu'au-boutisme les codes du genre...Ou quand le forme rejoint le fond.

Notes: Rajoutons pour l'anecdote que Dick Randall qui eut à miser quelques pesetas dans cette aventure tranchante, convia Huang Kin Lung (c'est à dire le faux Bruce Lee ou le vrai Bruce Le) à la fête. Son apparition inopportune risque de ravir les amateurs de mauvais goût.




Le disque: Aucune surprise du côté de chez Uncut, qui livre, comme à son habitude, une édition d'excellente facture. Une belle image au format 1.66 , trois mixages audio monophoniques (français, espagnol et anglais) ainsi que des sous titres français. Rayon bonus : Galerie photo et bande annonce. A commander ou recommander de ce côté-ci du net : www.uncutmovies.fr