The Crater Lake Monster : Critique et test DVD


Étonnante douceur d'un mois de septembre, nos cheveux dans le vent, regards perdus dans un apocalypse rougeoyant, crépuscule de feu nous faisant croire que l'été défunt brûle encore de toutes ses flammes à l'autre bout de l'horizon. Au loin, un dinosaure fait trempette, plus près, les amoureux s'enlacent, narguant d'innocents baisers le plus ordinaire des désastres... La barque de leur été prend l'eau de toute part. L'affiche de «The Crater Lake Monster» parle mieux de la fin des vacances que la larme discrète roulant sur la joue des jeunes filles lorsque vient l'heure de rendre ses premiers émois aux vagues. Patte de nez à ce lugubre retour à la réalité, le chat qui tousse (On lui avait bien dit, depuis le temps qu'il fume, ça devait arriver) revient aux affaires avec une nouvelle série de digipacks estampillés «Collection Exploitation Cinema » ... entre anglicisme et dyslexie donc. Ecranbis.com s'est envoyé la galette entre deux crises de banana spleen.

C'est officiel Jean-Pierre Marielle et David Guetta ont bel et bien fusionné...
Modeste production chapeautée par Crown Internationnal Pictures, tournée avec peau de lezard et 100 000 billets verts (selon les organisateurs, un peu moins selon la police), The Crate Lake Monster aurait pu glisser comme milles autres spectacles pour drive-in, sous le tapis de l'oublie... Laissant pour dernières et seules traces tangibles quelques photos d'exploitation, une paire d'affiches et un master dont l'image brouillardeuse, recadrée à la hache, suffirait à ravir quelques archéologues monstrophiles completistes. Les dieux de la vidéo en décidèrent autrement. Le catalogue de la Crown tombé dans l'escarcelle de Mill Creek Entertainement, The Crate Lake Monster se retrouva embarqué de force dans plusieurs packs, compilation boulémico-filmique dont l'éditeur américain s'est fait une petite spécialité. Il faudra également ajouter à l'addition un Bluray double programme pour lequel le film de William R. Stromberg fut marié de force au Galaxina de William Sachs. De l'autre côté de l'Atlantique une édition manquait encore à l'appel. Pour une fois, un chat noir devait nous apporter une bonne nouvelle.

Je te rappelle dans un moment, je vais passer sous un dinosaure.

Quelque part entre le nord de la Californie et le sud de l’Oregon, une équipe de scientifiques découvrent dans un labyrinthe sous-terrain de surprenantes peintures rupestres. Ces œuvres arrachées au passé décrivent d'épiques combats entre une armée de guerriers et un plésiosaure, pendant qu'un ancêtre de Bernard Henry Levy déclame du haut la colline, en pointant la créature du doigt du savoir, «En tant que représentant autoproclamé de la tribu, je suis favorable à une intervention contre la grosse bébête.... là bas » Bon ok j'en rajoute un peu... C'est vrai ! Il n'a pas peut être pas dit "là bas"...  Nos trois explorateurs du dimanche pensent alors détenir la preuve que l'homme a bien partagé une partie de son histoire avec les monstres reptiliens connus aujourd'hui sous le nom de … dinosaures. Qui à l'époque se prononçait «ahhhhhhhhhh» ( en expirant et de la terreur plein les yeux, allez y essayez) ce qui permettait en même temps de donner l'alerte. Une fois saisi par l'animal , il était possible de rajouter le son « Rggg » pour former le mot «ahhhhhhhhhrggg» à traduire par quelque chose tenant du «Je risque d'être un petit peu en retard à midi , commencez à faire le feu sans moi ».


Sur la plage Marseillaise, la police municipale est à nouveau prise à partie

Passons sur ce petit cours de langue primitive qui m'a  bien évidemment été dicté par un souci d'exactitude scientifique et historique. Au même moment, un météore traverse les cieux et vient s'écraser à proximité, dans une grande et providentielle flaque. En résulte la destruction des vestiges et de leurs graffitis préhistoriques. Si nos chercheurs ont échappé à la mort, la faune locale, elle, ne tarde pas à faire les valises. Un campeur disparaît puis un pêcheur ... Quelque chose décidément ne tourne pas rond à Crater Lake.

«One of the worst giant monster flicks of all time» écrit George R. Reis pour le site américain DVD Drive-in, «le film qui n'a pas inspiré Steven Speilberg» lui répond l'éditeur en ricanant . Dans le ciel du cinéma bis, toutes les mouettes semblent d'accord. Le visionnage de «The Crater Lake Monster» tient à minima du flirt avec le bizarroïde et dans ses pires circonvolutions de l'étreinte nanarde. Pourtant le métrage est cinématographiquement plutôt coquet, certes trempé dans le jus des seventies. Attention donc au risque d'allergie à la moustache, aux rouflaquettes, aux tempes crépues et aux coupes playmobile.  Il y a aussi et sans doute, même pourrais-je écrire surtout, ces séquences d'animation image par image tournées nous dit-on en Fantamotion, technique reprenant à priori tous les éléments de la Dynamation de Ray Harryhausen, le copyright en moins (d 'ailleurs cette chroniques est écrite en radinvision puisque l'éditeur a eu l'outrecuidance d'essayer de nous corrompre avec une galette de test).

Mais y'a pas lezard !

Les apparitions monstrueuses ne furent d'ailleurs pas l' œuvre du premier pékin venu, mais réalisées par  David Allen (Futur architecte des cauchemars de Charles Band) secondé par Phil Tippet. Mais ces touches de poésies visuelles parfois hésitantes ont surtout la mauvaise idée d'être contrariées par un récit décousu main. "The Crate Lake Monster" connaît en effet de saisissants moments d'égarement, frôlant la comédie lourdingue sur fond musical sirupeux... lorsqu'il ne s'agit pas d'accompagner dans un enchaînement de plans parfaitement inutiles, les errances tout aussi indues de ses personnages. Le niveau de ringardise affiché par cette ballade bucolique, le fait qu'elle joue plus volontiers la montre que le monstre lui confère une saveur très particulière. Celle  d'une délicieuse parenthèse enchiantée, sublime à sa manière et drôle par accident. C'est dire si la chose est recommandable !


Le disque :
 

"Fais du digipack, ça cartonne !" Après Artus et Bach films, c'est au tour du Chat d'abandonner le bon vieux boîtier Amaray au profit du tendance emballage plat. On notera au passage que la chose est d'un point de vue graphique remarquablement conçue et laisse même entrevoir dans ses volets intérieurs, une des futures sorties de l'éditeur. Le film est lui présenté au format 1.85 (16/9) dans une master superbe accompagné d'un seul et unique mixage V.O. sous-titré  avec soin. En guise de suppléments, des bandes annonces et une présentation du film par Eric Peretti. Le tout est à commander sur la boutique en ligne de l'éditeur (www.scope35.fr) histoire de ne pas nourrir le monstre de la mondialisation et ses amazon(e)s tentatrices... Un peu de nationalisme économique merde ! 

Un bien beau menu qui donne envie de rembobiner à l'infini...