A l'heure où j'écris ces modestes lignes, le «culte» se distribue à tour de bras, en rafales, au risque d'envoyer le mot dans la corbeille de la langue française. Attention, jargon usagé, patois cinéphilique laminé par le temps, un usage immodéré et la bêtise qui suit généralement la caravane en hurlant. Un peu comme nos irresponsables politiques du moment, pauvres pantins moralistes et sans foie, se perdent avec candeur, pour ne pas écrire niaiserie dans le labyrinthe du logos. «J'en tire les conséquences !». Comme si les conséquences ne venaient pas d'elles-même et les conclusions restaient définitivement hors de portée, pour cause d'absence de courage et de facultés cognitives en panne. Il me semble parfois, plongeant dans la littérature disponible, que tout ce qui a eu la bonne idée d'imprimer la pellicule avant la toute fin des années 80, se voit désormais estampillé «Culte»...Ce à quoi il n'est pas interdit d'introduire un peu de relativité et de répondre par une sournoise (j'en conviens) interrogation: «Pour qui et pour combien de temps ?». Fort heureusement, il y a des bobines pour lesquelles, la question ne se pose pas ou plutôt se pose moins. Parce qu'elles sont entrées dans la culture populaire, l'imaginaire collectif, qu'elles traverses les conversations de ceux qui les ont vus, de ceux qui en ont entendu parler comme de ceux qui ne peuvent pas en ignorer l'existence. «The Texas Chainsaw Massacre», connu de ce côté de l'atlantique sous le titre «Massacre à la tronçonneuse» en fait sans débat possible, partie.
"Le second film de Hooper est avant toute chose, une plongée bizarroïde dans les entrailles du nouveau monde. Un poignée de teenagers embrassant le modernisme d'alors, embarqués dans un trip au bout de l'Amérique."
Le second film de Hooper est avant toute chose, une plongée bizarroïde dans les entrailles du nouveau monde. Un poignée de teenagers embrassant le modernisme d'alors, embarqués dans un trip au bout de l'Amérique. Hameaux retirés, stations services glauques, contrées perdues et poussièreuses respirant l'élevage de porcs, les étreintes entre cousins et la consanguinité découlante. L'imagerie Redneck invoquée, cette peinture cinématographique du cul terreux rappelle une poignée d'œuvres antérieurs (Delivrance, 2000 Maniacs) mais surtout une dualité culturelle toujours en cours. Dans The Texas Chainsaw Massacre, deux Amériques s'affrontent. Celle des champs et celle des villes. Il faut préciser que cette distension sociétale n'a rien de singulière ou d'americano centrée et l'on pourrait parfaitement la rapprocher du distinguo «Capitale Province», séparant souvent de façon toute à fait pédante, pretencieuse et gentiment xenophobe, Paris du reste de l'hexagone. Le concept de nation est bien peu de chose face à celui de l'endogroupe.
"Et le cinéma horrifique américain ne se privera pas d'envoyer sa jeunesse citadine en ces terres inconnues mais très paradoxalement à porté d'autobus, se moquant par la caricature de cette vieux nouveau continent, pauvre, conservateur et religieux qui deviendra trois décennies plus tard le réservoir électoral du Tea Party."
Et le cinéma horrifique américain ne se privera pas d'envoyer sa jeunesse citadine en ces terres inconnues mais très paradoxalement à porté d'autobus, se moquant par la caricature de cette vieux nouveau continent, pauvre, conservateur et religieux qui deviendra trois décennies plus tard le réservoir électoral du Tea Party. En France, le cinéma qui rêve la société selon les dogmes idéologiques post soixante-huitard limitera son exploitation de la thématique à la comédie vague et franchouillarde, dépeignant non sans paradoxe, l'affrontement de la paysannerie et de ce qui fut appelé "les Néo-ruraux" ramenés du béton à la terre par le néo-paganinisme alors en vogue, une forme de gauchisme euphorisée ... dont la pensée écologique actuelle apparait toujours comme une émulsion douloureuse.
Ce canevas deviendra même un sillon. Si je me permet d'insister aussi lourdement, c'est qu'à mes yeux The Texas Chainsaw Massacre est sans doute beaucoup moins un cauchemar américain, qu'un cauchemar générationnel. Le film de Hooper plaide involontairement sans doute puisqu'il est le fruit d'une époque, pour le remplacement d'un monde par un autre, l'ancien, conservateur congenitalement sale et attardé, le nouveau fatalement plus hédoniste et consommateur, miraculeusement incarné par un jeunesse éprise de liberté (face emmergée pour ne pas dire introductive ou lubrifiante d'un libéralisme à venir). Voilà sans doute ce qui explique l'universalité du propos et de l'œuvre lui servant de bateau... Sa survivante flattant la pensée feministe, la figure de l'ennemi intérieur seront pour ainsi dire les cerises sur le gâteau de l'air du temps. The Texas Chainsaw Massacre est un film nihiliste, mais idélogiquement chargé. Un produit de ce nouveau monde qui, permettez-moi d'y voir un signe, n'aura le droit aux salles obscures de l'hexagone que lorsque les porteurs de cette même pensée perceront les sphères du pouvoir. Aussi deviante soit l'oeuvre de Hooper, elle ne fait pas de lui un apostat, tout au contraire...
"... il fait toujours figure, quarante ans après sa réalisation, de démonstration voire de monument. Au risque d'éclipser la carrière à venir du réalisateur, lui donner des airs de pente savonneuse...Et permettre au peuple de crier à roi déchu"
Voilà pour le côté pile ! Côté face : Massacre à la tronçonneuse annonce aussi la naissance d'un croquemitaine star: Un colosse fou et masqué, un géant implacable, armé d'un engin à moteur (Pétro dépendant donc... tout un symbole) : Leatherface . Il est ainsi d'usage d' écrire que le film participe à la fondation d'un genre à venir. Le Slasher. C'est très vrai, ou peut être devrais-je écrire que la nature transitionnelle du film de Hooper (vers le film d'horreur adolescent moderne) apparaît peu négociable et son influence sur la production à venir manifeste.
En substance, il faut sans doute
concéder que le film a, au moins en partie, échappé à son
géniteur. Ce qui est au fond la vertu des belles œuvres. A travers
ses égarements documentaires, son grain, sa frontalité parfois
amateur et ses coup de génies, son atmosphère putride, sa bande
originale acousmatique et son soleil marteleur, ce «massacre»
parle peut être au delà de son maigre propos scénaristique...explorant la terreur et la folie de façon
conceptuelle, démonstrative, curieusement sans gore mais non sans
humour. Il n'est donc pas le spectacle Grand Guignol promis par son
titre, mais une comptine malsaine, éprouvante, s'amusant de son
spectateur jusqu'à la suffocation. En ce, il fait toujours figure,
quarante ans après sa réalisation, de démonstration voire de
monument. Au risque d'éclipser la carrière à venir du
réalisateur, lui donner des airs de pente savonneuse...Et permettre
au peuple de crier à roi déchu.
Un oeil sur les disques :
Un oeil sur les disques :
Pour sa ressortie cinéma et Bluray
chez Second Sight, Massacre à la tronçonneuse nous revient dans une
copie restaurée 4K (ici présenté en 1080p/23/98fps) et un nouveau
mixage 7.1 (Version originale), tout deux supervisés par Tobe Hooper,
le tout embarqué dans un double bluray Steel Case ou (c'est au
choix) un boîtier standard doté d'une jaquette réversible reprenant
les visuels originaux américains. Disons le franchement, la qualité
est impressionnante, la copie a été nettoyée de toute saleté et
altération mais conserve un grain omniprésent. Un travail
titanesque qui aurait nécessité 5 mois à raison de semaines de 40
heures. L'édition proposée par Second Sight compense son absence
d'option française par un sous titre anglais optionnel et livre une
ration gargantuesque de bonus. Jugez sur pièce:
- Un nouveau commentaire de Tobe Hooper
- Un nouveau commentaire du directeur de la photographie Daniel Pearl en compagnie du responsable du son Ted Nicolaou et de l'éditeur J. Larry Carroll
- « Cutting Chain saw » un document sur le montage du film.
- Un nouveau commentaire de Tobe Hooper
- Un nouveau commentaire du directeur de la photographie Daniel Pearl en compagnie du responsable du son Ted Nicolaou et de l'éditeur J. Larry Carroll
- « Cutting Chain saw » un document sur le montage du film.
- « Granpa's Tales »
avec l'acteur John Dugan
- « Horror's Hallowed grounds »
- De nouvelles scènes supprimées
Mais aussi...
- Un ancien commentaire avec Tobe Hooper, Gnnar Hansen et Daniel Peral
- Un commentaire avec Marilyn Burns, Allen Danziger, Paul A. partain et Roberts Burns
- « The shocking Truth »
- « Flesh Wounds » - Seven Stories of the saw »
- « Horror's Hallowed grounds »
- De nouvelles scènes supprimées
Mais aussi...
- Un ancien commentaire avec Tobe Hooper, Gnnar Hansen et Daniel Peral
- Un commentaire avec Marilyn Burns, Allen Danziger, Paul A. partain et Roberts Burns
- « The shocking Truth »
- « Flesh Wounds » - Seven Stories of the saw »
- « Off the Hook »
avec Teri McMinn
- « The Business of chainsaw » avec le producteur Ron Bozman
- Une visite de la maison de «Massacre à la tronçonneuse » avec Gunnar Hansen
- Une interview de Tobe Hooper
- Une interview de Kim Henkel
- des scènes supprimées, des bandes annonces, spot radio et télé.
Le tout sera disponible dès le 17 novembre dans toute boutique pratiquant l'import ainsi que sur internet au prix de vente conseillé de 22£99 (29€) pour la version Steel Case et 19£99 (25€) pour la version boitier standard.
- « The Business of chainsaw » avec le producteur Ron Bozman
- Une visite de la maison de «Massacre à la tronçonneuse » avec Gunnar Hansen
- Une interview de Tobe Hooper
- Une interview de Kim Henkel
- des scènes supprimées, des bandes annonces, spot radio et télé.
Le tout sera disponible dès le 17 novembre dans toute boutique pratiquant l'import ainsi que sur internet au prix de vente conseillé de 22£99 (29€) pour la version Steel Case et 19£99 (25€) pour la version boitier standard.